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Afrique du Sud : Le Président et son cabinet face à des motions de censures
Pour les observateurs, l’enthousiasme qui avait accompagné l’élection de M. Ramaphosa à la tête du pays en 2018 s’est peu à peu effrité après son échec à honorer les promesses de campagne, notamment celles de combattre la corruption
Johannesburg - Le Parlement sud-africain a vécu, mercredi, une journée historique lorsque des partis d'opposition ont tenté de faire destituer à la fois le Président Cyril Ramaphosa et son gouvernement.
Inédites, deux motions de censure séparées déposées par deux partis d'opposition ont été débattues par l'Assemblée nationale. Alors que celle qui concerne le Président a été reportée à une date ultérieure, la deuxième qui vise l’ensemble des ministres a été tout simplement rejetée.
Une première depuis l’abolition de l’apartheid
Le Mouvement pour la transformation africaine (ATM), qui a déposé la première motion, a reproché au chef de l’Etat sa gestion de la crise économique, ainsi qu’un don de 500.000 Rands (33.000 dollars) fait par l’ancien directeur général de l'entreprise controversée "Bosasa", Gavin Watson, pour financer sa campagne à la présidence du Congrès National Africain (ANC au pouvoir).
La formation politique, qui ne compte que deux sièges au Parlement, avait déposé pour la première fois une motion de censure contre M. Ramaphosa en février 2020 et avait demandé que le vote se fasse à bulletin secret.
C’est la première fois depuis l’avènement de la démocratie en Afrique du Sud que le Parlement organise deux débats séparés sur le président et son gouvernement. C’est aussi la première motion de censure contre Ramaphosa depuis qu'il a pris ses fonctions de président en 2018.
Cette demande a été refusée par la présidente de l'Assemblée nationale de l'époque, Thandi Modise, une décision confirmée par la Haute Cour du Cap occidental. L’ATM a par la suite saisi le tribunal en appel.
Le parti avait de nouveau soumis sa demande de motion de censure au Parlement à la suite d'un arrêt rendu par la Cour suprême d'appel (SCA) en décembre 2021. Cependant, la justice sud-africaine a décidé cette semaine de rejeter la requête urgente visant à ce que le vote de la motion de censure soit tenu au scrutin secret en raison de son caractère non urgent. L’affaire a été réintroduite en justice pour prendre son cours normal.
L’ATM a subi un autre coup dur après que le président de l'Assemblée nationale, Nosiviwe Mapisa-Nqakula, a rejeté la demande du parti de reporter la motion en attendant la décision du tribunal.
Réagissant à cette situation, le porte-parole de l'ATM, Sbusiso Mncwabe, a annoncé que son parti a décidé de ne pas voter sur la motion de censure, expliquant que le parti "n’allait pas participer à ce genre de débat, d’autant plus que l'affaire est toujours devant les tribunaux".
"Certes la justice a conclu que l'affaire n'était pas urgente, mais elle devrait être inscrite au cours normal du tribunal. L'affaire n’a pas été rejeté, elle est toujours examinée par le tribunal", a-t-il précisé.
L’enthousiasme suscité par Ramaphosa s’effrite
Quant à l’Alliance Démocratique (DA), principal parti d’opposition en Afrique du Sud, il voulait que le président limoge tous les ministres composant son gouvernement «pour avoir échoué dans leurs fonctions respectives».
Le chef du parti, John Steenhuisen, avait déclaré qu’il a analysé les performances des 28 ministres de ce qu'il a appelé le "gouvernement de la pauvreté" et que presque tous avaient sous-performé.
"Notre décision de déposer une motion de censure contre le gouvernement n'était pas fondée sur des sentiments ou des perceptions. Il existe une multitude de preuves objectives et quantifiables pour montrer que chaque ministre n'a pas fait son travail", a-t-il dit.
Il a également affirmé que le gouvernement était "incompétent et ne produisait pas de résultats", soulignant que le débat autour de la taille du gouvernement et de ses performances est absolument crucial en tant qu'outil du Parlement pour pouvoir établir les responsabilités.
Par ailleurs, le parti avait demandé à la présidente de l’Assemblée nationale d’exclure les ministres du débat et du processus de vote, arguant qu’un conflit d’intérêt pourrait entacher le scrutin.
Mapisa-Nqakula avait rejeté la demande de la DA sous prétexte que la Constitution exige que les ministres rendent des comptes, participent et votent sur les questions de l'Assemblée nationale qui peuvent avoir un impact direct sur leurs fonctions politiques.
En revanche, elle a accepté la demande du parti pour une procédure de vote par appel nominal au lieu du vote collectif par les chefs des groupes parlementaires. "Chaque député sera appelé nominalement afin qu’il réponde par Oui ou Non sur la motion de censure", a-t-elle expliqué.
Certes, les motions de censure n’ont pas été adoptées par le Parlement sud-africain, mais le fait même qu’elles soient introduites pour vote révèle le mécontentement croissant au sein de la classe politique vis-à-vis de l’action gouvernementale.
Pour les observateurs, l’enthousiasme qui avait accompagné l’élection de M. Ramaphosa à la tête du pays en 2018 s’est peu à peu effrité après son échec à honorer les promesses de campagne, notamment celles de combattre la corruption, de réduire le chômage et de relancer l’économie.