Les trois jours où l’histoire a bégayé en Algérie

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Le g?n?ral major ? la retraite, Khaled Nezzar, ancien chef d??tat-major de l?arm?e alg?rienne et ancien ministre de la d?fense (1990 ? 1993), vient de se rappeler au bon souvenir des Alg?riens en signant cette semaine une tribune dans le site Alg?riepatriotique que dirige son fils, compromis dans une sombre affaire de march?s publics et de d?tournement de fr?quences destin?es ? l?arm?e.

Brodequin-trois-?toiles alg?rien normalement constitu?, il glisse entre deux lignes le makhzen [marocain]?; mais le pare-feu est si d?risoire qu?? peine il amuse quelqu?un.

En trois temps, le g?n?ral invoque dans sa tribune son coup de force contre les urnes en janvier 1992 qui a ??sauv? la nation?? du p?ril islamiste, livre sans panache le fr?re du pr?sident d?chu, Sa?d Bouteflika, et prend sa propre d?fense et celle de son fils contre les lourds soup?ons de d?tournements qui p?sent sur eux. En cette p?riode trouble o? l?arm?e est en train de sacrifier sur l?autel des revendications populaires, au nom de la lutte contre la corruption, quelques b?ches consum?es, d?sormais vou?es ? la g?henne, il vaut mieux prendre les devants.

Ainsi stratifi?es, ses motivations livrent sans difficult? les ressorts qui ont fait bouger, plus de deux mois apr?s le d?but de la crise alg?rienne, ce vieux g?n?ral de 81 ans, figure embl?matique de la d?cennie noire?: sur la sellette, il est aux abois. Pour bien comprendre la r?action de Khaled Nezzar, Il faut rappeler que depuis le lancement ? la mi-f?vrier de la contestation du r?gime alg?rien, le clan des janvi?ristes qui s?est empar? du pouvoir en janvier 1992, s?est mis en branle dans l?espoir de reprendre la main.

A la man?uvre, un autre vieux g?n?ral, Mohamed M?diene, dit Taoufik, longtemps homme fort de l?Alg?rie, ?cart? du pouvoir en 2015 par Abdelaziz Bouteflika avec le soutien du non moins vieux g?n?ral Ga?d Salah, actuel pr?sident de facto de l?Alg?rie. Tout le monde subodorait que les ??r?form?s?? des services de s?curit? qui ont fait les beaux jours de l?ex-DRS, s?activaient dans l?ombre. Mais personne n?a apport? la preuve tangible de ce qu?ils manigan?aient jusqu?? ce qu?un autre g?n?ral, lui aussi octog?naire, Liamine Zeroual, pr?sident de l?Alg?rie pendant la guerre civile, ?tale sur la place publique les visites ??nocturnes?? que lui a rendues Mohamed M?diene qui voulait revenir aux affaires sous son ombrelle.

Les contractions de l?Histoire

Parall?lement et de l?aveu m?me de Khaled Nezzar, Sa?d Bouteflika prenait contact avec lui. Il y est question de d?claration de l??tat d?urgence?; d??tat de si?ge et de limogeage de Ga?d Salah. Contrairement ? Liamine Zeroual, Khaled Nezzar, non seulement garde pour lui ces approches, mais prodigue ses conseils avis?s au fr?re du pr?sident en voie de d?ch?ance. Une attitude que l?on juge ? Alger d?autant plus suspecte qu?il a, tout de m?me, cru utile de rencontrer le fr?re du pr?sident en d?pit de ses ?h?sitations?? par lesquelles il tente r?trospectivement de se justifier dans sa tribune d?Alg?riepatriotique.

