International
Afrique du Sud: Une catastrophe aux proportions énormes (reportage)
Plus de 450 mm de pluies sont tombées dans certaines zones de la province de Kwa-Zulu-Natal en 48 heures
Par Hamid AQERROUT (MAP)
Johannesburg - Changement climatique, conditions météorologiques drastiques, négligence du gouvernement et mauvaise gouvernance. Tous ces facteurs réunis ont fait que les côtes-est de l'Afrique du Sud ont connu cette semaine des inondations dévastatrices, les pires de l'histoire du pays, avec plus de 340 morts jusqu’à présent et des dégâts matériels énormes. Les dégâts enregistrés en Afrique du Sud suite aux inondations dévastatrices qui ont frappé cette semaine la province du KwaZulu-Natal (est) sont estimées à plus de 50 millions de dollars, ont annoncé vendredi les autorités sud-africaines.
Plus de 450 mm de pluies sont tombées dans certaines zones de la province de Kwa-Zulu-Natal en 48 heures, selon le service météorologique sud-africain, un niveau de précipitations comparé par des météorologues à celui "normalement associé aux cyclones". Les autorités locales ont déclaré faire face à un afflux de corps dans les morgues.
Une situation de vie ou de mort
Force est de constater qu’en l’espace de quelques jours seulement, le paysage de la région a été complétement ravagé, avec des ponts effondrés, des routes abimées et des milliers de maisons détruites notamment dans l'agglomération de Durban, qui compte plus de 3,5 millions d'habitants. Les crues ont affecté plus de 40.000 personnes et endommagé plus de 240 écoles, alors que les autorités locales continuent toujours leurs efforts pour établir le nombre de personnes encore portées disparues.
Le besoin de l'heure est énorme avec des dégâts massifs sur les routes, les autoroutes, les institutions publiques et privées, les infrastructures électriques et les voies ferrées.
Dans le village dIsipingo, dans les environs de Durban, la communauté s'est réunie pour aider les familles de la région de Crab City qui a été la plus touchée ainsi que celles du campement informel de Dakota qui a été complétement détruit.
Dans une déclaration à la MAP, Junaid Iqbal, président du Forum des entreprises et membre du Comité civique et de sécurité d'Isipingo, a indiqué que le village était coupé des autres zones en raison des inondations et que personne n'a pu entrer pour aider. "Aucune aide extérieure n'est encore arrivée bien que de nombreux appels aient été lancés. Nous sommes dans une situation de vie ou de mort", a-t-il déploré.
Il a révélé qu'ils ont été forcés d'utiliser des bateaux de mer, qui ne sont pas conçus pour ce type de situation, pour secourir des gens pris au piège par la montée des eaux et des crues considérées comme les pires enregistrées dans le pays depuis des décennies. En 2019, des pluies torrentielles avaient fait 70 morts et dévasté plusieurs villages dans la région qui s’étend le long de l'océan Indien. En 1995, 140 personnes avaient également été tuées dans des intempéries.
La preuve de la mauvaise gouvernance
Le président Cyril Ramaphosa, qui s'est rendu mercredi auprès des familles endeuillées, a affirmé qu’il s’agit d’une "catastrophe aux proportions énormes".
Reconnaissant l’ampleur des dégâts humains et matériels et après avoir évalué l'ampleur et la gravité de l'impact des phénomènes météorologiques violents survenus dans diverses zones de la province du KwaZulu-Natal, le gouvernement sud-africain a décidé de décréter l’état de catastrophe dans la région.
La déclaration de l'état de catastrophe ouvre ainsi la voie à une réponse ordonnée et coordonnée à cette crise. La déclaration exige des organes de l'État qu'ils renforcent leur soutien aux structures existantes pour mettre en œuvre des dispositions d'urgence et veiller à ce que des mesures soient mises en place pour permettre à la province de faire face efficacement aux effets des inondations.
D'aucuns estiment que la catastrophe du KwaZulu-Natal est la preuve de la mauvaise gouvernance du gouvernement dirigé par le Congrès National Africain (ANC), parti au pouvoir en Afrique du Sud. En effet, l’ampleur des inondations a révélé que les unités de gestion des catastrophes et les systèmes d'infrastructure du pays étaient régulièrement défaillants.
Le directeur de l’organisation environnementale GroundWork, Bobby Peek, a déclaré à ce propos à la MAP que bien que les inondations soient un problème de changement climatique, la véritable cause de la catastrophe était une mauvaise planification urbaine, ce qui a conduit à de mauvais systèmes de drainage d'eau et à l'effondrement de routes et de ponts. "Il ne s'agit pas du changement climatique qui a un impact sur le monde entier, mais plutôt de la mauvaise gestion de l’exécutif qui devait normalement s'assurer que les gens ont des maisons et des installations sanitaires décentes, afin que lorsque les inondations arrivent, les populations ne soient pas inondées», a-t-il dit.
Plus précisément dans la municipalité métropolitaine d’eThekwini, dans le sud du pays, le drainage des eaux de crue et les infrastructures n'ont pas été correctement entretenus depuis des années et ce n'est pas la première fois que des inondations font des ravages dans la région.
Le service météorologique sud-africain admet, lui aussi, que bien qu'il ne puisse pas attribuer des événements météorologiques se produisant sur de courtes échelles de temps à des événements à plus long terme tels que le réchauffement climatique et le changement climatique, de fortes pluies telles que les précipitations extrêmes du KwaZulu-Natal et des inondations généralisées étaient attendues et peuvent encore se reproduire à tout moment.
En attendant que les pluies torrentielles cessent
Le professeur François Engelbrecht, expert en climatologie et auteur principal du sixième rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, affirme que les inondations de 2019 qui ont fait 70 morts au KwaZulu-Natal auraient dû être un avertissement clair pour le gouvernement de la vulnérabilité des communautés aux fortes coulées de boue et aux inondations.
C’est pourquoi l'Afrique du Sud se doit de toute urgence de tenir compte des avertissements du Groupe d'experts qui avait déclaré, en février dernier, que les impacts et les risques liés au changement climatique «sont devenus de plus en plus complexes et plus difficiles à gérer».
Les experts soutiennent, à cet égard, qu’il existe des options d'adaptation réalisables et efficaces qui peuvent réduire les risques pour les personnes et la nature. Pour les zones urbaines, l’action devra porter sur une planification intégrée et inclusive et une gestion participative concernant les infrastructures urbaines, y compris les infrastructures sociales et écologiques, ce qui peut augmenter considérablement la capacité d'adaptation des établissements urbains et ruraux.
En attendant que les pluies torrentielles cessent et que le gouvernement prenne, enfin, conscience de sa lourde responsabilité de prévenir de telles catastrophes pour éviter des pertes humaines et aider à reconstruire les zones sinistrées et à apporter le soutien nécessaire aux personnes affectées, le Kwa-Zulu-Natal continue à compter les morts et les dégâts matériels considérables.