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Sanchez irrite Tebboune, le Polisario risque de l’engloutir - Par Talaa Saoud AL ATLASS
Abdelmadjid Tebboune et le général Saïd Chengriha rendant visite au chef des milices du Polisario, Brahim Ghali à son retour tumultueux d’Espagne en juillet 2021
“Jeu des nations” est une formule chère aux journalistes qui, euphémisme trompeur, cherche à mystifier, à altérer la réalité des faits et des choses, celle d’un véritable conflit mettant aux prises, au-delà du simple «jeu», les intérêts des Etats et des nations.
Même si certains Etats mènent le combat sous la bannière d’une Nation, rien n’empêche l’émergence de conflits et de guerres intestines au sein de la même collectivité. Pour s’en convaincre, il n’y qu’à considérer la situation de la «nation arabe» et le nombre de guerres, de conflits, d’hostilités et d’animosités qui gangrènent ses composantes et minent les rapports entre ses Etats.
Sans aller trop loin dans l’exploration de la géographie des affrontements arabes, il suffit de constater dans le voisinage immédiat du Maroc, comment la direction algérienne proclame sa profession de foi dans le «resserrement des rangs arabes» pour constater dans les faits, elle agit dans le sens inverse. Soigneusement, elle s’applique à désunir l’espace maghrébin, par son hostilité fébrile à l’unité du Maroc et son acharnement à vouloir monter de toutes pièces un État factice qui ne fera qu’aggraver l'émiettement de la région, à travers la création et l’entretien d’un foyer de discorde et de tensions.
L’ami et journaliste talentueux libanais Samy Kleib produisait et animait une passionnante émission télévisuelle, «Jeu des nations». Dans ses archives, on peut retrouver des épisodes consacrés à des éclairages pertinents sur les zones d’ombre, les tensions, les conflits et les guerres qui agitent et paralysent en même temps la scène arabe.
On y apprend que des faits sont l'œuvre d’un jeu international, tandis que d’autres sont l’(im)pur produit de l’insouciance avec laquelle les dirigeants arabes se jouent du sort de leurs pays et de leurs peuples. Les dirigeants algériens en sont une (im)parfaite illustration. Ils ont fait de l’hostilité au Maroc leur mantra et la justification de leur maintien au pouvoir. Recroquevillés sur leurs seuls intérêts et sur leur égocentrisme, ils retrouvent, consciemment ou inconsciemment intégrés à un jeu international ou, la plupart du temps se, mettent au service d'intérêts internationaux dont ils ne maitrisent ni les tenants ni les aboutissants.
Tout gestionnaire rationnel des affaires d’un État est censé s’interroger sur la place de son pays dans le paysage mondial et ses conflits et pourquoi pas dans le «jeu des nations» et l’intérêt bien compris de son peuple. Mais visiblement cette question est le dernier souci des dirigeants algériens. Leur presse semble avoir d’autres préoccupations, la plus éloquente étant celle de s’échiner à prouver «scientifiquement» que le «couscous est algérien et non pas marocain», comme le soutient mordicus un chercheur algérien, fouilles archéologiques et artéfacts à l’appui.
La preuve est, selon lui, la découverte en Algérie d’un couscoussier vieux de centaines de milliers d’années. On ne peut que féliciter l’Algérie pour cette trouvaille qui vient enrichir les découvertes archéologiques en lien avec l’art culinaire dans la région maghrébine. Ceci témoigne que la région fut, depuis des centaines de milliers d’années, un creuset d’interactions sociales, culturelles et culinaires, avec et par le couscous. Alors qu’il n’est nul besoin d’une culture substantielle pour valider «les droits d’auteurs sur le couscous» et concéder que ce plat exquis, typiquement amazigh, commun à toute la région maghrébine, prend des variations selon les régions, les reliefs (montagne, plaine, littoral...), le climat (sec, froid ou aride) etc.
