chroniques
Quand Nizar Baraka explique et s’explique – Par Naïm Kamal
L’audibilité du gouvernement gagnerait à voir monter un peu plus au créneau des figures comme le secrétaire général de l’ainé de partis politiques au Maroc.
Par Naïm Kamal
Vendredi dernier à l’inauguration de l’exposition consacrée au leader socialiste Abderrahim Bouabid à la Fondation éponyme, à l’occasion du centenaire de la naissance de cet immense personnage, le poète et président de l’association Damir, Salah El Ouadie, inquiet de la situation, m’interroge sur ce que j’en pensais.
Chaque fois qu’un ami, ou pas, me soumet à pareille question, moi-même pas très rassuré, je réponds presque machinalement : Le royaume tourne. En dépit de toute sorte de crises : l’Algérie voisine qui ne ménage aucun effort pour que le Maroc ne se porte pas bien, la pandémie qui se refuse à la reddition générale, la sécheresse qui promet de perdurer, et la guerre d’Ukraine qui complique tout. Mais une fois cela dit, quoi encore ? Tout l’été, chacun a pu le remarquer, toutes les destinations vacancières étaient combles, parfois à l’étouffement, et pas seulement de nos compatriotes résidant à l’étranger. Enfin des vacances sans restrictions après deux années de contraintes sanitaires pour réel qu’il soit est un fait qui ne peut expliquer cet engouement.
Un contentement qui peut surprendre
J’ai l’habitude, pour briser la monotonie de ma marche quotidienne, de me promener dans les quartiers, d’aller dans des coins et recoins reculés, de fréquenter souks et marchés, voir les gens vivre, et à l’occasion échanger avec eux.
Le premier constat est que la déprime et la sinistrose fréquente sur les réseaux sociaux, je ne la retrouve pas toujours dans les venelles. Le deuxième constat est la disponibilité des produits alimentaires et manufacturiers. Bien sûr, selon les quartiers on change de gamme, de qualité et de prix. Ce qui fait son succès. Troisième constat enfin est qu’il y a chez les Marocains, malgré tout ce que l’on peut dire de leurs tares et vices visibles ou cachés, une forme de contentement et une propension naturelle à la débrouillardise. L’économie informelle si c’est un manque à gagner pour l’Etat, c’est en même temps une économie qui le maintient debout. Et bon courage, et du temps aussi, au gouvernement qui s’essayera d’y changer quelque chose.
Mais rien de cela, à lui seul, en période de grande crise et de haute tension, ne suffirait à comprendre le calme que certains aimeraient voir comme précédant la tempête. Une vidéo d’un entretien de Nizar Barka, ministre de l’Equipement et de l’Eau avec Maghreb Tv, une web télévision domiciliée en Belgique, apporte un complément d’informations qu’on a souvent la fâcheuse tendance d’occulter : les mesures prises par le gouvernement pour contenir autant que faire se peut les conséquences d’une très mauvaise conjonction des astres.
Politique te modérément technocratique
Pendant un peu plus d’une heure, celui qui est également secrétaire général de l’Istiqlal, apparemment résolu à avoir plus de visibilité par ses propres canaux, y aborde tous les sujets de l’actualité : L’inévitable question du Sahara et ses imbrications. L’incontournable (et pas fausse) invocation de la conjoncture internationale pour expliquer en partie l’inflation que le wali de Bank Al Maghrib adore qualifier d’importée pour signifier difficilement jugulable. L’inéluctable, tôt ou tard, remaniement ministériel inscrit dès sa naissance dans les gènes de ce gouvernement. L’obligatoire passage par la solidarité gouvernementale qui ne signifie pas dissolution des partis comme sucre dans l’eau, et bien sûr tous les chantiers plus ou moins à long terme en vue de la mise en place de l’Etat social.
Mais dans et pour l’immédiat, deux axes qui devraient retenir l’attention : L’anticipation de la prévisible crise de l’eau par plusieurs moyens et méthodes dont, ce que peu savent dont Quid, l’acquisition de 41 unités mobiles de dessalement de l’eau de nappes salinées, permettant au Maroc de traverser l’été sans haute tension. Vient tout de suite après le cantonnement de la hausse des prix à travers la Caisse de compensation passée dans la loi des finances de 12 à 17 milliards de dhs pour presque doubler par la suite atteignant 32 milliards. En plus de la butane à gaz et du sucre, d’autres produits y ont été inclus tel le sucre. Les mesures gouvernementales ont permis également la stabilisation du cout de l’électricité qui aurait dû tripler en raison du prix du charbon sur les marchés internationaux passant du simple à pratiquement le quadruple. S’y ajoutent, par transfert de la recette TVA sur les carburants, le soutien exceptionnel des transports rejoint à cette rentrée par une partie du transport scolaire, l’augmentation du SMIC et du SMAG et bientôt l’exonération des salaires de 4 mille dhs de l’impôt sur le revenu, la fameuse retenue à la base, et la mise en place d’un impôt sur les superprofits à 36%.
Est-ce suffisant ? Certainement pas. Nizar Barka en convient. La hausse du cout de la vie malmène aussi bien la classe moyenne que les plus démunis. Le peu de résonnance de ces mesures dans l’opinion publique dont la composante la plus active si ce n’est activiste, est plus prompte au rejet qu’à la compréhension, n’arrange pas la communication gouvernementale. Le ministre de l’Equipement et de l’Eau l’admet. Prises de façon fragmentée, voire par à-coup, ces mesures, si elles limitent les dégâts de la crise multidimensionnelle, n’ont pas l’écho politique escompté.
N. Braka n’a rien dit de ce qui ne l’a pas déjà été. Mais dit ainsi et répété à satiété, il y a des chances pour que ça devienne captable. Et au vu de la fluidité de cette sortie à la fois politique et modérément technocratique, même si le chef de file istiqlalien n’a pas la verve lyrique d’un Abdalilah Benkirane qu’il n’a pas manqué d’égratigner au passage sur la Caisse de compensation, l’audibilité du gouvernement gagnerait à voir monter au créneau plus souvent des figures comme le secrétaire général de l’ainé de partis politiques au Maroc.