chroniques
L’impasse algérienne
Le général Saïd Chengriha entouré d’une gérontocratie militaire issue de l’armée coloniale française.
Il est, tout de même, de notre devoir, en tant que Marocains, d’expliquer ce qui se passe à nos amis Algériens après la reconnaissance pleine et entière des USA de notre souveraineté sur nos provinces de SUD.
Que s’est-il passé pour qu’un investissement de 45 ans, avec de lourds moyens d’Etat, du pouvoir Algérien pour priver la Maroc du tiers de son territoire et d’y installer un Etat factice parte en fumée du jour au lendemain ?
Comment cette évaporation d’une cause structurante du régime algérien — la cause séparatiste — a pu avoir lieu sans qu’aucun stratège, politicien, homme d’Etat ou observateur ait été alerté de son avènement ? Il faut interroger cette cécité suicidaire collective.
Et pourtant les raisons sont manifestes. Le déni de l’analyse, sérieuse et profonde, de la guerre civile des années 90, dont le protagoniste central est toujours au pouvoir, a produit une amnésie collective qui rend difficile l’appréhension de la réalité. Cette volonté de plier la réalité à ses propres fantasmes, rend toute démarche très aléatoire et porteuse d’erreur fatale.
La première conséquence de ce déni est que l’idée que l’Algérie officielle a d’elle-même est fausse. Elle se trompe sur son influence réelle, sur son poids dans le concert des nations et sur son influence supposée. Naturellement cette situation induit des modifications géopolitiques substantielles qu’Alger refuse de voir.
La projection de puissance de l’Algérie était fondée par le passé essentiellement sur les hydrocarbures et leur argent. La nouvelle donne sur le marché du gaz et le prix baissier de celui-ci ont ramené l’Algérie à une situation précaire. Si on ajoute à cela le départ de certains clients historiques comme l’Espagne, la situation devient très complexe. Le statu quo algérien sur cette question perpétuée par les généraux contrôlant la rente rend la situation, à terme, suicidaire.
L’incapacité de mettre à niveau et de diversifier l’économie algérienne rend la situation encore plus compliquée et cela a affaibli davantage l’Algérie. Les généraux algériens se sont avérés incapables — et les différents procès pour corruption de Gaïd Salah le montrent, au moins pour un des clans — de créer une économie libérale, ouverte à tous et productrice de valeur. Le résultat est accablant : un système bancaire sous-développé, la même situation prévaut pour les Assurances, une industrie hors hydrocarbure embryonnaire, un secteur des services très faible etc. Cet échec économique fait de l’Algérie un des contre-modèles africains. Des milliards de dollars se sont évaporés sans aucun résultat probant qui profite aux algériens.
Sur le plan politique, les généraux vainqueurs de la guerre civile qu’ils ont infligée au pays, ont procédé à la politique de la terre brûlée. Ils ont réussi. Aujourd’hui pas de parti politique crédible, pas de classe politique digne de respect et pas d’hommes d’Etat capables de sortir le pays de ce naufrage. Les jeunes du Hirak l’ont compris avec leur « Tous pourris ». Les généraux ont sciemment rendu toute évolution politique endogène, automne et patriote impossible.
Les perspectives de la démocratie en Algérie, des droits de l’homme, de la liberté d’expression et du retour d’une fierté nationale authentique sont bouchées par des généraux qui contrôlent tout, s’arc-boutent sur la rente et qui se cramponnent au pouvoir depuis 1962. C’est là le vrai problème de l’Algérie. Il faut trouver une solution avec cette gérontocratie militaire issue de l’armée coloniale française.
Deux options sont pourtant possibles mais peut-être improbables. Soit les militaires prédateurs illégitimes du pouvoir depuis 1962 rentrent dans leurs casernes sur la base d’une double pression, celle du Hirak produit de la société algérienne et celle internationale qui dirait aux généraux, ça suffit «the game is over !». Ils libèrent donc la place pour une vraie alternance au pouvoir.
Soit, deuxième option possible, une nouvelle génération de jeunes officiers algériens intègres attachés à la démocratie prennent les choses en main ouvertement et conduisent pour une période transitoire déterminée les affaires du pays avec pour cahier de charges un « spoil system » administratif profond, un gouvernement d’union nationale, une réforme constitutionnelle sérieuse et des élections générales transparentes et honnêtes. C’est manifestement de la politique fiction pour d’aucuns, mais sans cela, il est clair que la gérontocratie militaire actuelle va couler le bateau irrémédiablement.
Aujourd’hui, les généraux font payer au pays le coût exorbitant de leur blocage avec des Algériens spoliés, qu’ils plongent dans la déprime, la pauvreté et l’incertitude. Ensuite, ils font payer un coût considérable à la région dans laquelle certaines voix, notamment tunisiennes, demandent aujourd’hui courageusement à ce qu’on sorte du film d’horreur où l’avenir de 100 millions de citoyens maghrébins est obéré par un rêve prussien irréaliste et irréalisable.
