L’importance de débat dans la prise de décision politique, quelle gouvernance sans débat public ?

5437685854_d630fceaff_b-

827
Partager :

Depuis le déclenchement de cette crise sanitaire covid-19, le Maroc par le biais de son gouvernement, sous les hautes instructions de Sa Majesté, a mis en vigueur un programme exhaustif, cohérent et somme pertinent pour protéger notre population et sécuriser notre pays. Bien entendu, le peuple marocain, fidèle à ses traditions a fait montre d’une unité sans failles ; nonobstant les difficultés et les sacrifices qu’il affronte au quotidien

L’union sacrée autour des valeurs et des intérêts suprêmes de la Nation, montre la stabilité de nos institutions et la présence forte et ressentie d’un Etat puissant et efficace. Notre peuple mature a su exprimer sa reconnaissance envers tous les acteurs de première ligne qui ont fait de preuve d’un dévouement exemplaire et d’un esprit de corps qui ont permis de faire respecter les mesures barrières et les disciplines du confinement. Le corps médical et paramédical sont montés au front dés le 1er jour et ont fait preuve d’un courage exemplaire bien qu’ils s’étaient toujours considérés les parents pauvres d’une action  gouvernementale qui les a relégués au rang des priorités secondaires .

Je ne polémiquerai pas, car ce n’est ni le moment ni le sujet qui nous préoccupe, sur le rôle des médias dans la propagation systématique d’une image péjorative du secteur de la santé. En tant qu’acteur de ce secteur, je ne peux que joindre ma modeste voix à celle de notre opinion publique qui a su sans réserve rendre le plus beau des hommages à ces soldats de l’ombre, qui ont tout simplement fait leur devoir en se sacrifiant, sans compter, au service de notre patrie

Mais si tous avons applaudi et exprimé notre fierté devant l’action des administrations compétentes pour l’anticipation et la célérité des décisions en vue de l’application des règles sécuritaires et sanitaires à même de maîtriser la pandémie, nous ne pouvons, en revanche, que dire, haut et fort, notre désarroi, devant l’autisme pathologique qui a frappé aussi bien les gestionnaires des affaires publique que les composantes politiques.

Ce peuple qui se comporte d’une manière aussi responsable, ne mérite-t-il pas un débat national sur la gestion de l’après confinement ? Comprendre pour y adhérer, les modèles de déconfinement possible, enrichir la réflexion gouvernementale avec les données du vécu quotidien ressenti par la population, serait ils hors d’atteinte ?

Pourquoi le parlement ne se réunit pas en session extraordinaire pour analyser et évaluer l’action actuelle et future du Gouvernement dans la gestion de cette crise à nulle autre pareille ?

Le peuple ne mérite-t-il pas de connaître des scénarii de l’après COVID19, aussi bien au niveau économique que social ?

Ce vide sidéral ainsi créé, a été occupé par ce foisonnement spectaculaire des réseaux, avec son lot de « fake news », de manipulation, de désinformation et de propagande. Laisser le monopole de l’opinion à ses réseaux, sans remettre la liberté d’expression en cause, constitue une grave menace pour notre système démocratique.

Il est plus q’urgent de déclencher un large débat politique avec les partis politique, les partenaires sociaux et la société civile, afin d’impliquer les différentes composantes de la population dans la conception et la mise en œuvre de ce que sera stratégie de sortie de crise pertinente et efficace.

Pour ne parler que du secteur de la santé auquel j’appartiens, nous sommes nombreux à exprimer notre ardent souhait de participer à un débat sur certains sujets oh combien importants.

- Où en sommes-nous concernant notre capacité de dépistage ? Tout en sachant que celle-ci doit être large et massive afin d’assurer un déconfinement rationnel, dépouillé de tout risque systémique et garantissant un retour à la normalité ?

- Quels sont les indicateurs scientifiques et les modèles épidémiologiques crédibles qui permettront la conception et la planification d’un déconfinement responsable ?

- Quelles sont les mesures prises pour faire respecter les règles barrières au sein des administrations, des sociétés industrielles et dans les transports ? 

Cet épisode pandémique, n’est ni anodin ni banal, il est même inédit comparé aux épisodes connus dans notre passé lointain. En particulier, il aura permis aux différentes composantes de notre société de mesurer le degré de précarité de notre système de santé publique. Grâce à l’abnégation de tous, nous avons su éviter le pire. Le gouvernement tentera de mettre vraisemblablement en place, un contrôle sanitaire permanent, un système d’alerte et de traçage efficace. Toutefois, avons-nous les moyens, les compétences et l’effectif suffisants pour protéger l’ensemble du territoire national ?

