chroniques
Poutine Pyromane-pompier avisé
En 2011, quand la crise syrienne a débuté, nul ne pensait que le grand vainqueur serait la Russie de Vladimir Poutine. Discret au début, il a profité du cafouillage autour de l’utilisation des armes chimiques pour mettre le pied dans cette fourmilière. Obama ayant refusé de suivre Hollande pour frapper la Syrie, Poutine a proposé une sortie, celle d’assurer la destruction de l’arsenal chimique de son allié Assad. Ensuite il n’a pas hésité à intervenir militairement sous argument de lutte contre Daech, pour aider Damas à reconquérir son territoire pas à pas.
Aujourd’hui, les événements lui profitent encore. L’offensive turque le met aux premières loges. Le retrait américain est justifié par Donald Trump, par le refus de continuer à financer des guerres interminables. Mais il pose un problème moral à l’Establishment, y compris au sein des Républicains qui n’acceptent pas le lâchage des Kurdes alliés dans la guerre contre Daech. Les menaces de sanctions économiques, de la part de Trump, sont d’abord une réponse à cette inquiétude morale, dans une situation politique interne très compliquée.
Quant à l’Union européenne, elle n’a pas les moyens de ses ambitions. Ses condamnations sont lettre morte et le président turc, Erdogan, s’en moque, parce qu’il sait qu’une exclusion de l’OTAN est impossible, étant donné que la seule base hors-USA, qui dispose d’armements atomiques se trouve sur son territoire. Et c’est là où Poutine intervient. Il propose aux Kurdes la protection de l’armée syrienne sous contrôle russe. Ils ne peuvent pas refuser, parce qu’ils n’ont pas les moyens de résister à l’armée turque. Par ailleurs, il propose à Erdogan un arrangement, qui est en cours de finalisation et qui répond au principal souci du président turc, le refus d’une entité kurde à ses frontières. Ce faisant, il remet en selle le régime de Bachar Al Assad, encore peu, banni de toutes les institutions internationales.
Poutine est un grand tacticien. Il profite de la moindre ouverture pour avancer ses pions. La crise entre les USA et l’Iran lui permet de jouer les pompiers grâce à ses relations avec le pays des Mollahs. Les monarchies du golfe sont prêtes à renforcer les relations économiques avec Moscou, à investir des milliards de dollars, Israël cherche à en faire de même pour éviter tout conflit dans le ciel syrien.
Poutine est devenu incontournable dans la région, grâce à sa liberté d’action. En interne, il n’a pas d’institution à qui rendre compte. Mais a-t-il une vision, une stratégie pour cet espace ?
On ne peut en douter. Depuis dix ans, son seul objectif était de redevenir un acteur dans la région, où son rôle a été réduit à néant après la chute du président irakien Saddam Hussein. Il a profité de la guerre civile en Syrie pour revenir en force. Mais son influence sur les conflits israélo-palestinien ou irano-saoudien reste à démontrer. Il grignote des points, certes, mais quel est son cap ?