Maroc/Mondial : Ce n’est pas qu’un match - Par Salah EL OUADIE

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Nous sommes les enfants de la profondeur africaine qui effraie tant ceux toujours habités par la nostalgie de l’époque coloniale, cette même profondeur africaine qui se débarrasse des oripeaux de la domination d’hier pour célébrer une nouvelle naissance sur cette terre qui a vu éclore l’humanité (Salah El Ouadie)

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Honorables messieurs dames,

Ici Oujda, Ici Figuig, Ici Al Hoceima, et Ici Essaouira, Ici de Tanger à Lagouira...

Ici les Marocains de partout dans le monde, de Rabat aux deux pôles.

Messieurs dames les décideurs en Espagne, au Portugal, en Belgique, et ailleurs, surtout ceux qui adhèrent aux plans de morcellement des patries, tantôt impudiquement au nom d’intérêts sordides, tantôt au nom de mensonges fardés de valeurs universelles.

Nous ne sommes pas les «Moros» comme certains se plaisent à nous appeler. 

Nous sommes les Marocains et nous nous adressons à vous.

Nous ne sommes pas juste des migrants réfugiés à cause du pillage et du morcellement de nos pays lorsque l’Afrique était tronçonnée telle une galette des rois au lendemain d’un jour de l’an bien arrosé.

Nous sommes les descendants de Tariq Ibn Ziyad, de Youssef Ibn Tachefine et de Mohammed V. 

Nous sommes les héritiers de la génération des patriotes et des résistants qui ont donné leur vie en martyrs dans la lutte contre l’abject colonialisme. 

Nous sommes les fils de la Marche Verte que vous n’arrivez toujours pas à réaliser et moins encore à digérer, de l’Instance Equité et Réconciliation que nul pays du Nord n’a osé tenter. Pas même l’Espagne après Franco.

Nous sommes, bien plus que tout ça !

Nous sommes les arrière-petits-fils de la reine résistante Dihya, communément connue sous le nom de guerre d’Al Kahina.

Nous sommes de la graine et de la veine du combattant amazigh Kusayla.

Nous sommes le refuge de militants migrants portugais et espagnols à la quête d’un asile sûr pour se mettre à l’abri de la bestialité de Franco et de la cruauté de Salazar, et nombre de leurs petits-enfants vivent toujours parmi nous. 

Nous sommes les enfants de la profondeur africaine qui effraie tant ceux toujours habités par la nostalgie de l’époque coloniale, cette même profondeur africaine qui se débarrasse des oripeaux de la domination d’hier pour célébrer une nouvelle naissance sur cette terre qui a vu éclore l’humanité il y a des centaines de milliers d’années, en témoigne, pour ceux qui en douteraient, le crâne de l’homo sapiens «Irhoud».

Nous ne sommes pas une mappemonde à dépecer comme lors de la conférence de la honte organisée à Berlin par une Europe vorace, à la veille du 20ème siècle, tout en se gargarisant de droits qu’elle reconnaît pour elle-même, mais qu’elle dénie aux autres. 

Nous sommes un pays aussi ancestral que l’est l’Histoire. 

Lorsque nos ancêtres se sont établis en Andalousie, ils y ont légué ce que Cette Histoire conserve toujours en termes de gestion, de vivre-ensemble et d’architecture. En témoignent la Giralda à Séville ou l’Alhambra à Grenade et bien d’autres merveilles imperturbables face aux siècles qui passent, assurant aujourd’hui encore le pain à des milliers d’employés.

Ne vous affolez donc pas si nos Lions de l’Atlas ont pris le dessus sur la Furia Roja de votre pays dans un match de football, et n’en faites pas la mère de toutes les débâcles. 

Nous n’avons pas volé notre victoire.

Nous avons hurlé des tréfonds de l’âme d’un cri strident en écho au cri sorti des tripes de nos joueurs alors qu’ils célébraient par la danse, les pleurs et les prosternations sur la pelouse leur, notre victoire méritée, cependant que devant nos écrans, nous étions fascinés, libérant enfin des larmes captives de nos patiences et nos résiliences depuis des siècles, avant de nous fondre spontanément, joyeusement, dans des processions interminables, sans qu’aucun acte de violence, aucune intervention sécuritaire ne soient signalés.

Il n’y aura pas de mal ici, bien au contraire, d’évoquer ces Lions rugissants qui ont maintenu et entretenu leur appartenance à la Patrie bien qu’ils soient majoritairement des fils de pauvres, de migrants et d’une diaspora de la marge dans son écrasante majorité, ceux-là mêmes que le peuple, du haut en bas, a célébrés de bout en bout, de l’entraîneur au gardien de but, après avoir incarné en l’espace de quelques heures de matchs les attentes et les rêves de tout un pays. 

Nous les Marocains, vos voisins méridionaux, avec le respect requis, nous nous adressons à vous aujourd’hui d’égal à égal. 

Et ce serait bien que vous susurriez la retenue aux oreilles de vos voisins du nord, dont les centres de décision coloniaux se sont ligués avec les suceurs de sang de toute l’Europe pour dépecer notre pays à Berlin en 1885 et Algésiras en 1906. Il serait bon de leur murmurer que le temps de l’arrogance affichée ou dissimulée est révolu et que le monde s’apprête à amorcer une nouvelle ère de son Histoire où la domination de l’Occident ne sera plus qu’une leçon d’histoire qu’on enseigne aux enfants. Une autre époque s’ouvre avec l’espérance de la bâtir sur la parité, l’égalité et le respect sincère entre les pays, les peuples et les civilisations.

Il s’agit certes de matchs de football, mais dont les leçons ne peuvent se départir d’un frémissement géopolitique à tenir en compte.

D’égal à égal, agréez nos sentiments les meilleurs !