chroniques
Pivot : Un amour des livres…Par Samir Belahsen
Bernard Pivot, un port des lunettes que beaucoup ont imité pour faire intellectuel
« Je vous trouve quant à moi insignifiant en général et passablement niais lorsque vous vous mettez en tête de parler littérature. Vous ne m'intéressez d'ailleurs ici qu'en tant que représentant d'un système qui écrase la création littéraire en France. »
Raymond Cousse / Apostrophe à Pivot, 1983
“Il y a toujours quelque chose à retenir d'un médiocre match de football : une talonnade, un tir... On lit un livre raté avec la conviction que le suivant sera meilleur.”
Bernard Pivot / Le Métier de lire
Bernard Pivot, personnage emblématique du monde littéraire en France. Interviewer vedette et animateur d'émissions littéraires, "Apostrophes" et "Bouillon de culture"…, il a contribué de manière significative à la promotion de la lecture et des livres dans son pays et dans quelques autres dits francophones.
Pivot était passionné par la littérature et son enthousiasme pour les livres transparaissait dans ses interviews et ses émissions. Il était connu pour sa culture littéraire et son talent pour mettre en valeur les auteurs et leurs œuvres.
Si certains le considèrent simplement comme un maillon nécessaire au service de l'industrie du livre, d’autres considèrent qu’il a joué un rôle crucial dans la mise en lumière de la littérature, encourageant la discussion et la réflexion autour des livres. Bien entendu, dans la littérature comme dans le journalisme, rien n’est innocent. Le choix des livres, des auteurs et des maisons d’édition ne pouvait et ne peut être neutre.
Il reste que son influence a contribué à populariser la lecture et à susciter l'intérêt pour la littérature chez un large public. En ce sens, il était véritablement un amoureux des livres qui a laissé une marque indélébile sur le paysage littéraire français.
L’Homme : Intervieweur convivial
Ce journaliste, écrivain, critique littéraire, animateur et producteur d'émissions culturelles télévisées, est né le 5 mai 1935 à Lyon et il vient de nous quitter ce 6 mai 2024.
Un parcours bourré de réalisations et de quelques controverses. Il a fondé le magazine Lire, il a lancé l'émission littéraire Apostrophes qu'il a présenté de 1975 à 1990, animé l'émission Bouillon de culture de 1991 à 2001 puis a créé les fameux championnats d'orthographe et des dictées.
Sa manière conviviale de poser des questions était simple et accessible. Il ratissait large en termes de publics.
Dans son ouvrage Pourparlers, Gilles Deleuze critique cette simplification-popularisation, pour lui Apostrophe représente « l'état zéro de la critique littéraire, la littérature devenue spectacle de variétés».
Raymond Cousse dans « Apostrophe à Pivot » le considère comme le relais de la médiocrité littéraire imposée par l'industrie du livre : « Je vous trouve quant à moi insignifiant en général et passablement niais lorsque vous vous mettez en tête de parler littérature. Vous ne m'intéressez d'ailleurs ici qu'en tant que représentant d'un système qui écrase la création littéraire en France. »
La question de savoir si la littérature doit être simplifiée et popularisée au détriment de sa profondeur est un débat complexe qui suscite des opinions diverses au sein du monde littéraire, comme dans le journalisme.Certains soutiennent que rendre la littérature plus accessible et compréhensible par le plus large public peut contribuer à démocratiser la culture et à encourager la lecture. En simplifiant le langage et les thèmes, on peut potentiellement toucher un plus grand nombre de personnes et susciter l'intérêt pour la lecture. Par les temps qui courent et surtout dans nos contrées, on rêve de quelque chose qui pourrait produire cet effet.
Un autre courant estime que la littérature doit conserver sa profondeur artistique pour préserver son essence et sa valeur artistique. La richesse de la littérature réside dans sa capacité à explorer des sujets complexes, à défier les lecteurs et à offrir des perspectives nuancées sur le monde. Il s’agit de tirer vers le haut quitte à être peu lu, peu suivi.
La tentation est alors forte de se demande pourquoi dès lors écrire ?
Mais la question est de comment trouver un équilibre entre la popularisation de la littérature, et du journalisme, et le maintien de sa qualité artistique et de sa profondeur ?
Comment rendre les œuvres plus accessibles sans compromettre leur profondeur ?
Le débat sur la nature de l'art, de la culture et de l'éducation devient plus actuel, quand les « œuvres » les plus lues sont désormais des statuts Facebook.