Législatives partielles : Quelles implications pour le PJD tout à ses vieux démons - Par Bilal TALIDI

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Des élites influentes sont tentées d’interpréter les résultats des élections partielles de la même manière que Abdalilah Benkirane et ses amis ont lu du scrutin du 8 septembre ; une façon de renvoyer la politesse à l’actuel Secrétaire général du parti en lui imputant l’échec de la gestion de cette échéance

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Les élections législatives partielles ont toujours fait l’objet d’une controverse sur le sens politique à accorder à leurs résultats. Tous les partis politiques, appuyés par les experts de l’analyse de leurs résultats, répugnent à trouver des similitudes entre scrutin ordinaire et élections partielles. 

Ils en veulent pour raisons un taux de participation inégal, et une grande différence en termes de prédisposition et de préparation qu’induisent les deux échéances.

Il n’en demeure moins que les récentes élections partielles revêtent une signification singulière qui se prête à diverses interprétations. Parce qu’elles se sont déroulées dans un contexte marqué par un antagonisme exacerbé autour de la performance du gouvernement et une campagne virtuelle qui, sur fond de hausse des prix des carburants, cible particulièrement le Chef du gouvernement, observateurs comme formations politiques guettaient leur résultat pur mesurer à leur aune la portée réelle de la grogne.  

Les partis de la coalition gouvernementale espéraient des résultats à ces partielles qui ne s’apparenteraient pas au vote sanction tant de la part des ‘’élites supérieurs’’ que de la part des électeurs.

En face, les partis de l’opposition guettaient dans ces résultats trois indicateurs fondamentaux. Le premier et le plus importants est de sonder l’humeur des hautes sphères au sujet de la situation politique actuelle. Le deuxième consiste à diagnostiquer la base électorale (celle inscrite sur les listes) pour vérifier si elle soutient toujours le gouvernement ou elle penche du côté des protestations virtuelles. Le troisième est de soupeser leur poids électoral, voire mesurer le degré de leur cohésion interne.

D’emblée il faut admettre que les résultats des élections partielles ont été une désillusion, dès lors que les députés déchus de la coalition ont retrouvé leurs sièges, révélant par là-même le maintien du réseau des relations électorales traditionnelles qui les ont portés au Parlement lors des élections ordinaires.

Nul doute que les partis de la Coalition, rassurés par ces résultats, tenteront de convaincre que la popularité du gouvernement résiste à l’effritement, que les protestations virtuelles n’ont pas d’impact sur la réalité, et que les partis de l’opposition sont sortis bredouilles comme lors des élections ordinaires.

Les partis de l’opposition, et plus particulièrement le PJD, tenteront d’interpréter les résultats de ces élections sous divers aspects. 

Le courant majoritaire considèrerait les résultats de ces élections partielles comme, suivant la litanie habituelle, un prolongement des élections ordinaires, en termes d’érosion de la vie politique, de falsification de la volonté populaire et de confection d’une carte électorale sans rapport aucun avec la réalité.

Lors du scrutin du 8 septembre, le PJD s’est fendu d’un communiqué, exprimant le sentiment de ce courant majoritaire, qui, au lieu de remettre politiquement en cause les résultats qui l’ont laminé, il a usé lexique soft considérant tout au plus que les résultats des élections étaient «incompréhensibles».

Aujourd’hui, rien ne garantit la persistance de cette terminologie dans un contexte de pressions internes plus promptes à appeler les choses par leurs noms.

Aux de ce cotés de ce courant majoritaire, des élites influentes veulent interpréter les résultats des élections partielles de la même manière que Abdalilah Benkirane et ses amis ont lu du scrutin du 8 septembre ; une façon de renvoyer la politesse à l’actuel Secrétaire général du parti en lui imputant l’échec de la gestion de cette échéance électorale et d’exploiter la contreperformance du PJD comme une arme dans leur bras de fer avec Benkirane.

Un troisième courant, qui a commencé à voir jour récemment, avance une évaluation différente. Pour lui, les résultats du scrutin du 8 septembre et des élections partielles actuelles ne sont que le reflet d’ingérence administrative et politique dans l’opération électorale et le rétrécissement de son horizon. Ce courant plaide pour des positions fermes pouvant aller jusqu’au boycott de l’opération électorale et conditionne la participation à des garanties d’intégrité et d’impartialité de l’administration territoriale.