Pour la premi?re fois depuis 1992, Khaled Nezzar se d?solidarise sans le dire de M?diene. Le premier a ?t? le mentor du deuxi?me. C?est lui qui lui a mis le pied ? l??trier. Lorsque vers la fin de 2014, Amar Saadani, ancien secr?taire g?n?ral du FLN (2013 ? 2016) s?en est pris au sinistre DRS et ? son patron, revendiquant l??mergence d?un Etat civil, annon?ant d?une certaine mani?re le limogeage du g?n?ral Toufik et le d?membrement des services de s?curit?, seul le g?n?ral Nezzar a pris sa d?fense pour le soustraire ? d??ventuelles poursuites. Avec l?assurance d?un homme qui a encore la main il a d?clar? que l?Alg?rie compte peu d?hommes de la trempe du g?n?ral M?diene alias Toufik. Une trempe qui lui a fait commettre les pires atrocit?s dans une guerre civile ? huis clos o? l?on ne savait plus, on ne sait d?ailleurs toujours pas qui tuait qui. ??

Ce d?tail de l?histoire est important pour comprendre ce qui se joue dans les coulisses du pouvoir. Quand Toufik a approch? le 30 mars Liamine Zeroual, c?est au nom de Sa?d Bouteflika qu?il l?a fait. Lorsque ce dernier a pris langue avec Khaled Nezzar, c?est dans son esprit ? un homme du clan qu?il s?adressait. Aussi, quand presque un mois apr?s Liamine Zeroual, Nezzar d?nonce Sa?d Bouteflika, cela n?a qu?une signification?: l?heure est au sauve qui peut?! Dans la confusion qui a entour? dans cette ambiance o? l?histoire a b?gay? sans accoucher, l?arr?t puis la relance d?Alg?riepatriotique livre un aper?u sur le d?sordre mental qui a gagn? le clan. ??

C?est qu?au parfum de ces man?uvres, le g?n?ral Ga?d Salah a acc?l?r? le mouvement. La gravit? de ce qui se tramait imposait l?urgence, surtout qu?un communiqu? de la pr?sidence annon?ant ??d?importantes d?cisions?? avant la d?mission du pr?sident promise pour avant le 28 avril, laissait pressentir un fort probable limogeage du chef d??tat-major. Pour prendre de vitesse ses d?sormais adversaires, le chef d??tat-major r?unit au pied lev?, le 1er avril, le haut commandement de l?arm?e. Le communiqu? qui sanctionne cette r?union d?exception accuse des forces ?non constitutionnelles? d??tre derri?re le communiqu? de la pr?sidence et exige l?application sans attendre de l?article 102 de la constitution pour d?clarer Abdelaziz Bouteflika inapte ? la fonction pr?sidentielle. Si ce n?est pas un coup d?Etat, ?a lui ressemble beaucoup. Le fondateur du RCD, Sa?d Saadi, prudent sur les mots, le d?signera comme un coup d?Etat blanc.

Pour autant, Khaled Nezzar ne d?sesp?re pas encore. Si d?s le 2 avril, Liamine Zeroual a pris acte de la d?faite en constatant que l??tat-major s?est ligu? contre ?la bande?, et d?nonce en cons?quence M?diene et Sa?d Bouteflika, Nezzar, dans son trou d?intrigant imp?nitent, reste muet comme une carpe. Mais la situation en Alg?rie n?en finissant pas d?atteindre son point de non-retour, il prend conscience au bout d?un long mois de ??r?flexion?? que son Alg?rie a chang? et que le bon sens soufflait qu?il ?tait temps de jeter les canots de sauvetage ? la mer. Se r?solvant enfin ? l??vidence, il quitte sa tani?re. Pour jouer aux balances. Ce ??moi d?abord?? prend alors les allures d?une d?bandade sur le champ de bataille. Un rien triste pour le grand g?n?ral qu?il se croit ?tre.

Nezzar qui apr?s son coup d?Etat contre les urnes en 1992 se prenait pour le sauveur de la nation et se r?vait en De Gaulle de l?Alg?rie, se d?couvre en Salan, g?n?ral putschiste et chaperon d?une OAS ? l?alg?rienne, ce que fut longtemps le DRS pour le vaillant peuple alg?rien.??