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Etats-Unis : Vers un Congrès à couteaux tirés - Par Omar ACHY
Au Congrès, la tâche s’annonce néanmoins difficile pour le reste du mandat du locataire de la Maison Blanche. Mais un grand nombre d’Américains ne voient pas d’un bon œil la perspective d’un autre duel Trump-Biden.
Par Omar ACHY (MAP - Pole Amérique du nord)
Washington - La “vague rouge" républicaine anticipée lors des élections de mi-mandat aux Etats-Unis n’a pas eu lieu. Encore une fois, les instituts de sondage, les commentateurs et les médias n’ont pas tout à fait vu juste. Le scrutin de novembre dernier a toutefois été le reflet d’une Amérique toujours divisée qui s’apprête à une cohabitation difficile synonyme d’un Congrès inévitablement à couteaux tirés.
Ni l’impopularité du président, Joe Biden, ni le contexte économique difficile, et encore moins l’histoire qui ne favorise pas le parti du locataire de la Maison Blanche, n’ont donné lieu, comme anticipé, à un vote sanction contre les démocrates aux commandes.
A l’issue de ces Midterms qui déterminent l'équilibre des forces politiques à Washington, les républicains ont remporté la majorité à la Chambre des représentants, mais à une marge nettement plus courte que ce qu'ils convoitaient.
Au Sénat, les démocrates ont réussi à maintenir une majorité, certes courte, mais cruciale. Dans une telle configuration, saluée comme un succès pour les démocrates et le président Biden, la tâche s’annonce néanmoins difficile pour le reste du mandat du locataire de la Maison Blanche.
Durant ses deux premières années, Biden, 80 ans, a déjà tenté sans cesse de parvenir à un consensus pour passer ses grands projets, une tâche ardue y compris dans son propre camp.
Les résultats de mi-mandat du 8 novembre annoncent une cohabitation au pouvoir. Le prochain Congrès qui s’ouvre en janvier 2023, sera à couteaux tirés, une situation qui doit durer jusqu’après l'élection présidentielle de 2024.
La prise de contrôle de la Chambre par le GOP donne aux républicains le pouvoir de bloquer les efforts des démocrates pour passer toute nouvelle réglementation ou taxe.
Durant ce scrutin décisif, à mi-chemin du mandat du président, l’ensemble des 435 sièges de la Chambre des représentants est renouvelé, ainsi qu’un tiers des 100 sièges du Sénat. Depuis deux élections, les démocrates détiennent la majorité à la Chambre et sont au coude-à-coude avec les démocrates qui bénéficient du vote décisif de la vice-présidente.
Le même jour, de nombreux États, comtés et villes ont organisé les élections de leurs propres représentants. Presque les deux tiers des gouverneurs sont ainsi élus ainsi qu’un grand nombre de hauts fonctionnaires au niveau des Etats.
Les principales préoccupations des électeurs portaient sur l'économie, l’inflation qui a atteint un record depuis 1982, le droit à l'avortement, l'état de la démocratie, la criminalité et l’immigration.
D’après les experts, ces élections ont l’effet « thermomètre» pour juger de la température à Washington. Le taux de participation a été très élevé bien que traditionnellement les électeurs ne se bousculent pas trop pour se rendre aux urnes lors des élections de mi-mandat.
Un autre signe révélateur : quelque 16,7 milliards de dollars ont été investis dans la campagne électorale, un record.
Avec le président Biden à la Maison Blanche et les démocrates détenant la plus faible majorité au Sénat, le consensus sera difficile à trouver sur presque tout lors des deux prochaines années, soulignent nombre d’analystes.
Les républicains ont constamment affirmé leur détermination à se servir de tous les leviers dont ils disposent– y compris le plafond de la dette - pour imposer des réductions de dépenses.
Ils menacent aussi de déclencher une série d’enquêtes à commencer par les affaires de Hunter Biden, le fils du président, voire d'amorcer une procédure de destitution du locataire de la Maison Blanche.
A l’opposé, d’autres observateurs ne désespèrent pas sur la capacité des deux partis à transcender les divergences sur des dossiers pressants. Alors qu'il y avait des périodes relativement longues d'une décennie ou plus pendant lesquelles un parti contrôlait tout Washington, nombre de présidents américains ont vu le contrôle de la Chambre basculer à l’opposition durant leur mandat. Barack Obama, Donald Trump et George W. Bush ont chacun vu leur parti perdre la Chambre des représentants.
L’actuel président se retrouve dans cette même situation aujourd’hui. Pour éviter le blocage, il aura besoin de toute sa longue expérience politique et de ses talents d’habile négociateur avec l’opposition pendant ses 36 ans comme sénateur et 8 ans comme vice-président.
Kevin McCarthy, l'élu républicain qui devrait être le prochain président de la Chambre, a placé la barre très haut. Il a menacé d'initier une série d'enquêtes contre le président, allant du retrait chaotique de l’Afghanistan à la crise migratoire, en passant par les allégations d’abus de pouvoir dans les activités commerciales du fils du président, Hunter Biden.
Au plan économique, la mission sera également ardue pour Biden et les démocrates. L'élection met fin à quatre ans de contrôle démocrate à la Chambre, qui a vu l'adoption des plus importants projets de loi sur les infrastructures et le changement climatique de l’histoire des Etats-Unis, un programme massif de relance post-pandémie, et une refonte de l’assurance médicale.
Depuis le début de son mandat, Biden a œuvré pour que le gouvernement fédéral montre la voie pour sauver une économie fragilisée par la pandémie en multipliant les plans d’investissement dans les infrastructures, l'énergie propre ou encore des milliards de dollars d'aide directe aux Américains.
Pour le GOP, ces dépenses excessives ont, entre autres, entraîné l'inflation la plus élevée depuis quatre décennies. Même avec une faible majorité à la Chambre des représentants, les républicains ont désormais un droit de veto sur l'agenda du président Biden pour les deux prochaines années.
Ils ont promis de réduire les dépenses publiques, d'augmenter la production de combustibles fossiles et d'étendre les réductions d'impôts de l'ère Trump qui bénéficient notamment aux riches.
Une grande partie de ce programme, cependant, risque d’être stoppée nette au Sénat contrôlé par les démocrates.
Si les élections de mi-mandat ont façonné la carte politique à Washington et le pouvoir dans différents Etats, elles ont aussi servi de test majeur pour la prochaine présidentielle.
Bien que leurs noms ne figurent pas sur les bulletins de vote, Joe Biden et son prédécesseur, Donald Trump, ont été les protagonistes de la campagne électorale.
La campagne présidentielle de 2024 a déjà démarré avec l’annonce par M. Trump, 76 ans, de sa troisième candidature à la présidence. Il est le premier candidat à annoncer officiellement sa candidature.
Plusieurs membres influents du GOP estiment que le parti a besoin d'un autre candidat. Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, qui a facilement été réélu, est considéré comme un concurrent sérieux pour la nomination présidentielle.
Cette situation risque d’attiser les divisions au sein de l’étroite majorité du GOP à la chambre des représentants entre les loyalistes de M. Trump et ceux qui sont prêts à tourner la page.
Au sein du clan démocrate, Joe Biden a fait part de son intention de se présenter en 2024, mais n'a pas encore fait d'annonce officielle. Il a déclaré qu’il n'était pas pressé, ajoutant qu'il s'attendait à prendre une décision au début de l'année prochaine. La performance des démocrates à ces élections de mi-mandat pourrait repousser tous les principaux concurrents potentiels
Reste qu’un grand nombre d’Américains ne voient pas d’un bon œil la perspective d’un autre duel Trump-Biden.