Un monde en devenir

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Tout le monde s’accorde pour dire que la mondialisation et son corolaire (la circulation des personnes) ont servi de marche pied à l’expansion de la crise sanitaire. Si celle-ci diffère des autres qui l’ont précédées, c’est bien par la virulence et la vitesse de propagation du nouveau virus  

On s’accorde aussi pour admettre qu’elle apporte dans ses bagages un changement de paradigmes. Si certaines générations de jeunes continuent de caresser l’espoir d’une médecine augmentative qui permettrait selon les « révolutions transhumanistes » (Luc ferry) de vivre au-delà de 200 ans, Corona nous a fait prendre conscience de notre précarité, la mort sans distinction mais surtout sans prévenir peut frapper n’importe lequel parmi nous 

Des lors, si le confinement s’est révélé indispensable du point de vue sanitaire, ses effets dévastateurs sur la production de biens et services sont massifs. La chute de l’offre s’accompagne de celle du capital humain. Les effets de l’un devenant la cause de l’autre, la demande faiblit ipso facto. Et c’est ce télescopage de la baisse de l’offre et de celle de la demande qui rend la situation si extraordinairement    dangereuse.

Heureusement qu’au plus haut niveau de la gouvernance on est aguerri au pilotage par « mauvais temps ». Les autorités ont imposé une réponse ferme et rapide au virus. Cette action a été en retour récompensée par une reconnaissance et un soutien tant à l’étranger qu’au sein des populations. Des conditions sécuritaro-sanitaires relevant de la loi martiale sont prises avec une très forte réactivité mais surtout elles s’accompagnent aussi d’une vision à long terme qui se décline par la volonté expresse de chercher des filets de sécurité financière afin d’amortir les chocs. Et ceux-ci pourraient malheureusement montrer très vite leurs crocs aspirant des millions de personnes de la classe moyenne vers une grande pauvreté.

Le Maroc, sa géographie et son histoire

Cet infarctus de l’économie mondialisée n’épargne ni les personnes ni les secteurs. L’une de ses causes qui est la division internationale du travail a été vite pointée du doigt. Se passer de productions aujourd’hui stratégiques peut mener à des crises sanitaires comme celle que nous vivons. Certes  Il y a de fortes chances que parmi les conséquences de la crise, on assiste à une relocalisation de certaines activités qui se ferait aux  dépens de pays comme le nôtre, car dans le cadre des délocalisations que nous avons soutenues la partie conception recherche et développement n’a pas été transférée.

A l’instar de ce qui s’est passé dans les crises précédentes des plans de soutien de la demande viendront violer les sacro saints équilibres budgétaires. On pourra parier que les économies développées chacune selon son sort tireront leur épingle du jeu.

Qu’adviendra-t-il de notre pays et de notre principal partenaire qu’est l’Europe. Dans ce monde multipolaire en devenir, la solidarité de L’Europe  vis-à-vis de l’Afrique en général et du Maroc en particulier devra  dépasser les nouveaux paradigmes nationalistes  de l’après crise. Car si déjà avant la crise actuelle l’Europe gérait difficilement les milliers de migrants disposés à tout braver pour fuir leur pays, qu’en sera-t-il lorsqu’ils seront des millions à forcer le passage pour fuir le délabrement de leur économie 

L’intérêt de l’Europe n’est pas que dans le volet migratoire, car même si l’on accepte l’hypothèse, somme toute, probable que cette crise donnerait un grand coup de pied dans la fourmilière de la mondialisation, il n’est pas dit que les pays riches accepteront de se départir de le « rente néocoloniale » leur octroyant un pouvoir d’achat grâce à l’acquisition de produits fabriqués au moindre cout... Afin de maintenir sa place dans le concert des nations et préserver le niveau de vie de ses citoyens, l’Europe sans doute opterait pour une indépendance technologique qui l’amènerait certainement à gagner en autonomie vis-à-vis des pôles de puissance que sont la Chine et les USA. Elle pourrait se replier sur son flanc sud maintenant ainsi la proximité de ses chaines de valeurs autant que la dépendance de ces pays vis-à-vis d’elle. 

Ainsi définie, la crise si elle est une catastrophe pour les uns, pourrait devenir une opportunité pour les autres. 

Le Maroc saura-t-il profiter de sa géographie et de son histoire encore une fois ? saura-t-il devenir le socle d’une stratégie méditerranéenne de l’Europe et attirer les relocalisations européennes en leur offrant la proximité, la codépendance et les avantages comparatifs pour affronter la compétition d’un monde multipolaire. 

Je voudrais en effet  m’attacher à cette position modérée pour éviter que seules les positions extrémistes prennent le dessus.