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France : la retraite à 64 ans validé par le Conseil constitutionnel, colère dans les rues
Des policiers anti-émeutes français se tiennent à côté d'un feu devant l'une des entrées de l'ancien couvent des Jacobins après que le Conseil constitutionnel français a approuvé les éléments clés de la réforme des retraites du président français, à Rennes, dans l'ouest de la France, le 14 avril 2023. La France est secouée depuis trois mois par des manifestations et des grèves. (Photo DAMIEN MEYER / AFP)
Un tournant du quinquennat Macron après trois mois de crise ? Le Conseil constitutionnel a validé vendredi l'essentiel de la réforme des retraites, dont le report de l'âge légal à 64 ans, et bloqué une première demande de référendum d'initiative partagée (RIP) de la gauche.
Entendant continuer le combat, syndicats et opposants politiques ont appelé Emmanuel Macron à renoncer à la promulgation de la réforme, dont la mesure emblématique, le report progressif de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, aura force de loi dès que le président aura apposé sa paraphe au bas du texte.
La décision des Sages a été accueillie par des huées devant l'Hôtel de Ville de Paris, où étaient déjà massés quelque 3.000 manifestants. "On va continuer bien sûr, on va amplifier les manifestations, avec ou sans l'intersyndicale. Macron sera obligé de reculer", a déclaré l'un d'eux, John Barlou, sans emploi de 37 ans.
Un soulagement évident pour l'exécutif. "Il n'y a ni vainqueur ni vaincu", a assuré Elisabeth Borne, pour qui cette étape marque "la fin du cheminement institutionnel et démocratique" du texte adopté à l'Assemblée après un 49.3.
"Ce n'est pas fini", a promis en réponse l'intersyndicale, convaincue que ne pas promulguer la loi est le "seul moyen de calmer la colère (...) dans le pays". Le président "ne peut pas gouverner le pays tant qu'il ne retire pas cette réforme", a insisté la numéro un de la CGT Sophie Binet.
L'intersyndicale n'acceptera pas non plus l'invitation lancée par Emmanuel Macron et ne souhaite pas d'échange avec l'exécutif avant le 1er mai, pour lequel le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger appelle à de "grandes manifestations populaires".
L'institution de la rue de Montpensier a sans grande surprise censuré plusieurs "cavaliers sociaux" qui "n'avaient pas leur place" dans une loi de nature financière. Parmi ceux-ci: l'index sur l'emploi des seniors, qui devait être obligatoire dès cette année pour les entreprises de plus de 1.000 salariés.
Également censuré, le CDI seniors, un ajout des sénateurs de droite, qui devait faciliter l'embauche des demandeurs d'emploi de longue durée, de plus de 60 ans.
Présidé par l'ex-Premier ministre socialiste Laurent Fabius, le Conseil n'a pas suivi les parlementaires de gauche ou du RN, qui avaient invoqué un détournement de procédure parlementaire au profit de l'exécutif.
Le Conseil reconnaît toutefois le "caractère inhabituel" de l'accumulation de procédures visant à restreindre les débats au Parlement.
"Il renforce les pouvoirs déjà exorbitants (...) en faveur de l'exécutif au détriment du Parlement", a déploré sur BFMTV le député Liot (indépendants) Charles de Courson.
"Le Conseil constitutionnel a aggravé la crise, il nous met tous au pied du mur", a lancé le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon.
Le Conseil a également rejeté un projet de référendum d'initiative partagée (RIP) porté par la gauche, qui espérait entamer la collecte de 4,8 millions de signatures en vue d'une inédite consultation des Français pour contrecarrer la réforme. Ils ont déposé une deuxième demande reformulée, sur laquelle le Conseil statuera le 3 mai.
"Déclaration de guerre"
La décision était particulièrement attendue par Emmanuel Macron et son gouvernement, qui espèrent surmonter la contestation enracinée depuis janvier, et relancer un quinquennat sérieusement entravé.
"Le sort politique de la réforme des retraites n'est pas scellé", a de son côté estimé Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l'Assemblée, pour qui l'entrée en vigueur de cette réforme "marquera la rupture définitive entre le peuple français et Emmanuel Macron".
A droite, le patron de LR Eric Ciotti a au contraire appelé "toutes les forces politiques" à "accepter" les décisions du Conseil.
Les quatre présidents des groupes de la Nupes à l'Assemblée ont écrit au chef de l'Etat pour lui demander un "geste d'apaisement" en faisant revenir le texte devant le Parlement, comme le lui permet la Constitution.
Mais le chef de l'Etat devrait promulguer la loi dans les prochains jours, selon l'Elysée.
Des manifestations étaient en cours vendredi en fin de journée dans plusieurs villes de France, dont le rassemblement parisien de l'Hôtel de Ville à l'appel notamment de la CGT et de FO.
A Lille, quelques centaines de manifestants avec à leur tête des jeunes antifas, se sont rassemblés près de la préfecture. Des rassemblements ont eu lieu à Marseille, Lyon, Toulouse ou encore Grenoble.
A Rennes, la porte d'un poste de police du centre-ville a été incendiée avant d'être éteint, en marge d'un rassemblement réunissant plusieurs centaines de personnes.
La décision des Sages "est une déclaration de guerre", a réagi plus tôt Fabrice Le Restif, secrétaire de l'Union départementale FO d'Ille-et-Vilaine.
A Strasbourg quelques centaines de personnes, sont parties après la fin du rassemblement en "manif sauvage" dans les quartiers bordant l'hypercentre. Les forces policières ont fait usage de gaz lacrymogènes.
Emmanuel Macron réunira lundi les cadres de sa majorité, et devrait rapidement s'adresser aux Français. Il "a envie d'en découdre, il est remonté comme un coucou", observe un conseiller ministériel.
Elisabeth Borne, de son côté, prendra la parole samedi après-midi à Paris lors du Conseil national du parti présidentiel Renaissance. (Quid avec AFP)