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A Singapour, un homme exécuté pour un kilo de cannabis
Leelavathy Suppiah (G), sœur du trafiquant de drogue condamné, Tangaraju Suppiah, exécuté, réagit lors d'une conférence de presse à Singapour le 23 avril 2023. (Photo de Roslan RAHMAN / AFP)
Un condamné à mort pour trafic d'un kilo de cannabis a été exécuté par pendaison mercredi à Singapour, ont annoncé les autorités, ignorant des indignations et appels de l'étranger à surseoir à l'exécution.
"Le Singapourien Tangaraju Suppiah, âgé de 46 ans, a vu sa sentence exécutée aujourd'hui à la prison de Changi", a déclaré un porte-parole de l'administration pénitentiaire de Singapour, l'un des pays les plus répressifs du monde en matière de stupéfiants.
M. Suppiah a été exécuté malgré l'appel lancé la veille par le Bureau des droits humains des Nations Unies aux autorités singapouriennes de "reconsidérer urgemment" la pendaison prévue du condamné.
Tangaraju Suppiah avait été condamné à mort en 2018 pour sa participation à un trafic portant sur 1,01 kilogramme de cannabis, le double de la quantité passible de la peine capitale à Singapour.
Son exécution a suscité des réactions immédiates de plusieurs organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International qui l'a qualifiée d'"illégale".
"Les nombreuses failles dans cette affaire, du manque d'accès à un avocat dès son arrestation, à l'absence de divulgation d'éléments de preuves essentielles pour l'accusation, ainsi que le recours persistant à la peine capitale obligatoire, rendent cette exécution arbitraire au regard du droit international relatif aux droits humains", a déclaré mercredi dans un communiqué, Ming Yu Hah, directeur régional de l'ONG.
Le directeur adjoint pour l'Asie de Human Rights Watch, Phil Robertson, a lui déclaré que les preuves "étaient loin d'être claires, puisqu'il n'a jamais touché la marijuana dont il est question".
Avant l'exécution de M. Suppiah, le milliardaire britannique Richard Branson, membre de la Commission mondiale sur la lutte contre les drogues, avait également exhorté en vain la cité-Etat à renoncer à l'exécution.
A l'instar de défenseurs des droits humains et de membres de la famille de Tangaraju Suppiah, M. Branson avait souligné que le prisonnier n'avait jamais manipulé le cannabis pour lequel il a été condamné et dénonce lui aussi des failles dans le dossier.
Dimanche, la famille de Tangaraju Suppiah avait plaidé pour la clémence et demandé un nouveau procès.
Douzième exécution en treize mois
"Tuer ceux qui se trouvent aux échelons les plus bas de la chaîne d'approvisionnement en drogues illicites (...) n'est guère efficace pour freiner un commerce international qui représente des centaines de milliards chaque année", avait déclaré M. Branson sur son blog.
Mais le ministère singapourien de l'Intérieur avait réfuté le lendemain les assertions du milliardaire, l'accusant dans un communiqué d'avoir "manqué de respect aux juges de Singapour et à notre système de justice pénale", et estimant que la culpabilité de l'homme avait été prouvée.
Deux numéros de téléphones appartenant au condamné avaient été utilisés pour coordonner la livraison de drogue selon les procureurs, avait argué le ministère.
Dans de nombreux pays, y compris la Thaïlande voisine, l'usage du cannabis n'est plus un crime.
Mais Singapour, important centre financier en Asie, considère que la peine de mort reste un moyen de dissuasion efficace contre le trafic de stupéfiants.
Le Bureau des droits de l'homme de l'ONU, lui, a regretté que la peine de mort soit "encore utilisée dans un petit nombre de pays, principalement en raison du mythe selon lequel elle dissuade les criminels".
Il s'agit de la première exécution à Singapour en six mois, la douzième depuis la reprise des exécutions en mars 2022 après plus de deux ans d'interruption.
Parmi les onze exécutions de détenus l'an dernier, celle de Nagaenthran K. Dharmalingam, condamné malgré un handicap mental selon ses défenseurs, avait particulièrement ému l'opinion internationale. (AFP)