Les revers visibles et invisibles de la diplomatie algérienne - Par Bilal TALIDI

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Le président Abdelmadjid Tebboune et ‘’son’’ ministre des AE, Ramtane Lamamra - La somme de ces revers, de par leur caractère à la fois récurrent et simultané, n’est pas de nature à rassurer l’Algérie sur sa capacité à revenir

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Sexe contre bonnes notes en terrain favorable - Par Bilal TALIDI

Peu se sont rendu compte de la série de revers diplomatiques que l’Algérie a essuyés récemment en un laps de temps. Ils démontrent, par leur récurrence, que la manne financière accumulée grâce à la hausse des cours de gaz et de pétrole n’ont pas été d’un grand secours pour son déploiement qu’elle veut intense dans ce champ.

L’Algérie s’est réjouie récemment de quatre événements d’importance qu’elle a tenté de mettre à profit pour confirmer la résurrection de son influence diplomatique. S’inscrivent dans ce registre la visite du président français Emmanuel Macon à Alger, l’accueil réservé par le président tunisien Kaïs Saïed au chef des milices du Polisario Brahim Ghali, les propos rapportés par la presse algérienne proche du pouvoir sur une éventuelle inclination du Nigéria en faveur du projet de gazoduc transsaharien devant acheminer le gaz nigérian vers l’Europe via l’Algérie, et, enfin, l’accueil du chef des séparatistes par le président kenyan à l’occasion de son investiture.

Un dialogue de dupes

La réalité est que ces prétendus «succès diplomatiques» fondent comme neige au soleil face aux faits têtus. L’Algérie n’a pas gagné grand-chose dans ses rapports avec la France, si ce n’est son engagement à augmenter les flux énergétiques à l’UE pour satisfaire les besoins de l’Hexagone. La «question mémorielle» dont elle use constamment comme carte de pression sur la France s’est avérée sans grande valeur. Sinon quel intérêt à constituer une commission mixte d’historiens franco-algériens pour examiner les problématiques liées à la mémoire, ou à ouvrir les archives françaises couvrant la période coloniale, si ce n’est de gagner du temps sans rien concéder en contrepartie à ce que l’Algérie a offert en termes de livraisons gazières pour répondre aux besoins de la France, dans cette période crise énergétique qui secoue l’Europe? En somme, le visite d’Emmanuel Macron se réduit à un dialogue de dupes.

Quatre faux succès 

La signature, jeudi à Rabat, d’un mémorandum d’entente relatif au Gazoduc Nigeria-Maroc par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), la République Fédérale du Nigeria et le Royaume du Maroc, vient, elle, confirmer la persistance de l’ouverture d’Abuja sur les deux projets avec un avantage pour la voie la plus sûre et la plus sérieuse, Nigéria-Maroc, qui jouit du soutien international (auprès des USA et de l’UE en particulier).

Les points marqués supposément marqués dans le dossier du Sahara se sont à leur tour évaporés dès que le Kenya a rendu publique sa décision de révoquer la reconnaissance du Polisario et d’entamer la fermeture de la représentation chimérique de cette entité à Nairobi, a cruellement refroidi les ardeurs de l’Algérie. Un évènement précédé par le soutien apporté par le Tchad à la proposition marocaine d’autonomie au Sahara. Du côté tunisien, Alger n’est nullement sûr de de la constance de la position exprimée à ce sujet par Kaïs Saïed, somme tout relative quand on remet en mémoire que tout juste après un communiqué est venu confirmer une soit disant neutralité tunisienne dans ce dossier, sachant par ailleurs que l’appareil diplomatique tunisien ne semble pas convaincu de la pertinence de cette décision unilatérale qui s’inscrit en porte à faux avec la doctrine diplomatique du pays.

Revers sur le front arabe

Et au moment où ces quatre allégations s’effritaient les unes après les autres, l’Algérie s’est retrouvée submergée par une déferlante de revers successifs. A commencer par l’abandon, sous la pression des Etats arabes, de la requête du retour de la Syrie au giron arabe. Alger a beau tenter, pour sauver la face, d’attribuer à Damas sa non-participation au Sommet sous le prétexte fallacieux de ne pas compliquer davantage la situation dans le monde arabe, Alger promettant en retour d’œuvrer, durant sa présidence tournante, à réunir les conditions de la participation de la Syrie au prochain Sommet. 

Alger a dû subir une autre déconvenue, lors de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères lorsque, sous l’effet d’un large veto des Etats du Golfe, il s’est retrouvé dans l’obligation de se plier aux protocoles en vigueur et de dépêcher un émissaire à Rabat pour inviter le Maroc à prendre part au prochain Sommet ; un acte en contradiction flagrante avec la décision irréfléchie de rompre les relations diplomatiques avec le Royaume. Débouté, le ministère algérien des AE a vainement tenté de masquer son embarras via un communiqué prétendant que l’envoi d’un émissaire au Maroc est une obligation morale et politique qui s’inscrit dans le registre des us et coutumes diplomatiques, et que l’Algérie sait faire la distinction entre les relations bilatérales (la rupture des relations avec le Maroc) et les relations multilatérales qui requièrent un traitement différent.