Il est compréhensible que les Algériens soient préoccupés par le souci de se forger un Etat-nation et de l’emplir d’histoires et d’en sourcer les origines. Des siècles durant, le Maghrib Al Awsat (Maghreb médian) n’était qu’un chapelet de provinces soumises ou autonome, au gré des flux et reflux, aux dynasties marocaines ayant régné sur l’Afrique du Nord. Et après de longs siècles de domination ottomane, puis de colonisation française, ils ont enfin obtenu un Etat national propre à eux. Mais ont-ils vraiment besoin pour se construire d’aller chercher des racines là où il n’y en a pas, dans la passé, au lieu de projeter cet Etat dans le futur pour se construire une histoire nouvelle. Ils n’ont qu’à prendre exemple sur les Américains qui l’on fait en à peine un peu plus d’un siècle. Et c’est certainement leur fraicheur libérée des pesanteurs du passé qui leur insufflé leur inventivité et fait d’eux la puissance quasi absolue qu’ils sont pour l’instant.
Le Maroc ne peut que souhaiter aux Algériens de s’adapter avec leur nouvel Etat et de le meubler autant qu’il est possible de symboles, de liturgies, de significations anthropologiques et historiques pour combler les lacunes identitaires dont ils souffrent pour qu’enfin ils puissent mieux s’intégrer dans l’espace maghrébin, loin de tout ergotage ou chicanerie, et sans avoir à traîner le boulet d’un séparatisme atteint pas la limite d’âge sous l’effet des mutations profondes à l’œuvre dans le «jeu des nations».
La direction algérienne dilapide l’argent, gaspille le temps, manque les opportunités et se perd dans des élucubrations qui l’éloignent de la voie du développement, l’isolent et amenuisent ses chances d’avoir voix au chapitre dans le concert des nations. Comment comprendre et admettre qu’un Etat verse dans l’acquisition pour des milliards de dollars d’armes livrées à la corrosion et la rouille, alors que les populations des métropoles (qu’en est-il des villes moyennes et des campagnes ?) peinent à s’assurer une denrée aussi vitale que l’eau potable.
Un exemple, un seul : les autorités d’Oran ont apporté la bonne nouvelle aux habitants : des efforts colossaux et exceptionnels seront déployés pour assurer l’approvisionnement en eau et en réduire les coupures durant les vacances de l’Aid Al-Adha. A cette fin, elles ont mobilisé des camions citernes supplémentaires ! Ce communiqué, à lui seul, dit tout le dramatique de la situation qui prévaut d’ordinaire dans la ville et la souffrance des citoyens avec l’eau potable. L’autre métropole, la capitale de la république démocratique et populaire, Alger, s’est vue classé par le prestigieux magazine The Economist à 4ème place de la pire ville au monde dans son classement annuel 2023.
Rien de ces faits n’a l’air de préoccuper autant la direction algérienne que de voir le Parti populaire espagnol remporter les prochaines élections, dans l’espoir d’une révision éventuelle des accords et des ententes conclus entre Rabat et Madrid. Sans saisir, ou vouloir comprendre que les relations maroco-espagnoles relèvent d’un «jeu» des grands et portent sur des questions d’une dimension mondiale. Plus que de positions tactiques ou un jeu de dupes, les rapports entre les deux Royaumes incarnent la convergence de volontés et d’aspirations partagées, portés par les valeurs de deux pays dirigés avec un sens aigu du sens de l’Histoire et une rationalité privilégiant les intérêts mutuellement bénéfiques.
«Notre relation avec le Maroc est stratégique dans tous les sens du terme», a souligné le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, qui était la semaine dernière l'invité d’une émission de la télévision espagnole «La Sexta». Qualifiant la coopération et la collaboration avec le Maroc de «très positive», il a assuré que «le Maroc est important pour nous du point de vue commercial, de l'accès économique à un continent aussi important que l'Afrique, de la sécurité, de la lutte contre le terrorisme et, sans aucun doute, de la politique migratoire».
