Culture
Cinéma, mon amour de Driss Chouika : DAVID LYNCH, UN MONDE ÉTRANGE OÙ COEXISTENT BEAUTÉ ET HORREUR
Inlan Empire (2006). La direction artistique des films de Lynch est prodigieuse. Chaque aspect visuel, des décors aux costumes, est soigneusement élaboré pour renforcer l'expérience immersive.
« Le monde contemporain n'est peut-être pas exactement l'endroit le plus brillant où l'on puisse rêver de vivre. C'est une espèce d'étrange carnaval. Où il y a pas mal de douleur mais qui peut-être assez drôle aussi ».
David Lynch.
Né le 20 janvier 1946 à Missoula (Montana, Etats-Unis) et décédé le 15 janvier 2025 à Los Angeles (Californie), après des études en Arts plastiques, David Lynch s’adonne à plusieurs essais cinématographiques expérimentaux qui finissent par aboutir à son premier long métrage “Eraserhead“ (1977), rapidement devenu un film culte. C’est un film singulier, basé sur le thème de la peur de la paternité et la déconnexion dans une ville industrielle, qui a donné naissance à un courant cinématographique bien étrange, profondément surréaliste, mais d’un réalisme sombre et violent. Ce premier long métrage avait établi une base solide pour la reconnaissance future de Lynch dans le monde du cinéma comme l’une des figures les plus marquantes. Il avait bien déclaré à propos de ce premier film : « C’est un film sur le choix, la peur et la solitude », affirmant par la suite que « Tous les films sont des rêves. Mais certains un peu plus que d'autres ! » pour bien mettre l’accent sur son choix surréaliste.
UN MONDE SURRÉALISTE OÙ COEXISTENT BEAUTÉ ET HORREUR
David Lynch est peut-être l'un des réalisateurs les plus énigmatiques et audacieux de l'histoire du cinéma. Réputé pour son esthétique singulière et son exploration des profondeurs de la psyché humaine, Lynch a su créer un univers cinématographique qui défie les conventions et interpelle les spectateurs. Que ce soit à travers ses films emblématiques tels que « Blue Velvet », « Mulholland Drive » ou « Twin Peaks », Lynch aborde des thèmes tels que le rêve, la dualité et le banal cachant l’horrible. L’étrange, le mystère et le sombre résume parfaitement la vision du monde de Lynch, où la beauté et l'horreur coexistent. Lynch lui-même a décrit son approche en disant : « Je crois que les choses les plus profondes et les plus mystérieuses sont souvent cachées dans le monde qui nous entoure ».
Mel Brooks avait bien résumé la personnalité de David Lynch en disant « David est vraiment une sorte de génie, çà, c'est clair et net. Il comprend le psychisme et les émotions humaines, le cœur humain. Il est aussi assez détraqué, il est capable de projeter son trouble émotionnel et sexuel dans son travail, et de nous assaillir avec les sensations qui l'assaillent. Ce qu'il fait brillamment dans chaque film qu'il réalise. J'aime ce garçon, et je lui suis reconnaissant d'avoir réalisé ce qui pourrait être le meilleur film que Brooks Films ait jamais produit ». Il s’agissait bien entendu de « Elephant Man ».
David Lynch est aussi, et surtout, le Maître du Psyché et de l'Inconscient par son approche singulière qui combine le mystère, l'humour noir et le surréalisme. Il avait bien dit lors d'une interview : « Il y a quelque chose d’étrange dans la vie de tous les jours. C'est dans ces moments que je trouve l'inspiration ». Il a en effet réussi, à travers ses films, à capturer cette essence mystérieuse de la vie, créant des personnages complexes et des intrigues labyrinthiques qui hantent encore les esprits des cinéphiles aujourd'hui.
UN UNIVERS CINÉMATOGRAPHIQUE SINGULIER
Le surréalisme est certes une constante dans les œuvres de Lynch. Ses films prennent souvent la forme de rêves ou de cauchemars, où les règles de la logique sont suspendues. Dans Blue Velvet, par exemple, Lynch explore la façade d'une banlieue apparemment paisible, mais qui cache des secrets bien sombres. On y découvre un monde de violence et de perversion sous le vernis de la normalité, voire de la banalité.
Lynch excelle dans l'exploration des thèmes de la dualité et des identités multiples. Il joue souvent avec la notion de rêve et de réalité à travers des histoires paraissant bien simples, mais traitées d’une manière bien profonde, qui plonge le spectateur dans des récits labyrinthiques où les identités se chevauchent, se contredisent et se déforment. Ces explorations de la dualité sont bien présentes dans les films de Lynch, une œuvre dense et complexe qui dépeint les luttes de divers personnages à des moments cruciaux de leur vie. Lynch a déclaré à propos de la manière de concevoir ses films : « J’aime travailler sans script, car cela permet d'explorer la conscience et d'atteindre des vérités cachées ». Ce style libre d'improvisation renforce l'atmosphère unique de ses films.
La direction artistique des films de Lynch est prodigieuse. Chaque aspect visuel, des décors aux costumes, est soigneusement élaboré pour renforcer l'expérience immersive. Dans « Elephant Man », par exemple, le noir et blanc crée une atmosphère lugubre qui souligne la tragédie humaine derrière l'histoire du personnage. Lynch a su convertir une biographie en un récit à la fois oppressant et sombre, mais poétique et humaniste. Comme l’utilisation des couleurs dans « Blue Velvet » et « Twin Peaks » inscrit également ses œuvres dans une esthétique propre, ou les couleurs vives et les lumières poignantes contrastent souvent avec des thèmes sombres, créant un malaise subtil, mais bien efficace. La bande sonore joue également un rôle crucial dans l'œuvre de Lynch. Les mélodies emblématiques et les ambiances sonores contribuent à l'identité des films de Lynch, devenant presque des personnages à part entière. Et il a bien dit que « Le son est un canal direct vers l'émotion ». Le traitement sonore dans ses films va au-delà des simples effets sonores pour devenir une expérience sensorielle, parfois déroutante, qui hante et emporte le spectateur.
Ainsi, David Lynch demeure une figure singulière et fascinante dans l’histoire du cinéma moderne. Son exploration des thèmes de la psyché humaine, ses techniques de narration uniques et son esthétique inimitable font de ses films des œuvres profondément immanentes et stimulantes. Il a su établir un univers où les limites de la logique sont sans cesse repoussées, incitant chacun à questionner sa perception de la réalité. Il nous rappelle que le cinéma est finalement une exploration de notre propre humanité, aussi complexe et mystérieuse que l'univers qui nous entoure.
FILMOGRAPHIE DE DAVID LYNCH (LM)
« Eraserhead » (1977) ; « Elephant Man » (1980) ; « Dune » (1984) ; « Blue Velvet » (1986) ; « Sailor et Lula » (1990) ; « Twin Peaks : Fire Walkwith Me » (1992) ; « Lost Highway » (1997) ; « Une histoire vraie » (1999) ; « Mulholland Drive » (2001) ; « Inlan Empire » (2006).
DRISS CHOUIKA