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Biden, en mal de réussites chez lui, veut apparaître comme le stratège en chef de l'Occident
Le président américain Joe Biden à la deuxième session plénière du sommet de l'OTAN au centre de congrès Ifema à Madrid, le 29 juin 2022. (Photo : Gabriel BOUYS / AFP)
Par Aurélia END (AFP)
Plombé dans son pays, prophète à l'étranger ? En tournée en Europe, loin de ses déconvenues politiques en cascade aux Etats-Unis, Joe Biden cherche à se présenter comme le grand stratège de l'unité occidentale.
Mardi, alors que le président américain dînait en grande pompe avec le roi d'Espagne et les dirigeants participant à un sommet de l'Otan à Madrid, la Maison Blanche a convoqué en toute hâte un briefing de la presse.
Objectif: vanter le rôle du démocrate de 79 ans dans l'accord tout juste signé entre la Turquie d'un côté, la Suède et la Finlande de l'autre, sur un élargissement de l'Otan à ces deux pays nordiques, historiquement non-alignés.
Un haut responsable américain a abondamment commenté les efforts en coulisses de Joe Biden pour obtenir une levée du veto d'Ankara, entre coup de téléphone de dernière minute avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, et feu vert du président américain avant l'annonce formelle de l'accord.
La même source a rappelé combien M. Biden avait encouragé la Suède et la Finlande, en organisant une conférence téléphonique dans le Bureau ovale puis une réception dans la roseraie de la Maison Blanche pour les dirigeants des deux pays.
Certains experts estiment aussi que la perspective d'une rencontre bilatérale avec Joe Biden, prévue mercredi en fin d'après-midi, a fait beaucoup pour convaincre Recep Tayyip Erdogan de lever son veto à l'adhésion de la Finlande et de la Suède.
"Profil bas"
"Nous avons travaillé consciencieusement (...) tout en essayant, en public, de faire profil bas", a dit le responsable.
Avant de partir pour le sommet du G7 en Allemagne puis celui de l'Otan à Madrid, on avait vu le président américain, vendredi dernier, sonné par une décision de la Cour suprême supprimant le droit constitutionnel à l'avortement, et à laquelle il n'avait pas vraiment de réponse à opposer.
C'est un Biden nettement plus souriant qui se mêle depuis samedi à ses pairs, posant en bras de chemise dans les Alpes bavaroises et annonçant à Madrid des renforcements militaires américains en Europe.
On sait le président américain friand de ces rendez-vous diplomatiques, lui qui a orchestré l'unité des Occidentaux face à la Russie depuis l'invasion de l'Ukraine - un danger que les Américains avaient été les premiers à distinguer.
Joe Biden frustre pourtant les journalistes qui le suivent et qui espéraient plus de déclarations fracassantes depuis son arrivée en Allemagne.
"Avec tout ce qui se passe aux Etats-Unis en ce moment (...), la Maison Blanche n'a pas vraiment intérêt à créer de distraction supplémentaire", explique Brett Bruen, un ancien conseiller de Barack Obama.
Avec le débat sur l'avortement, les tueries par armes à feu, l'inflation galopante, le président américain a en effet déjà fort à faire.
"Biden n'a pas grand-chose de neuf à annoncer dans ces sommets. Cela semble lui suffire d'avoir quelques photos montrant son autorité sur la scène internationale avant de rentrer et de se concentrer sur la campagne" pour les élections législatives de l'automne, poursuit-il.
Les sondeurs prédisent une défaite cuisante au camp démocrate.
"Très bonne semaine"
"Profil bas" ou pas, "c'est une très bonne semaine pour Biden et pour l'Amérique", s'enthousiasme James Jeffrey, expert au Wilson Center et ancien ambassadeur américain en Turquie, énumérant la reconnaissance par l'Otan des défis causés par la Chine, et l'augmentation "extraordinaire" des budgets de défense des pays membres.
"Rien de tout cela ne serait arrivé sans une pression massive des Etats-Unis et de Biden personnellement", estime-t-il.
James Carafano, du centre de réflexion conservateur Heritage Foundation, tire sans surprise un bilan plus critique à propos de Joe Biden, qui ne lui paraît "pas très dynamique" depuis le début de sa tournée européenne.
"Même à l'étranger, on regarde ce qui se passe aux Etats-Unis et on a une plus mauvaise opinion de Biden. C'est difficile d'imaginer que ce voyage va changer les perceptions", assène-t-il.
Pour Marc Pierini, expert auprès du think-tank Carnegie Europe, les Européens s'inquiètent d'un affaiblissement politique du président démocrate.
La perspective de voir "Donald Trump ou l'un de ses clones" républicains l'emporter à la présidentielle de 2024 "est une préoccupation majeure", estime-t-il.