Une blonde aux yeux ambrés - Par Seddik MAANINOU

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Abdelwahab Doukkali et Seddik Maaninou

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Décisions douloureuses – Par Seddik Maâninou

L’Association Ouchaq Attarab Al Assil a organisé une belle rencontre-hommage au virtuose Abdelwahab Doukkali dans une grande salle du quartier L’Oasis à Casablanca. J’étais honoré de l’invitation à cette soirée exquise, particulièrement rehaussée par une organisation impeccable et une assistance de qualité. J’ai pris place à côté du doyen de la chanson marocaine. Après une longue étreinte et l’échange de souvenirs d’une amitié vieille de 60 ans, nous avons été emportés par les sirènes des muses. La soirée a commencé par «Mawlid Al Qamar » (Naissance de la lune), une ode (quasida) reprise par l’orchestre Salah Cherkaoui et sa chorale.

Confidences

«Cette chanson est du poète raffiné Mohamed Tanjaoui», chuchota Doukkali à mon oreille. «Composée au Caire, elle a été exécutée par le plus célèbre orchestre et la meilleure des chorales d’Egypte», a-t-il poursuivi. Il en fredonna quelques passages, avant de reprendre : «Lorsque je l’ai composée, je l’ai soumise à l’immense Mohamed Abdelwahab qui m’avait demandé de lui faire écouter toute nouvelle production avant sa diffusion». Il ajouta, des trémolos dans la voix : «Après avoir écouté cette chanson, Mohamed Abdelwahab m’a dit : ‘’C’est la plus belle chanson arabe que j’ai jamais écoutée’’. Je l’ai interrompu, contestant ce trop d’honneur, mais il a repris : ‘’Je jure que c’est la plus belle d’entre toutes’’».

Un artiste authentique

Doukkali est resté un artiste authentique, élégant dans son port comme dans son propos et son comportement, fier de ses créations et prolifique dans sa production. J’étais certes heureux et honoré de l’avoir rencontré à nouveau et de converser avec lui, mais j’ai surtout éprouvé une profonde joie pour l’idée même d’organiser cet hommage en l’honneur de Doukkali, en signe d’estime et de reconnaissance à l’un des plus grands artistes marocains. Ses partitions nous ont tant charmés des décennies durant. Virtuose accompli, artiste polyvalent, pétri de talents, Doukkali laisse à la postérité une riche œuvre façonnée avec maestria. «Tu es entré dans le royaume de la postérité !», lui ai-je susurré à mon tour. «Je cherche refuge en Dieu !», répondit-il sur le vif comme pour se protéger et de défendre de toute prétention. 

A Tunis

Le hasard faisant des fois bien les choses, Doukkali avait accompagné Hassan II lors d’une visite officielle à Tunis où il a animé une soirée musicale en présence du président Habib Bourguiba et du Roi. Lors de cette soirée qui a égayé les deux dirigeants, Doukkali avait chanté «Ya Habib Al Jamahir», célèbre chanson longtemps entonnée par le public marocain. Bourguiba s’est tourné vers Hassan II et lui dit : «Merci pour cette chanson !». Le président tunisien croyait que le titre de la chanson «Habib Al Jamahir» renvoyait à son prénom. Hassan II, en toute délicatesse, s’est contenté de répondre avec un sourire : «Monsieur le président, vous méritez tous les éloges !» 

La lampe merveilleuse

Doukkali est monté sur scène et, après un clin d’œil à l’amitié nous unissant, a chanté son nouveau tube «La lampe d’Aladin». La chanson, très réussie, a été accueillie par un tonnerre d’applaudissements incitant Abdelwahab Doukkali à l’interpréter à nouveau. C’était la première fois que j’assistais à l’interprétation de la même chanson deux fois de suite. 

Le président de l’Association organisatrice, à ma surprise, m’a invité à le rejoindre sur scène pour féliciter notre artiste. J’étais pris de court lorsqu’on me tendit le micro pour «dire un mot». Je me suis vite repris pour m’adresser à Doukkali : «La chanson de la Lampe que tu viens d’interpréter porte des secrets que tu as cachés, mais que je vais divulguer aujourd’hui !». Un silence lourd enveloppa la salle, l’assistance curieuse et pressée d’apprendre l’intimité dissimulée de l’artiste. «L’histoire, ai-je repris, raconte une jeune et belle blonde de 20 ans, aux yeux ambrés, une lampe à la main, allongée près d’un ruisseau, regardant le ciel serti d’étoiles par une nuit de mages. La belle blonde aux yeux ambrés a fait un vœu : Oh ciel, je veux un amoureux charmant, beau et élégant !»

«Et ce fut Abdelwahab Doukkali !», ai-je lancé à l’adresse d’une assistance qui, sitôt arrachée à mon conte de fées, a réagi par une explosion de rires et d’applaudissements nourris. J’ai chaleureusement embrassé Doukkali et salué les organisateurs pour cet hommage bien mérité à l’endroit de notre éminent artiste, ajoutant que je préférais et de loin les hommages appuyés aux vivants aux grands et entendus éloges posthumes.

Joie et santé

De retour chez moi, j’ai envoyé par WhatsApp l’enregistrement de mon allocution accompagnée de ces petits mots : «Bonjour cher frère et artiste distingué. Je t’envoie pour la mémoire mon allocution à l’occasion de l’hommage qui t’a été rendu. Je garde les plus beaux souvenirs des jours d’antan».

Je reçus en échange cette adorable réponse : «Bonjour cher frère bien aimé. Quelle a été grande ma joie de te rencontrer à nouveau. Ma mémoire a remonté temps – le bon vieux - pour revenir aux jours d’antan comme tu dis. Puisse Dieu emplir tes jours de joie, de santé et de bonheur. J’espère te revoir très bientôt Incha Allah. Abdelwahab Doukkali».

 

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