Un drapeau à hisser haut

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Il suffit quelques fois de certains événements qui ne sont pas toujours les plus heureux pour découvrir certaines vérités. La pandémie a remis les pendules à l’heure. L’occasion, pour nous, de corriger des représentations négatives qu’on se fait de nous-mêmes ou que les autres continuent à nous projeter. 

La fierté d’être marocain, un défi à relever

Les Marocains n’ont pas démérité. Ils ont  donné des preuves de dévouement et de solidarité exceptionnels. Ils ont été inventifs et réactifs. Ce qui leur a permis de relever le défi et se targuer d’avoir l’un des taux de mortalité les moins élevés. En revanche, cette crise a démystifié les modèles de gouvernance occidentaux et a démythifié la puissance de certains Etats chez qui la pandémie continue toujours de faire des ravages. Loin de moi l’idée de faire de l’anti-occidentalisme. Mon but est d’exhorter mes compatriotes à arrêter de nous sous-estimer, de nous auto-flageller. Il est temps de corriger le regard qu’on porte sur nous-mêmes. Nous devons être fiers d’être marocains.

Certes, on aimerait être fier d’appartenir à une communauté qui valorise ses citoyens, les encourage à aller de l’avant. On voudrait appartenir à une société qui garantit les droits et l’égalité des chances. Mais on peut, aussi, être fier d’appartenir à un pays qui réussit, fier de partager la nationalité de ceux qui réalisent des performances. Qu’il s’agisse de Aouita, de Najat Valaud Belkacem, de Moncef Slaoui, et de  bien d’autres, notre fierté a jubilé suite à leurs succès, même quand leur étoile brille sous un autre étendard. C’est ce sentiment que l’on commence à ressentir chez des Marocains, surtout ceux qui vivent à l’étranger, en cette période de crise. Même Jean-Luc Mélenchon, député français, a exprimé sa fierté d’avoir le Maroc comme pays natal. 

Un imaginaire à décoloniser

Notons par ailleurs que l’estime de soi, si elle est solide, peut être source d’épanouissement et de bien-être. Une des clés du succès est la confiance en soi. La confiance fait pousser des ailes, libère la créativité, anéantit la peur,  inspire la force et le courage. Mais le regard qu’on porte sur soi est forgé par notre expérience et notre éducation. Plus que cela, le regard de l’autre peut être déterminant car on a tendance à croire et à se conformer à l’image que l’autre se fait de nous. Nous, Maghrébins, Africains, avons souffert du regard des colonisateurs, de ce regard de mépris, de déni. Même après la décolonisation, cette attitude n’a pas pris une ride. Le colonialisme et l’histoire de l’esclavagisme ont figé dans les esprits l’infériorité de l’homme africain en général, l’infériorité de son produit, de son art. La multitude des blagues qui colportent cette idée et l’enracinent dans l’imaginaire en témoigne. 

Il y a des indices qui ne trompent pas quant à l’image que les autres continuent à avoir des Africains. A titre d’exemple, malgré la bonne gestion de cette crise sanitaire par les pays Africains en général, l’OMS se dit toujours inquiète pour l’Afrique au moment où la pandémie fait des ravages en Europe, aux Etats Unis, en Amérique Latine. Ce discours hautain et alarmiste  maintient la peur chez les Africains qui, en quête de salut, se voient obligés de se jeter dans les bras du monde occidental. C’est ainsi, qu’ils deviennent ses cobayes pour les différentes expériences, qu’ils s’endettent pour lui acheter des médicaments - parfois un placébo- ou des vaccins inefficaces ou suspects. Le docteur Jean Paul Mira de l’hôpital Cochin à Paris, a fait montre d’un mépris incommensurable à l’égard de l’Afrique en affirmant sur le plateau de la chaîne française LCI sa proposition de faire ses expériences concernant le vaccin du covid19 sur des Africains comme c’était déjà le cas pour certaines maladies tel que le sida. 

Ainsi, pour impulser le sentiment de fierté et l’estime de soi chez nos concitoyens, il faudrait corriger l’image ternie qu’on s’obstine à donner de notre pays, de notre continent, et ce, par la promotion des valeurs de la citoyenneté. Certes, l’estime de soi commence par la fierté d’appartenance. Nous devons être fiers d’appartenir à un pays qui a une histoire, qui a une culture riche, qui prône des valeurs humaines  d’équité et d’égalité, un pays qui reconnaît et respecte les différentes composantes de son identité. Outre cela, exposer l’aspect lumineux du pays et des citoyens marocains, c’est immanquablement susciter chez ce peuple un sentiment d’amour et d’attachement à sa culture. C’est le rôle de l’école, des médias et des historiens. Ce qui lui permet d’assumer pleinement son identité et d’entretenir des relations sereines avec son entourage.

Ecrire l’histoire

Mais avant tout, il doit se définir et écrire sa propre histoire. Notre tradition est une tradition orale et chaque fois qu’un de nos anciens meurt, c’est une partie de notre histoire qui est ensevelie avec lui. De ce fait, notre amnésie s’amplifie et « la décoloration culturelle » se poursuit. Nous sommes tiraillés entre l’Orient et l’Occident. Nous n’admettons pas que nous puissions être entièrement nous-mêmes, c'est-à-dire un peuple qui a toujours existé et qui sans aucun doute a reçu d’autres affluents pour forger ensemble l’identité marocaine. Est-il nécessaire de rappeler que le continent africain – le vieux continent- constitue le berceau des plus vieilles civilisations du monde ? C’est pourquoi, nous ne devons permettre à personne de nous définir ou de définir notre pays. Tant que nous ne prendrons pas la plume pour écrire, nous n’existerons pas historiquement. L’histoire, à mon sens, ce sont les événements tels que les voit ou les raconte un groupe particulier, généralement le plus fort.  Et comme dit un proverbe africain «  tant que le lion n’aura pas appris à écrire, les histoires de la chasse seront toujours à la gloire du chasseur ».

Nous appartenons à un pays riche par ses ressources naturelles, riche par ses arts, par son patrimoine culturel, par son histoire, riche par ses hommes et ses femmes. Refusons une fois pour toute d’être cet objet sur lequel on agit au gré des aspirations politiques, ou d’une quelconque pression idéologique interne ou externe. Nous devons avoir une vision claire des choses, cette vision qui donne le courage de rire du regard furieux et austère d’un destin implacable. 

L’aliénation, le déracinement sont lourds de conséquences. L’amnésie culturelle et l’acculturation font de nos enfants des étrangers dans leur pays. L’école doit s’atteler à dépoussiérer notre histoire, à rétablir des vérités, à inculquer les valeurs de solidarité, de justice, d’altérité et du vivre ensemble. A l’heure de la mondialisation, les guerres sont identitaires ; les guerres sont celles des symboles et des mémoires. Tant il est vrai que le capital symbolique est important. L’exemple du couscous, du burnous que se disputent les pays de l’Afrique du Nord en est un exemple. Notre patrimoine culturel doit trouver une place de choix à l’école pour être valorisé et vivifié. Le Maroc est un pays riche par la diversité de sa culture. Et chaque couleur de l’arc en ciel de son identité doit se reconnaitre dans les programmes de l’école et des médias, dans les langues adoptées par l’administration et les institutions. Etre bien ancré dans sa culture est non seulement un facteur d’épanouissement, mais permet aussi d’avoir des relations positives, sans complexe avec l’Autre.       

Il est temps de vomir toutes les inepties, les mensonges, les images négatives que nous avons de nous-mêmes et qu’on nous a ingurgités pour briser notre élan et faire de nous des exploités et des dépendants éternels. 

Aicha AIT BERRI

 

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