De Bamako à Conakry en passant par Ouagadougou: la tentation putschiste gagne du terrain

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Des manifestants à Ouagadougou montrant leur soutien aux militaires tout en tenant une banderole anti-France, le 25 octobre 2022. Au lendemain du coup d'État au Burkina Faso qui a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, une manifestation de soutien aux putschistes était prévue mardi à Ouagadougou où le calme est revenu après des jours de tension. Plusieurs dizaines de personnes ont convergé tôt mardi vers la place de la Nation, dans le centre de la capitale, où une manifestation de sou

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Des centaines de manifestants sont descendus mardi dans les rues de Ouagadougou pour afficher leur soutien aux putschistes au lendemain du coup d'Etat au Burkina Faso qui a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, dont l'ONU a demandé la "libération immédiate". Cela ne devrait pas pour autant cacher que ce sont tous les pays de la CEDAO qui ne sont plus à l’abri d’un putsch. L’échec de la coalition occidentale menée par la France à juguler la menace jihadiste qui s’étend dans toute la région, n’est certainement pas étranger à cette série de coups d’Etat. Sans que l’on sache pour l’instant ce qui se cache exactement derrière. Les déclarations des manifestants soutenant ou condamnant les putsch selon que l’on est à Conakry ou à Bamako ne doivent pas faire illusion.

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Un homme brandissant un journal avec la photo de Paul-Henri Sandaogo Damiba, chef de la mutinerie et du Mouvement patriotique pour la protection et la restauration (MPSR), à Ouagadougou, le 25 janvier 2022. (Photo : OLYMPIA DE MAISMONT / AFP)

"Nous avions demandé à plusieurs occasions le départ du président Kaboré qui n’a pas entendu cet appel. L’armée nous a entendu et compris", se réjouissait Lassane Ouedraogo, un manifestant de 43 ans et militant de la société civile.

"Pour nous ce n’est pas un coup d’Etat. C’est une libération de notre pays qui étaient dirigés par des incompétents", renchérit Julienne Traoré, une enseignante de 30 ans.

Certains manifestants brandissaient des drapeaux malien et russe, appelant à une coopération avec Moscou comme le régime militaire de Bamako le fait depuis plusieurs mois.

En dehors de cette manifestation, la vie semblait avoir repris son cours normal à Ouagadougou: le grand marché, les commerces ou les stations-services étaient ouverts, sans présence militaire notable, a constaté un journaliste de l'AFP.

Lundi après-midi, une quinzaine de militaires étaient apparus à la télévision nationale pour annoncer "mettre fin au pouvoir" de M. Kaboré, président depuis 2015.

Célébrations 

Le pouvoir est désormais aux mains du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) et son homme fort, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, commandant de la 3e région militaire qui couvre notamment la zone est, une des plus touchées par les attaques jihadistes.

Le MPSR qui a instauré un couvre-feu de 21h00 à 05h00 (locales et GMT), fermé les frontières, dissous l'Assemblée et suspendu la Constitution, a promis "un délai raisonnable" pour un "calendrier de retour à un ordre constitutionnel accepté de tous".

Mardi, on s'interrogeait toujours sur le sort du désormais ex-président Kaboré, dont l'ONU et la France, ont réclamé mardi la "libération immédiate".

"Il m'a été confirmé hier soir qu'il était en bonne santé et qu'il n'était pas menacé", a déclaré le président français Emmanuel Macron.

M. Kaboré est-il détenu par les militaires ou en lieu sûr avec certains soutiens?

Lundi soir, la télévision nationale (RTB) a publié sur les réseaux sociaux une lettre de démission manuscrite attribuée à Kaboré, impossible à authentifier. Il y est écrit que la démission est déposée "dans l'intérêt supérieur de la nation".

Incertitude 

La même incertitude planait sur le sort du Premier ministre Lassina Zerbo ainsi que plusieurs responsables du précédent gouvernement.

Ni l'ex-parti au pouvoir, ni l'opposition n'ont réagi depuis la prise de pouvoir des militaires.

Le MPSR assure de son côté, sans le nommer, que "les opérations se sont déroulées sans effusion de sang et sans aucune violence physique sur les personnes arrêtées qui sont détenues dans un lieu sûr dans le respect de leur dignité", sans donner de noms.

Au pouvoir depuis 2015, le président Kaboré, réélu en 2020 sur la promesse de faire de la lutte antijihadiste sa priorité, était de plus en plus contesté par une population excédée par les violences jihadistes et son impuissance à y faire face.

Ramener la paix au Burkina Faso ne sera pas une mince affaire pour le MPSR, tant le pays s'est enfoncé ces dernières années dans une infernale spirale de violences jihadistes.

La majorité de son territoire, en particulier l'est et le nord, sont le théâtre d'attaques quasi quotidiennes des groupes affiliés à Al-Qaida et l'Etat islamique.

L'armée, souvent dépassée et visée, n'arrive pas à endiguer ces violences meurtrières qui ont fait plus de 2.000 morts et contraint au moins 1,5 million de personnes à fuir leurs foyers.

Reste également à savoir quelle marge de manœuvre aura cette junte militaire sur la scène internationale.

Outre les condamnations de la France et de l'ONU, visiblement de forme, l'organisation régionale G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad), dont la présidence est actuellement assurée par N'Djamena s'est dite "très préoccupée par le déroulement des évènements politiques et militaires".

"Le G5 Sahel, attaché aux idéaux de paix, de sécurité et de démocratie, condamne énergiquement cette tentative d’interruption de l’ordre constitutionnel", poursuit le communiqué.

Le Mali et la Guinée qui ont connu des coups d'Etat l'an dernier, sont suspendus des institutions ouest-africaines et le régime de Bamako est soumis à de lourdes sanctions des Etats voisins ouest-africains. Mais à ce train-là se sont l’ensemble des pays, non pas seulement du G5, mais de la CEDEAO, qui sont sous le coup d’un coup d’Etat.