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Maroc-France : Répondre sans passion – Par Ahmed CHARAI
La France est en train d’échouer en Afrique. Elle est fortement bousculée dans ce que Paris considérait comme son pré-carré. Le gouvernement Macron, englué dans les problèmes internes, n’a ni les ressources, ni visiblement la capacité d’imaginer une politique alternative
La crise entre Rabat et Paris ne peut plus être éludée par des formules diplomatiques du genre « il n'y a pas de crise ». L’épisode du Parlement européen, le rôle d’animateur dans l’attaque anti-marocaine, joué par le chef du parti macroniste, monsieur Séjourné, ne laisse pas de doute.
Les institutions marocaines idoines ont bien fonctionné, le Parlement marocain a réagi, de manière très décidée, a bien communiqué et a obtenu du Sénat français une position qui honore cette institution, qui remet les pendules à l’heure, et re-positionne le Maroc dans son rôle de partenaire, sinon stratégique, du moins privilégié de la France de ce versant de la Méditerranée. Il faut aussi rappeler que le Parlement européen n’a aucun pouvoir sur les États.
Qu’une partie de la presse française accentue le sentiment d’un bras de fer entre les deux pays, que « Marianne », journal fondé par un marocain, Robert Assaraf, réserve 14 pages pour expliquer à ses lecteurs comment le Maroc lie les mains à la France, peut être une source de fierté, au du moins prêter à sourire.
L’objet ici, ce n’est pas de minimiser toutes ces attaques puériles, largement injustes, en contradiction absolue avec la profondeur historique de la relation entre les deux pays. L’objectif c’est d’évacuer la passion, le pathos, pour s’en tenir aux faits.
La France est une puissance européenne, uniquement européenne, mais en difficulté, parce qu’elle n’a pas anticipé les bouleversements mondiaux. On se dirige peut-être vers un monde multipolaire auquel la diplomatie parisienne n’a jamais cru, continuant à se situer par rapport à la marge qu’elle peut avoir dans l’atlantisme.
Cette France-là est en train d’échouer en Afrique. Elle est fortement bousculée, sur les plans sécuritaire, diplomatique et économique, dans ce que Paris considérait comme son pré-carré. Le gouvernement Macron, englué dans les problèmes internes, n’a ni les ressources, ni la volonté d’inventer une politique alternative. C’est cela l’extrême faiblesse de la France, probablement irrattrapable.
En face, il y a le Maroc. Malgré toutes les lacunes, les problèmes de gouvernance que le Roi Mohammed VI a lui-même pointés du doigt à maintes reprises, les avancées réalisées sur le plan des infrastructures, de la résilience de l’économie et nos choix stratégiques, nous permettent de regarder tout le monde en face. La France n’arrive pas à intégrer cette nouvelle donne, l’Espagne l’a fait au profit d’une coopération mutuellement profitable.
Les relations entre les États ne sont dictées que par leurs intérêts du moment. La passion n’explique rien. En suscitant autant d’inimitiés, le Maroc prouve qu’il est sur la bonne voie, puisqu’il bouscule les intérêts liés à la rente post-coloniale.
Continuer à œuvrer pour le co-développement du continent africain, à diversifier nos partenariats sans alignement, à rechercher, inlassablement, les investissements, est l’unique réponse face à la puérilité des attaques qui se veulent intimidantes mais qui ne sont que stimulantes.