L’affolant cas marocain

Un revers, dans une catégorie différente, a commencé à se dessiner lorsque une fuite publiée par Jeune Afrique et Achark Al-Awsat a fait état de la volonté du Roi Mohammed VI à assister personnellement au Sommet arabe, sans qu’aucun communiqué officiel ne vienne infirmer cette information, ni il est vrai la confirmer. Jusqu’ici, aucune réaction officielle côté algérien, hormis un rapport du journal Achourouk (proche du pouvoir) selon lequel l’Algérie traitera le Roi avec la courtoisie protocolaire d’usage, sans pour autant signifier une quelconque normalisation avec Rabat.

La presse et les réseaux sociaux en Algérie ont longtemps mené une cabale contre le Palais colportant des mensonges sur l’état de santé du Roi et «son incapacité à exercer le pouvoir», sur «une bataille rangée au sein du Palais pour la succession» et le reste à l’avenant, sachant que ces mêmes tribunes avaient auparavant accusé le Maroc d’agir pour faire capoter le Sommet arabe d’Alger. Les voilà à présent plongés dans une profonde hébétude devant la décision du Roi (si elle se confirme) qui ne se contenterait pas uniquement d’assister en personne au Sommet, mais prendrait sur lui la mission de convaincre les dirigeants arabes «de participer à un très haut niveau au Sommet afin d’en assurer le succès». 

Le coup de massue viendra lors de la visite du ministre algérien de l’Energie Mohamed Arkab aux Emirats arabes unis, porteur d’un message d’invitation au Sommet, avec la présentation à la 51ème session du Conseil des droits de l'Homme de l’ONU à Genève par le représentant émirati d’une liste de 35 pays membres affirmant leur soutien à la pleine souveraineté du Maroc sur ses provinces du sud et leur appui à l’initiative marocaine d’autonomie.

Dos au mur

Un autre camouflet est signé de la main du président Abdelfattah Al-Sissi. Depuis Qatar, le chef d’Etat égyptien a déclaré que le Sommet arabe d’Alger se doit de rétablir un certain nombre de principes et de concepts dans la région arabe, « dont l'adhésion au concept de l'État national et la préservation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des États », et de ne pas traiter de quelque manière que ce soit avec « les organisations terroristes et les milices armées". Une référence à peine voilée, mais porteuse de critiques acerbes, aux agissements de la politique extérieure de l’Algérie.

Déboire également de la diplomatie algérienne, les prémices, avant même la tenue du Sommet, d’une entente arabe globale sur le défi que représente l’extension de l’influence iranienne dans la région arabe, y compris la région maghrébine, et qui requiert une riposte arabe urgente. Il s’agit, naturellement, d’un challenge de taille pour l’Algérie accusée autant par les Etats du Golfe que par d’autres pays arabes (Egypte, Maroc) de servir de tête de pont facilitant à Téhéran d’étendre son influence en Afrique du Nord.

Le sens d’une somme des revers

Mais de toutes les déconvenues, la plus chargée symboliquement est celle subie, à travers le retrait de la reconnaissance kényane de la RASD, en terre africaine où l’Algérie a longtemps agi en terrain conquis. La décision du nouveau président du Kenya, que même son challenger pour la présidence, ancien Premier ministre, Raila Odinga, qui a recueilli 48,85% des votes lors du dernier scrutin présidentiel, dément avoir contestée, est révélatrice des changements qui s’opèrent en Afrique de l’Est, terrain jusque-là peu familier de la diplomatie marocaine. Avec Pretoria, Nairobi a longtemps été un fer de lance des manœuvres algériennes au sein de l’Union africaine. 

Autre fait révélateur de ce jeu serré sur le terrain diplomatique, c’est le Chef du gouvernement Aziz Akhannouch qui a représenté le Roi à la cérémonie d'investiture à Luanda du Président angolais réélu João Manuel Gonçalves Lourenço, l’Angola étant de cette partie de l’Afrique centrale qui a été par le passé peu conciliante avec Rabat. Peu auparavant, le ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, avait reçu en mai dernier, l’ambassadeur itinérant de la République d'Angola, Bernardo Mbala Dombele. C’est dire que le Maroc passe à la vitesse supérieure dans ses rapports avec ses pairs africains pour convaincre le peu d’entre eux qui ne l’ont pas encore fait, de révoquer la reconnaissance de l’entité artificielle fondée à Tindouf.

La somme de ces revers, de par leur caractère à la fois récurrent et simultané, n’est pas de nature à rassurer l’Algérie sur sa capacité à accueillir le Sommet arabe à Alger conformément au calendrier préétabli et devrait plutôt l’inciter à réfléchir à deux fois à l’agenda de cette rencontre. Car, finalement, les Etats arabes, en tant que bloc, pourraient mettre l’Algérie dos au mur et la contraindre à emprunter sagement la voie de la réconciliation et à renoncer à ses agissements qui, en raison de leur alignement sur Téhéran, menacent la sécurité nationale de l’Egypte, mettent en péril la stabilité maghrébine et minent le système sécuritaire arabe dans son ensemble.

 

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