Afrique du Sud : La classe politique à couteaux tirés sur l'affaire des Gupta - Par Hamid AQERROUT

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Les frères Gupta et (au centre) l’ancien président sud-africain Jacob Zuma, le noyau d’un système mafieux qui renvoie à l’infiltration de l'État pendant la présidence de Zuma

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Par Hamid AQERROUT (MAP – Bureau de Johannesburg)

Johannesburg - La classe politique en Afrique du Sud est à couteaux tirés sur l’échec du gouvernement à obtenir l’extradition des Emirats arabes unis des frères Atul et Rajesh Gupta, impliqués dans des scandales politico-financiers et un large réseau de corruption et de capture de l’Etat sous les mandats de l'ex-président Jacob Zuma (2009-2018).

Les frères Gupta sont recherchés par les autorités sud-africaines pour avoir prétendument pillé les coffres du pays et joué un rôle dans la capture de l'État, un système mafieux qui renvoie à l’infiltration de l'État pendant la présidence de Zuma, afin de rafler de juteux contrats en association avec l'un des fils de l'ancien président.

Un «échec cuisant» du gouvernement du Congrès National Africain

Dans son verdict, un tribunal émirati a conclu que le mandat d'arrêt contre les frères Gupta pour fraude et corruption avait été annulé et qu'en ce qui concerne les accusations de blanchiment d'argent, les Émirats arabes unis étaient compétents pour poursuivre le crime allégué. En effet, la demande a été rejetée car les Gupta pouvaient être poursuivis aux Émirats arabes unis pour l'accusation de blanchiment d'argent pour laquelle le pays arc-en-ciel avait demandé leur extradition.

Les Émirats arabes unis ont rejeté la demande d'extrader Atul et Rajesh dès février de cette année, mais les autorités sud-africaines ne l'ont littéralement découvert que le 6 avril courant.

Pour de nombreux analystes, ce rejet est un «échec cuisant» du gouvernement du Congrès National Africain (ANC), parti au pouvoir en Afrique du Sud depuis 1994, qui s’est dit «consterné» par le rejet de sa demande d'extradition. "Nous avons appris avec stupeur et consternation le rejet le 13 février 2023 par un tribunal de Dubai de notre demande d'extradition", a déclaré le ministre sud-africain de la Justice et des Services correctionnels, Ronald Lamola.

Actuellement sous le coup de sanctions financières internationales, les Gupta sont recherchés en lien avec des accusations de fraude et de blanchiment d'argent et pour avoir pillé des milliards de dollars de fonds publics.

L'Organisation internationale de coopération policière (Interpol) avait émis des notices rouges contre les Gupta, une famille richissime d’origine indienne, impliqués dans la "capture de l'État", un phénomène qui renvoie aux vastes détournements de fonds et de fraude qui avaient marqué les deux mandats de l’ex-président Jacob Zuma.

Incapacité à traduire les responsable de la «capture de l’Etat» en justice

De son côté, le Trésor américain a formellement sanctionné en 2019 les frères Atul, Ajay et Rajesh Gupta, ainsi que leur associé Salim Essa en tant que membres d'un "important réseau de corruption en Afrique du Sud".

Les développements choquants de cette affaire surviennent environ 10 mois après que les frères Gupta auraient été arrêtés sur les notices rouges d'Interpol à Dubaï.

L’échec de la demande infructueuse des autorités sud-africaines soulève des questions extrêmement inquiétantes sur la capacité de l'Afrique du Sud à traduire les principaux suspects de la «capture de l’Etat» devant la justice.

On ne sait pas si les frères ont été libérés le 13 février, le jour de l'audience. Ils peuvent se trouver en Suisse, au Vanuatu ou en République centrafricaine si l'on en croit des médias.

Le directeur général du département de la justice, Doc Mashabane, a d’ailleurs reconnu que son pays n'avait découvert que les Guptas avaient acquis la citoyenneté de Vanuatu, une petite île du Pacifique sud, qu'après avoir reçu la communication diplomatique de l'ambassade des Émirats arabes unis jeudi dernier.

Une absence de volonté

Suite à ce camouflet, plusieurs voix se sont élevées parmi les leaders politiques, particulièrement ceux de l’opposition, pour demander aux responsables de ce dossier de rendre compte de cet «affront». L'Alliance démocratique (DA), principal parti de l’opposition, estime à ce propos que le ministère de la Justice et l'Autorité nationale des poursuites doivent être tenus responsables de ne pas avoir extradé Atul et Rajesh Gupta des Émirats arabes unis.

En réaction, le ministre de la Justice, lui, a déclaré qu'il ne démissionnerait pas de son poste après l’échec à obtenir l'extradition des principaux accusés de la capture de l’Etat qui avaient réussi, en l'espace de quelques années, à gravir les échelons en Afrique du Sud au point d'exercer une influence massive sur les centres de décision au plus haut niveau de l'État.

Une chose est pourtant sûre, il s’agit là d’un échec massif de la part des autorités sud-africaines et d'un sérieux coup porté à la responsabilisation des auteurs de la capture de l'État. En effet, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la volonté réelle des autorités à obtenir l’extradition des frères Gupta dont les aveux peuvent faire tomber plusieurs têtes au sein du parti au pouvoir, l’ANC.