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Un livre dirigé par Mohamed Harakat : ETUDES D'IMPACT ET POLITIQUES PUBLIQUES
Au Maroc l’étude d'impact reste marginale. Elle pâtit aussi d'une insuffisante institutionnalisation.
On légifère - beaucoup même : on prend des mesures ; on parle même de réformes voire de stratégies : mais se préoccupe-t-on des effets ? Les annonces généralement optimistes nourrissent tout cela. Mais, en dernière instance, les résultats prévus ne sont pas au rendez-vous : tant s'en faut. Voilà pourquoi l'étude d'impact s'impose à l'évidence. Cela veut dire quoi ? Que l'on adopte une méthode d'examen systématique et constant des impacts potentiels liés à une action gouvernementale.
Il s'agit de conforter et d'améliorer les mécanismes de gouvernance ; de promouvoir aussi la cohérence des politiques publiques. Comment ? Par la mise en place de mécanismes opératoires de nature à permettre aux pouvoirs publics de faire prévaloir une culture administrative d'évaluation des conséquences des mesures envisagées; de mieux répondre aux besoins et aux attentes des citoyens.
Qu'en est-il au Maroc ? C'est la problématique d'un ouvrage collectif dirigé par Mohamed Harakat*). Force est de faire ce constat : l’étude d'impact reste marginale. Elle pâtit aussi d'une insuffisante institutionnalisation. La Constitution ? Elle n'y fait pas référence. Il y a bien la loi organique des finances (art.48) qui impose que le projet de loi de finances déposé au Parlement au plus tard le 20 octobre soit accompagné de pas moins de 14 rapports et documents. La note de présentation doit comporter des données incluant "les impacts financiers et économiques des dispositions fiscales et douanières proposées". L'on peut ajouter les dispositions de l'article 70 de la Constitution qui stipule que "le Parlement exerce le pouvoir législatif. Il vote les lois, contrôle l'action du gouvernement et évalue les politiques publiques» ; ou encore celles de l'article 154 aux termes desquels les services publics" sont soumis aux normes de qualité, de transparence, de reddition des comptes et de la responsabilité, et sont régis par les principes et valeurs démocratiques consacrés par la constitution". L'on peut encore citer la loi n° 12-03 relative aux études d'impact sur l'environnement. Ce texte les définit comme étant "l'étude préalable permettant d'évaluer les effets directs ou indirects pouvant atteindre l'environnement et à court, moyen et long terme... ".
Il aura fallu attendre cependant 2017 pour que l'étude d'impact soit prise en compte dans la production législative. Un décret du Chef du gouvernement, en date du 23 novembre 2017, est ainsi venu édicter une nouvelle législation en la matière. Il impose à certains projets de loi d'être accompagnés d'une étude d'impact. Il fixe un délai de deux mois pour la réalisation de celle-ci ; il précise ses modalités : définition détaillée des objectifs escomptés du projet de loi prise en compte des textes juridiques en vigueur et des conventions internationales, évaluation des conséquences (économiques, sociales, environne -mentales, institutionnelles et administratives), sources de financement et leurs incidences prévisionnelles sur les finances publiques, consultations, …).
Cet axe de recherche se retrouve dans la bonne dizaine de contributions d'auteurs marocains et africains. Pour Abdelkader Berrada, l'évaluation des prêts de la BIRD et de la BAD au secteur de l'éducation (1965-2007) n'échappe point à un diagnostic sévère dans la mesure où ces financements "constituent des ratés dont les effets néfastes sur le développement du Royaume se font encore sentir". Avec Naima Hamoumi (Université Mohammed V, Rabat), à propos du "Système des études d'impact sur l'environnement au Maroc" les "lacunes et dysfonctionnements" ne manquent pas. Sa contribution est centrée sur le littoral marocain. Elle regrette le fait que les textes sur l'évaluation environnementale stratégique (loi n° 49-17) n'intègrent pas des dispositions imposant la réalisation d'un programme d'investigation scientifique et technique et d'un dispositif d'accompagnement.
Mohamed Harakat, lui, "traite de la gouvernance des partenariats public-privé au Maroc". Il s'interroge sur leurs impacts sur le développement des investissements dans l'espace de l'organisation pour la coordination du droit des affaires en Afrique (OHADA). Il fait état de multiples contraintes pesant sur la réalisation des buts tracés tant dans le cadre de la demande d'adhésion du Royaume à la CEDEA que dans l'optique de l'OHADA. Des recommandations faites par la Banque mondiale à cet égard gardent tout leur intérêt : facilitation de la création d'entreprise, obtention de prêts, protection des actionnaires minoritaires, exécution des contrats, règlement de l'insolvabilité.
Serigne Bassirou Lo (Université Cheikh Anta Diop, Dakar) se demande si "l'impact des IDE sur la croissance économique en Afrique " a permis une amélioration du niveau d'industrialisation. Il arrive à cette conclusion que "la diffusion des externalités technologiques " générée par les IDE est avantageuse à condition que dans les pays d'accueil existe un secteur industriel en mesure de les absorber, en particulier lorsqu'ils interagissent avec le développement du secteur manufacturier. Enfin, Amine Mahdoud (Université de Settat), aborde la question de la participation civile à l'évaluation de l'action publique au Maroc en centrant son étude sur le cas de la CGEM. Il conclut qu’il y a une coproduction avec les pouvoirs publics dans certains secteurs d'activités et ce dans le champ de l'évaluation de l'action publique.
Autant de contributions qui attestent d'une réflexion académique stimulante sur les études d'impact. Reste aux politiques publiques de s’y atteler. De manière réellement opératoire...