Houari Boumediene dans sa grande paranoïa pensait qu’avec l’affaire du Sahara — l’invention d’un peuple, la création d’un faux mouvement de libération et la création d’une république sahraouie factice — il allait faire tomber le royaume du Maroc et changer son régime. Et il pensait aussi mettre sous tutelle la Tunisie avec, notamment, la fameuse attaque de Gafsa en 1980, algérienne à 100%.
Rien n’a marché malgré l’argent facile, l’alignement du bloc socialiste, la prodigalité de l’URSS, le tiers-mondisme triomphant qui mitait l’Assemblée Générale des Nations unies et la vulgate irrésistible, et démagogique, de la libération des peuples. Les généraux tout à leurs affaires de rapine du peuple algérien ont répété en boucle, pendant des décennies, ce scénario pur produit de la guerre froide sans se rendre compte que le monde changeait.
Le camp socialité s’est effondré, le mur de berlin aussi, L’URSS a été balayée par les vents de l’Histoire et l’Algérie est restée toujours la même. Un peuple sous la botte, des généraux à la caisse, une société civile opprimée et une classe politique sous la férule. Ils ne se sont pas rendu compte que personne dans le monde ne veut d’un 6ème Etat au Maghreb voué à la faillite sous l’emprise algérienne. Pourtant ils, ont continué au point d’élever la cause sahraouie factice en obsession nationale.
Le peuple algérien a toujours su que cette affaire ne le concernait pas. Les services de propagande s’occupaient du reste : création de fausses associations de solidarité, l’acquisition de journalistes et de journaux, corruption et chantage aux Etats etc. Une fortune en milliards de dollars est partie en fumée pour un résultat nul.
Le royaume du Maroc est toujours là, stable et productif, avec quelques longueurs d’avance par rapport à l’Algérie, sur le plan des réalisations économiques, de la gouvernance politique et sociale et de la maturation de sa société civile. La Tunisie, aussi, avec un examen démocratique difficile mais réussi qui place ce pays dans une singularité démocratique rare dans la région, a franchi des étapes exceptionnelles dans sa marche.
Face à ce tableau, où en sont les généraux algériens au pouvoir ? Ils naviguent à vue sans direction et sans vents favorables pour les propulser. Ils sont une survivance ridicule et risible de la période de la guerre froide avec des idées complètement obsolètes et une vision du monde totalement décalée. Seule une vraie alternance peut sauver l’Algérie.
Ils n’arrivent pas à lire correctement l’accélération historique que constitue la reconnaissance par les USA de la pleine souveraineté du Maroc sur son Sahara. Que signifie cette reconnaissance ? Quel message porte-t-elle surtout si on la couple avec la reprise des relations diplomatiques avec Israël qui étaient suspendues depuis 2002 ?
Les messages sont pourtant clairs. Un. L’Algérie des généraux finissants ne peut plus peser sur une décision qui change fondamentalement la géopolitique régionale. Echec, donc ! Deux. La projection de puissance d’autrefois s’est transformée en capacité de nuisance d’un pays désargenté qui ne peut pas freiner, par sa diplomatie, les options retenues concernant sa profondeur stratégique. Re-échec. Trois. L’affaire du Sahara qui s’avère, pour tous, au final, être une affaire algéro-marocaine stricte est devenue, avec le temps, 45 ans, un boulet que traine l’Algérie et qui l’empêche d’envisager l’avenir avec toute sa complexité.
Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères marocain parle lui de changement de logiciel nécessaire.
Et finalement, quatre. La pluie tombe sur le tigre de papier, le peuple algérien le sait, la communauté internationale aussi, il n’y a que les vieux généraux qui ont peur du Tribunal pénal international qui reste attachés à la rente, coûte que coûte, jusqu’à la dernière goutte de sang algérien.
Maintenant, que signifie encore la dernière décision des USA sur le Sahara et que vont bientôt partager — une question de temps —les Espagnols, les Français, les Britanniques, les Allemands et bien d’autres ? Ils ne vont pas laisser tomber leurs propres intérêts au profit des Américains seuls !
Cela signifie clairement que le temps des militaires au pouvoir est fini au Maghreb. Les vieux généraux corrompus algériens doivent faire place nette pour la reconstruction d’une nouvelle Algérie avec ses forces vives et sa jeunesse. La persistance du Statu quo devient une menace pour la méditerranée, pour le Sahel et pour le Maghreb. L’idée iconoclaste depuis le début de créer de toute pièce un Etat failli au Maghreb n’est définitivement recevable par personne. Alors que reste-t-il à faire maintenant que la donne géopolitique a changé du tout au tout ? Il faut que l’Algérie, afin de sauver l’essentiel de ses intérêts, s’asseye autour d’une table avec le Maroc et de parler sérieusement de tous les problèmes qui trainent depuis 1962. C’est tout. Tout le reste suivra !