Pouvons-nous faire l’économie d’une réforme profonde de la politique de santé publique à commencer par la revalorisation du cops médical et paramédical, la rénovation des hôpitaux publics afin de proposer une offre de santé qualitative, la décentration de notre politique de santé à travers une véritable autonomie régionale concernant la gestion médico-administrative, la création d’un conseil national de la santé qui définira les grandes orientations à moyen et long terme ? 

Serons-nous en mesure de faire face sans la revalorisation des centres hospitalo-universitaires, la création d’un véritable centre de recherche avec des objectifs déterminés, et la mise en place d’une politique préventive de la santé

Par-delà le secteur de la santé, cette pandémie aura été le révélateur des faiblesse structurelles de notre économie :

- une vulnérabilité excessive et périlleuse au climat, aux cours du pétrole et aux facteurs exogènes nombreux et variés ;

-un endettement croissant qui risque à moyen terme de nous replacer dans la situation dramatique vécue au début des années 80 ;

-un déficit systémique en ressources hydriques dont nous ne mesurons pas suffisamment les effets négatifs sur la politique d’aménagement du territoire ;

- une politique d’investissement public qui a montré ses limites dans l’absorption du chômage endémiques chez les jeunes et qui n’as pas su améliorer la compétitivité de notre économie.

Par-delà le nouveau modèle

La pandémie actuelle va indéniablement accélérer le calendrier des réformes impératives et mettra sur les épaules de la commission présidée par Chakib Benmoussa, un fardeau très lourd à assumer.

En effet, par-delà le nouveau modèle de développement à identifier et à faire avaliser par la communauté nationale, selon les principes consacrés par notre démocratie, il y a d’abord la gestion de l’urgence : Celle de la relance de la croissance, en tenant compte des secteurs sinistrés, agriculture, tourisme, export etc. Celle des finances publiques. Celle de l’emploi et du sauvetage des secteurs sociaux et de la solidarité.

Quelles seront donc les mesures post-épidémie qui permettraient de remédier aux dégâts considérables déjà enregistrés ? comment le gouvernement compte-t-il mobiliser les forces vives de la Nation, pour nous épargner bien des drames, en adoptant, dans le consensus national, un plan d’urgence dont les prémices auraient déjà dû faire l’objet d’une réflexion et d’un débat très larges.

Allons-nous profiter de cette crise sanitaire afin de capitaliser sur les instruments d’urgence pour qu’ils soient les ingrédients d’une transformation de notre modèle économique dans une perspective de réforme totale ?

- Nouveau modèle économique.

- Un système fiscal adapté à cette relance économique.

- Recadrage des priorités dans l’action gouvernemental.

- Un plan d’urgence pour sauvegarder la souveraineté économique et monétaire.

Pour conclure, faire participer les partis politiques, les partenaires sociaux, la société civile et le monde associatif, doit être l’élément d’impulsion majeur pour la conception d’un modèle de développement alternatif à même de garantir notre résilience individuelle et collective, une croissance soutenable et un remède aux inégalités patentes. L’intégration des défis de la nouvelle géopolitique et du nouveau modèle des échanges internationaux, ne sera pas une mince affaire.

Jamais, dans l’histoire récente, un gouvernement n’aura eu à affronter de tels défis, dans un climat d’incertitudes aussi graves.

Pourtant, l’élan d’union et de solidarité dont notre peuple a fait montre constitue une opportunité et une chance uniques pour le gouvernement afin de s’atteler au plus important chantier de réformes qu’il nous a été donné de conduire.

Saurons-nous saisir cette opportunité et rebondir sur un climat de confiance retrouvée ? Ce capital a le défaut d’être éphémère. C’est pourquoi dans beaucoup de pays qui affrontent les mêmes défis, on parle désormais de « big bang. »

Si le gouvernement, dans le cadre d’un dialogue démocratique bien compris, ne permet pas le débat et la concertation, il pourrait conduire la Nation vers un avenir incertain.

Une telle approche démocratique ne peut être enrichissante pour un nouveau projet de société et déterminante pour la mobilisation nationale. Le contraire sera vraisemblablement synonyme d’un affaiblissement de la crédibilité de l’action politique gouvernementale et des institutions démocratiques.