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Que Dieu préserve l’Algérie - Par Seddik MAANINOU
L’Algérie a dépensé pas moins de 110 milliards USD pour l’acquisition de divers types d’armement, sans jamais comprendre qu’une armée forte qui n’est pas adossée à une assise économique et sociale solide est un colosse aux pieds d’argile.
L’armée algérienne tient le pouvoir d’une main de fer depuis l’indépendance. Des officiers de divers grades se sont succédé à la présidence du pays et mis en coupe réglée tous les rouages de l’Etat. Se prévalant du titre emphatique d’«héritier unique de l’armée de libération nationale» et de ses luttes contre la colonisation française, l’armée algérienne s’est de facto attribuée la légitimité du monopole du pouvoir.
L’ennemi numéro 1
Sous les coups des ans et des contestations, cette prétention s’est érodée, les Algériens, de plus en plus las, appelant à un Etat civile et au cantonnement des militaires dans les casernes. Acculée à rafistoler une nouvelle légitimité pour survivre, l’armée s’est rabattue sur son leitmotiv le plus cher : la défense de la patrie contre un ennemi qui viserait l’Algérie. Passent dans cette litanie, des déclarations en boucle de civils et militaires, la rengaine qui veut que pays serait visé par des ennemis en embuscade, le premier ennemi numéro n’étant autre que le Maroc. Sur la base de cette paranoïa intentionnellement nourrie, Alger a construit une stratégie à deux paliers. Le premier consiste à goinfrer les militaires et à surarmer l’armée en vue de se prétendre une «force de frappe» en Afrique du Nord, le second à tenter constamment d’affaiblir le Maroc par une diplomatie bloquée sur l’isolement du Royaume et une politique permanente de déstabilisation.
Missiles et sous-marins
Dès son avènement, l’Algérie a opté pour l’URSS (la Russie par la suite) comme allié politique privilégié en charge de son armement et de l’essentiel de la formation de ses soldats de tous rangs. Elle a naturellement adopté l’école militaire soviétique en modèle d’organisation et d’encadrement. Au cours des dix dernières années, l’Algérie a dépensé pas moins de 110 milliards USD pour l’acquisition de divers types d’armement.
Dans cet élan boulimique pour tout ce qui sème la mort, Alger s’est procuré les derniers types d’avions de combat, de systèmes de défense aérienne dernier cri, de missiles balistiques de courte et moyenne portée, des milliers de chars et de blindés, de batteries anti-aériennes, outre un impressionnant arsenal d’armement, dont six sous-marins lanceurs de missiles. Sans jamais comprendre qu’une armée forte qui n’est pas adossée à une assise économique et sociale solide est un colosse aux pieds d’argile.
Le Makhzen
Pour soutenir la thèse de «l’ennemi en embuscade», le régime algérien a ameuté ses médias et mobilisé ses services de renseignements afin d’inoculer au peuple algérien l’idée obsessionnelle du Maroc qui complote et veut du mal à l’Algérie. Pour mieux faire avaler la couleuvre, toutes les occasions sont bonnes pour vociférer à hue et tue-tête que le Makhzen est le responsable de tous les maux dont souffre l’Algérie. Sans craindre le ridicule, c’est le Maroc qui inonde l’Algérie de stupéfiants, c’est encore lui qui se tient derrière les incendies de forêt de Tizi Ouzou, c’est toujours lui qui soutient les mouvements «terroristes» aux dépens de l’intégrité territoriale de l’Algérie. Le délire a pris des proportions telles que la TV officielle s’en est prise au Maroc l’accusant d’avoir envoyé des essaims de criquets en Algérie en ‘’mission spéciale’’ pour anéantir ses produits agricoles ou encore d’avoir soudoyé l’arbitre du match Algérie-Cameroun, l’éliminant de la coupe du monde. La suite de l’histoire est connue.
Orphelins de l’Histoire
Le mur du son étant ainsi allègrement franchi, qu’est-ce qui pourrait interdire d’aller encore plus loin. Les accusations n’épargnent désormais aucun domaine, y compris le vol supposé par le Maroc d’un prétendu patrimoine matériel et immatériel algérien. Tout y passe, de la djellaba à la chanson, en passant par le caftan et le zellige. Les moins inspirés sont allés jusqu’à avancer que «Al Marrok» leur a subtilisé le mont Toubkal et que le voyageur tangérois Ibn Battouta était algérien, d’ailleurs tout comme Tarik Ibn Ziyad, ou même Mohamed Ben Abdelkrim Al Khattabi. La liste de ce délire obsessionnel s’allonge sans fin avec des affabulations destinées à doter l’Algérie d’une profondeur historique fictive, alors même qu’avec un peu d’intelligence et un brin de doigté, son histoire récente lui aurait suffi largement pour se projeter en toute sérénité et en toute confiance dans le présent comme dans le futur.
Politique du mensonge
Engluée dans ses propres contradictions, la direction algérienne s’enfonce chaque jour davantage dans un fatras inextricable de mensonges, de fourberies et d’affabulations. On nous apprend par exemple que l’Algérie était, contre tous les documents de l’Histoire, le premier pays à reconnaître l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique, et que Hay Al Maghariba à Al Qods occupée, sa porte et sa muraille, sont une œuvre exclusive d’Algériens du temps ou ces derniers s’appelaient les Maghrébins. Mieux, c’est l’Algérie qui aurait provoqué la Révolution française, alors que Mandela aurait fait ses premières classes de militant en Algérie, et c’est là qu’il aurait également reçu les premières armes dans son combat contre l’Apartheid. Sans égard pour le témoignage de ce dernier, disponible sur Youtube où il évoque les armes reçues du Maroc juste à l’indépendance de celui-ci, c’est-à-dire bien avant que l’Algérie ne soit Algérie.