Partant de ces mêmes revers électoraux, un autre point de vue, non moins important, remet en question l’ensemble du projet politique, la vision politique du parti, voire son leadership historique. Il interpelle le projet actuel du parti se demandant s’il n’a pas complètement épuisé ses ressources théoriques au point de nécessiter la production d’une nouvelle vision qui apporterait les réponses adéquates au rapport entre les composantes du champ politique, et repositionnerait la question sociale au centre de la ligne politique du parti.

D’Après ce courant, le PJD se serait trop éloigné de ses positions sociales et s’est distancié des préoccupations sociales, identitaires et politiques des masses populaires. Pour lui, le parti a besoin de bâtir une nouvelle ligne politique capable de répondre à son rôle, non pas uniquement pour le maintien de la stabilité, mais également à sa mission d’exprimer les préoccupations des couches démunies et de la classe moyenne en se rangeant de leur côté.

Un cinquième point de vue porté par les cercles proches de la direction actuelle, estime que le parti assume son rôle et persévèrera dans sa position réformatrice en dépit des entorses faites au processus démocratique. Il considère que la confiance populaire, loin d’être une sinécure, a besoin d’être entretenue en permanence. Sa reconstruction appelle le rétablissement des liens avec les couches sociales qui constituaient le socle solide du parti. L’argument majeur de ces cercles est que le système politique ne pourrait s’accommoder indéfiniment de sa sclérose actuelle. Ils tablent sur l’évolution future qui finirait par leur donner raison, le moment venu, exactement comme ce fut le cas lors des législatives du 25 septembre 2011. Tout ne serait donc qu’une question de patience et d’opportunité.

Enfin une sixième et dernière catégorie, hermétiquement attachée à ses idées, représentant le bloc conservateur, reste concentré sur l’unité du parti. Elle ne se soucie ni de son orientation, ni de ses victoires, ni de ses déboires. Elle cherche le maintien du parti dans une logique de confrontation permanente afin de lui épargner la perte d’autres acquis, non politiques ceux-là, qui fondent le projet islamiste dans son ensemble.

Difficile de prédire ce qu’il adviendra de ces différentes orientations, mais l’on peut d’ores et déjà esquisser une image parcellaire des alliances potentielles. Ainsi, la polarisation se poursuivra entre la ligne de la préservation du rôle réformateur du parti et les tenants de l’échec de la direction en place à travers les résultats des législatives partielles. Dans ce cas, il y a fort à parier que l’antagonisme entre ces deux tendances placera le courant de révision de la ligne politique et la priorisation de la question sociale au centre des tentatives de récupération par les uns et les autres.

La ligne dure, tranchante sur la participation politique (garanties d’intégrité et de non-ingérence administrative dans l’opération électorale) donne du mou à la direction actuelle, du fait que les prochaines élections ordinaires n’auront pas lieu avant 2026, sachant que la participation aux élections partielles à moyen terme ou même leur boycott ne pose pas un problème majeur.

La ligne de la remise en cause politique est visiblement sans perspective claire si l’on considère l’intérêt d’une position tranchée de cette envergure en rapport avec une échéance d’importance minime, mais au coût politique énorme. Ses thèses et  arguments sont partagés par les adeptes du maintien du rôle réformateur, en même temps ils considèrent que toute menace au processus politique n’aboutirait qu’à l’impasse et estiment en conséquence que le parti devrait rester disposé à fournir ses services à la Patrie, à appuyer sa stabilité et à préserver ses institutions.

Globalement, le PJD est confronté à une multitude de défis lors de son interprétation des résultats des élections partielles. Les tendances qui traversent le parti, au-delà de leurs différences, s’accordent sur leur conviction que pour l’Etat, le PJD n’est toujours pas en odeur de sainteté. Dès lors Faudrait-il commencer par réparer ses rapports avec l’Etat ou s’attaquer d’abord à la réforme du parti et au resserrement de ses rangs ? Les résultats de ces élections partielles seront-ils un nouveau tournant dans l’aggravation des dissensions intestines ou représenteront-ils un de consensus interne sur une évaluation commune et d’entente sur des valeurs partagées qui emporterait l’adhésion de l’ensemble des composantes du parti ? De la réponse à ces questions dépenderont pour beaucoup les lendemains du PJD ?

 

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