International
Affaire Amira Bouraoui: Paris traine Tunis dans la boue et fait un enfant dans le dos à Alger
Amira Bouraoui, à sa sortie de la prison de Kolea, près de Tipasa, en Algérie, le 2 juillet 2020
Par Quid
L'Algérie a rappelé mercredi "pour consultations" son ambassadeur en France pour protester contre "l'exfiltration illégale", un terme impropre, via la Tunisie de la militante franco-algérienne Amira Bouraoui, une affaire qui ravive les tensions bilatérales après une phase récente de réchauffement.
Arrêtée en Tunisie vendredi d'où elle risquait d'être expulsée vers l'Algérie, la militante politique et journaliste Amira Bouraoui, a finalement pu embarquer lundi soir sur un vol à destination de la France sous la bonne protection du consulat français à Tunis, coutant son poste au ministre des Affaires étrangères tunisien limogé par le président Kais Saied cherchant sans doute à calmer Alger.
Alger précisément, si prompt à dégainer, a commencé par adresser, au lieu de convoquer l’ambassadeur de France, une note officielle protestant ‘’fermement contre l'exfiltration clandestine et illégale d'une ressortissante algérienne" vers la France. Ce n’est que par la suite que le président Abdelmadjid Tebboune - contraint ? - "a ordonné le rappel en consultations de l'ambassadeur, Saïd Moussi, avec effet immédiat". Des hésitations qui dénotent des déchirements ou du moins un désaccord profond dans les couloirs du pouvoir algérien sur l’attitude à prendre. Et vraisemblablement ce sont les tenants de la ligne dure qui l’ont emporté.
La Franco-algérienne faisait l'objet d'une interdiction de sortie du territoire en Algérie, où elle est déjà passée par la case prison, et avait été interpellée par la police tunisienne alors qu'elle cherchait à prendre un avion pour la France, munie de son passeport français. Une juge l'avait remise en liberté lundi mais elle avait été emmenée par des policiers tunisiens, avant d'être placée sous la protection du consulat français à Tunis.
Elle a été "accueillie quelques heures à l'ambassade de France", selon certaines informations qui laissent entendre qu’elle avait obtenu "du président tunisien Kais Saied l'autorisation de rejoindre la France".
Dans sa note officielle aux autorités françaises, Alger a dit avoir exprimé "la ferme condamnation par l'Algérie de la violation de la souveraineté nationale par des personnels diplomatiques, consulaires et de sécurité relevant de l'Etat français", oubliant que ce qu’il appelle ‘’exfiltration’’ s’est passé en territoire tunisien, mais il est vrai que les généraux algériens ont a fâcheuse tendance à considérer la Tunisie, depuis l’arrivée de Kais Saied, comme la 59ème wilaya de l’Algérie.
L'Algérie a rejeté ce développement "inadmissible et inqualifiable" qui cause "un grand dommage" aux relations algéro-françaises, selon la note.
Mercredi matin, le journal gouvernemental El Moudjahid avait dénoncé, en termes doux contraires à son habitude, un acte "très inamical" envers l'Algérie et la Tunisie.
Cette nouvelle tensions entre la France et l’Algérie qui semblaient ces derniers temps filer le parfait amour induit de nombreuse questions : La plus importante consiste à savoir si cette opération s’est faite avec l’aval de l’Elysée ou dans le dos d’Emanuel Macron ?
Ce faisant, Paris a-t-il sous-estimé la réaction algérienne ou mal considéré le rapport de force au sein de l’armée algérienne ? L’Etat profond en France cherche-t-il à saborder les efforts de son président qui rêve de rester dans l’histoire comme celui qui a réussi à mettre de la normalité dans les relations passionnelles entre l’ancien colon et l’ancien colonisé ? L’entretien téléphonique entre le président russe Vladimir Poutine et son homologue algérien assorti de l’annonce de la visite de Abdelmadjid Tebboune à Moscou en mai, le même mois où il est prévu qu’il se rende en visite officielle en France, est-il pour quelque chose dans l’attitude française qui ne pouvait ignorer que pareille opération avait de fortes chances de braquer une bonne partie du pouvoir algérien ?
Quoi qu’il en soit dans l’affaire Amira Bouraoui, Paris bafoue Tunis et comme à son habitude avec les pays africains, fait un enfant dans le dos à Alger. Et déjà du coté de l’Algérie une première victime. Mercredi soir, la police algérienne a procédé à l'interpellation de Mustapha Bendjama, rédacteur en chef du journal Le Provincial à Annaba, non loin de la frontière avec la Tunisie. Il serait accusé d’être pour quelque chose dans la sortie d’Amira Bouraoui de l’Algérie vers la Tunisie.