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Algérie : Les partis politiques dans la ligne de mire du pouvoir
Le pouvoir use des intimidations, des poursuites judiciaires et même de l’arme de l’incarcération des dirigeants de ces formations pour asphyxier toute contestation et toute forme d’expression pour un véritable changement dans le pays.
Alger - Atteintes aux libertés, pressions sur l'opposition, dissolution des partis, poursuites judiciaires et arrestations arbitraires des dirigeants d’organisations, une chape de plomb s’abat sur l’Algérie à la faveur de la dérive autoritaire d’un régime à bout de souffle qui a choisi la fuite en avant.
Aujourd’hui, ce qui inquiète le plus les observateurs et les activistes dans le pays, c’est le resserrement de l’étau sur les partis d’opposition qui refusent de se conformer à la loi du silence ou de s’inscrire dans la ligne tracée par le pouvoir.
Résultat : Plusieurs partis, notamment ceux proches du "Hirak", que le pouvoir cherche par tous les moyens d’étouffer, sont dans le viseur des autorités.*
Asphyxie des partis
Pour s’en convaincre, il suffit de constater la multiplication des procédures administratives et judiciaires engagées contre des partis, dont le principal tort est de faire de la politique et qui déclarent ouvertement leur opposition à un régime qui refuse obstinément de répondre aux attentes des Algériens pour la démocratie, la liberté et le changement.
Le pouvoir use des intimidations, des poursuites judiciaires et même de l’arme de l’incarcération des dirigeants de ces formations pour asphyxier toute contestation et toute forme d’expression pour un véritable changement dans le pays.
Après la dissolution en 2021 par le Conseil d'Etat, la plus haute autorité judiciaire, des deux partis de l'opposition, l'Union pour la Démocratie et le Front Algérien démocratique pour non-respect des lois régissant les partis politiques, d’autres formations politiques risquent de connaître le même sort.
C’est le cas notamment du Parti Socialiste des Travailleurs (PST), qui réclame un changement radical du système de gouvernance, du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) ou encore l’Union pour le Changement et le Progrès (UCP).
Trois partis, proches du mouvement Hirak, qui sont dans le viseur des autorités et font l’objet d’un harcèlement en règle par le ministère algérien de l’Intérieur qui cherche à les suspendre en les accusant de ne pas respecter leurs obligations légales, autrement dit l’article 69 sur la loi sur les partis.
Manifestement, ce que vit le PST de Mahmoud Rachidi relève de l’inimaginable, puisque le parti est temporairement suspendu, depuis janvier, sur décision du Conseil d’Etat qui a ordonné la fermeture de ses locaux.
Quant à l’UCP, bien que le ministère de l’Intérieur soit débouté par le Conseil d’Etat dans sa plainte contre la formation de l’avocate Zoubida Assoul, le parti continue à faire l’objet de pressions et intimidation en raison de son engagement politique.
Le Parti des travailleurs (PT) a vécu pire, lorsque sa secrétaire générale, Louisa Hanoune, fut emprisonnée de mai 2020 à janvier 2021, pour des accusations dont elle sera par la suite blanchie.
Fin avril, le Mouvement Démocratique et Social (MDS) a reçu une mise en demeure, le sommant de cesser d’ouvrir son siège aux différentes composantes de la société.
De l’avis de certains observateurs, jamais les partis d’opposition n’ont été aussi poussés à leurs derniers retranchements en réduisant leur action dans les limites de leurs locaux qui servent de sièges.
Toute activité organisée en dehors des réunions ordinaires et statutaires est considérée comme "antiréglementaire" par le ministère de l’Intérieur et par conséquent sujette à des poursuites judiciaires et faisant courir le risque à ces partis récalcitrants et téméraires de suspension sinon de dissolution.
Un système judiciaire docile
Le pouvoir a trouvé l’arme de dissuasion fatale pour condamner les partis de l’opposition au silence : le recours à un système judiciaire docile et aux ordres et qui invoquent à tous les coups abusivement l’argument fallacieux de la violation de la loi sur les partis.
Cela a poussé certains activistes à soutenir non sans sarcasmes que le pouvoir recommande aux partis de cesser de faire de la politique. Cette dernière est désormais le domaine réservé de l’administration et de tous ceux qui portent un uniforme.
En mai 2021, le ministère algérien de l’Intérieur avait introduit une requête auprès du Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative du pays, dans le but d’enclencher le processus de dissolution à l’encontre de l’Union pour le changement et le progrès (UCP).
Pour "se conformer à la loi", ce parti a tenu un congrès de "mise en conformité" comme l’exige la loi, qui enjoint les partis à renouveler leurs instances tous les quatre ans, et a, à nouveau, déposé son dossier au ministère de l’Intérieur, "qui n’a pas répondu". Depuis, la requête est suspendue, mais le parti craint d’être dissous.
Comme l’UCP, le Parti Socialiste des Travailleurs (PST/gauche) a été sommé par le ministère de l’Intérieur de se "conformer à la loi" en organisant notamment un congrès. Ce que les dirigeants ont fait. Un dossier a été déposé, mais les autorités n’ont jamais répondu, laissant le parti dans le flou, selon les membres de sa direction.
En tout état de cause, ce parti a dénoncé "un grave précédent contre le multipartisme et une atteinte supplémentaire intolérable aux libertés démocratiques dans le pays".
Ces décisions abusives ont suscité une vague d’indignation. Pour la secrétaire générale du Parti des Travailleurs (PT), Louisa Hanoune, ces décisions des autorités sont une "démarche au pas de charge vers la caporalisation totale de la vie politique et des médias par le pouvoir pour empêcher toute expression indépendante, afin d’imposer le maintien du statu quo contre la volonté de la majorité du peuple".
Cette succession de coups de semonce devient une source d’inquiétude permanente dans la classe politique.
Le recours récurrent au contrôle judiciaire signifie de mettre tous les partis politiques de l’opposition en liberté provisoire. Autrement dit, les partis qui osent franchir la ligne tracée par le pouvoir sont astreints à payer le prix de leurs positions politiques et ce, au moment même où ces formations agréées ont justement pour mission de faire de la politique et d’influer sur l’opinion publique.
En dépit de ce fait accompli, les partis de l’opposition ne s’avouent pas vaincus. "On est en pleine judiciarisation de l’action politique, mais nous continuerons à défendre les acquis démocratiques arrachés au prix fort. Ce n’est pas cette escalade dans la répression qui va nous empêcher d’exercer nos droits", ajoute le secrétaire national à la communication du RCD.
Ces graves évolutions sont de plus en plus dénoncées par les organisations internationales qui demandent aux autorités algériennes d’arrêter d’attaquer les libertés fondamentales tout en considérant les mesures administratives comme un grave précédent contre le multipartisme et d’une atteinte supplémentaire intolérable aux libertés démocratiques dans le pays.
Il faut reconnaître que le phénomène n’est pas nouveau, mais il ne cesse de prendre de l’ampleur. Le pouvoir, qui se sent de plus en plus menacé, tourne le dos à tout changement et devient inaudible à toute critique, n’hésitant plus à utiliser tous les moyens pour faire taire toute voix discordante. Il est obnubilé par l'idée de mettre fin à toute alternative démocratique en s’accrochant, quoi qu’il en coûte à sa survie.