Emanant du président du gouvernement espagnol, cette déclaration soupesée révèle la solidité des fondements stratégiques de relations entre deux Etats, qui disposent de leviers communs leur permettant d’agir et d’interagir avec les évolutions du monde de demain. Aucun changement de couleur politique en Espagne ne saurait entamer ces orientations ancrées dans la profondeur des relations stratégiques avec l’Etat espagnol. Elles transcendent les choix partisans et échappent aux désidératas d’un gouvernement par définition passager.
Les relations maroco-espagnoles puisent leur sens dans les impératifs stratégiques du «jeu des nations», y compris les aspirations de l’Espagne et de l’Europe à mieux se positionner pour fructifier leurs rapports avec l’Afrique, via le Maroc et avec son appui. De par sa proximité avec l’Espagne, le Maroc ne fait pas mystère de sa disponibilité à promouvoir les échanges entre l’Europe et l’Afrique au profit des deux parties. Il suffit de rappeler la cadence remarquable prise, ces derniers jours, par la relance du projet stratégique de liaison fixe reliant, via un tunnel maritime, le Maroc à l’Espagne à travers le détroit de Gibraltar. Ce projet, dont les deux points d’appui sont le Maroc et l’Espagne, est une passerelle entre deux continents et promet, une fois réalisé, d’induire des transformations radicales sur la géographie et d’ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire. C’est dans ce but que l’Union européenne a accordé un prêt de 2,3 millions d’euros à l’Espagne pour étudier la faisabilité d’un tunnel sous-marin pour créer un réseau ferroviaire à grande vitesse entre les deux rives de la Méditerranée. C’est un long parcours dont les deux pays ont déjà parcouru une première distance. Ce qui devrait en principe calmer le pouvoir algérien et l’inciter à vaquer se rassurent et vaquent à d’autres occupations plus utiles et plus saines !
Les relations maroco-espagnoles, fructueuses et porteuses d’évolution transcendent le jeu politique espagnol interne. Comme pour calmer la fébrilité de l’Algérie dans l’attente des résultats des prochaines élections espagnoles et leur impact sur la question du Sahara marocain, M. Sanchez a affirmé que son pays considère l’initiative marocaine d’autonomie comme «la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend». Sur le ton d’un rappel à l’ordre à peine voilé à l’adresse de la direction algérienne, il ajoutera que les États-Unis, la communauté internationale et les principaux pays européens soutiennent le plan d’autonomie présenté par le Maroc en 2007.
Evidemment, il n’y a rien là qui puisse réjouir le président algérien Abdelmadjid Tebboune et ses amis au Palais El Mouardia. La sentence de M. Sanchez douche les espoirs d’une éventuelle révision de la position espagnole qui, tout en s’appuyant sur des considérations internes, puise sa raison dans des relations bilatérales avec Rabat qui inscrivent dans le prolongement d’un référentiel international.
Au-delà de son soutien croissant à l’initiative marocaine d’autonomie, la communauté internationale tient à l’œil l’implication du Polisario, protégé d’Alger et son proxy dans le conflit autour du Sahara marocain, dans le bourbier de la région sahélo-saharienne. Le Polisario mute, ainsi, en se débarrassant de sa peau séparatiste pour se transformer en un mouvement terroriste, de mèche avec les bandes et les mouvances terroristes qui essaiment la région.
C’est la conclusion à laquelle a abouti, il y a pas plus tard que quelques jours, une conférence-débat, organisée par le think tank suisse «Observatoire Géopolitique de Genève», avec la participation d’une pléiade d’experts internationaux. Selon leurs analyses, tout porte à croire que le Polisario s’apprête à quitter l’emprise de la direction algérienne vers les déserts du terrorisme, en raison de l’impasse de la thèse séparatiste et de l’isolement et de l’incapacité de son mentor à infléchir le soutien de la communauté internationale au plan marocain d’autonomie, comme solution pacifique et bénéfique à la région et au monde entier. Dans ce cas, seule l’Algérie sera tenue responsable des penchants terroristes du Polisario.
C’est le «jeu des nations» et l’Algérie n’a qu’à se plier à ses règles sous peine de se retrouver à la marge du monde et en décalage avec ses mouvements.
*Quid d’après le journal londonien Al-arab