Règlement de comptes
Empêtrée dans un surarment excessif, se lançant dans une spirale d’accusations à l’emporte-pièce et de recherche fiévreuse d’une référence historique inexistante, l’armée algérienne peine à vendre d’elle-même l’image d’une «forteresse inexpugnable, défenseur intraitable et dirigeant légitime de l’Algérie». Et c’est précisément au nom de ces slogans creux que les généraux s’agrippent aux rênes du pouvoir pour s’enrichir davantage et s’accaparer les biens du pays, au milieu d’une sombre ambiance de règlements de comptes, jetant des centaines de généraux et d’officier dans les geôles algériennes, en attendant qu’au gré d’un changement du rapport de forces, les militaires aujourd’hui au pouvoir occuperont les cellules de leurs adversaires, ceux qu’ils avaient embastillés la veille.
L’ennemi de l’unité
La stratégie algérienne, on l’a vu, est fondée sur l’affaiblissement du Maroc, son isolement et sa déstabilisation. Erigeant l’hostilité à l’intégrité territoriale du Royaume au rang de dogme et de credo, l’Algérie ne lésine sur aucun moyen pour séparer le Maroc de son Sahara. C’est à cette fin qu’elle a déboursé des centaines de milliards de dollars pour lancer contre le Maroc des attaques armées dans le cadre d’une guerre de 15 ans.
Amgala
Pour imposer le fait accompli, les forces algériennes ont fait intrusion dans le territoire du Sahara marocain et établi, dès 1976, des bases militaires et de renseignements dans plusieurs sites, notamment à Mahbès, Bir Lahlou, Tifariti, Al Haouza et Farsia. C’était compter sans la vigilance des Forces armées royales qui, ayant très tôt percé les desseins des adversaires, leur ont infligé une cuisante défaite à Amgala qui s’est soldée par l’emprisonnement de plus d’une centaine de soldats et d’officiers algériens. Incorrigibles, d’autres éléments hostiles ont subi la même déconvenue lorsqu’ils se sont retrouvés assiégés à Tifariti. L’Histoire retiendra que c’est par un geste magnanime du Maroc que ces sacrifiés sur l’autel des fantasmes des généraux, colonels à l’époque, ont été relâchés, dans la discrétion suite à l’intervention du président égyptien Anouar El-sadate, via Hosni Moubarak, à l’époque vice-président.
Des soldats vaillants
Dès que les FAR ont pris le contrôle de la situation militaire dans les provinces du sud, l’Algérie s’est employée à mener les combats plus au nord, vers Tantan et Akka. C’est ainsi que les forces hostiles ont assiégé la ville de Zag et attaqué les convois d’approvisionnement sur le tronçon Guelmim-Laâyoune, avant de se terrer dans les massifs de Ouarkziz. Mais des murs célestes, et la bravoure et le patriotisme du soldat marocain ont eu raison de tous les complots finissant par neutraliser les agissements des forces algériennes et de leurs proxys.
La locomotive
On le voit, les dirigeants algériens ont mené en parallèle contre le Maroc une véritable «guerre diplomatique», en application des ordres de Houari Boumediene qui a sommé son ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, de faire de la question du Sahara son dossier prioritaire et de mobiliser toutes les ressources de la diplomatie algérienne pour la création d’un «Etat sahraoui», le même Boumediene qui n’hésitait pas à déclarer que «l’Algérie est la locomotive, les autres pays [de la région] n’étant que des wagons».
Cette perception de soi mégalomane n’a pas pris une ride. Il est arrivé aussi qu’un autre ministre algérien des AE affirme sans vergogne que «l’Algérie est l’unique puissance, les autres - le Maroc, la Tunisie, la Libye et l’Egypte – ne sont pas de notre niveau».
Journaliste ayant couvert plusieurs sommets d’Etat africains, je puis témoigner des énormes largesses financières que l’Algérie et la Libye de Kadhafi avaient coutume de mobiliser pour l’achat des consciences, du temps où les chèques étaient distribués au grand jour dans les salles de congrès avant les opérations de vote.
Grottes d’Hercule
Un demi-siècle après l’agression algérienne, le Maroc continue de construire, d’aménager et d’investir dans son Sahara. Le citoyen marocain se déplace en toute liberté, depuis les Grottes d’Hercule à Tanger jusqu’aux plaines sablonneuses de Mauritanie, malgré les actions désespérées de fermer le passage d’El Guerguerat. En face, l’Algérie a verrouillé ses frontières terrestres et aériennes et s’est, du coup, transformée en une île de désolation qui s’érode progressivement. Dans «la force de frappe», les files d’attente grossissent et s’allongent à la recherche de lait, d’huile et de farine, alors que la gronde du peuple bouillonne contre une direction qui a érigé le faux et l’usage de faux en politique d’Etat.
Le hirak à nouveau
Jusqu’à quand tiendrait-on en laisse un peuple qui trépigne d’impatience et d’attentes, et où s’arrêtera l’usurpation du pouvoir par les militaires et la détérioration des conditions de vie ?
Le souffle du hirak reviendrait-il à nouveau plus large et plus fort pour sauver le pays ? Assisterait-on à l’intervention d’une faction de l’armée contre les militaires au pouvoir pour redresser la situation d’un pays qui tangue ?
S’il est vrai que tous les facteurs et indicateurs tendent vers l’escalade et la confrontation, il n’en demeure pas moins vrai qu’un écroulement de l’Algérie, probable, serait une catastrophe pour toute la région. C’est pour cette raison que nous ne cesserons de répéter : «Que Dieu préserve l’Algérie de ses dirigeants !»