Iran: le chanteur Shervin Hajipour réduit au silence, sa chanson reste un hymne

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Une femme lève sa main avec de la peinture rouge lors d'une manifestation de soutien aux femmes iraniennes, le 4 octobre 2022 à Barcelone, suite à la mort de l'Iranienne kurde Mahsa Amini en Iran. Amini, 22 ans, est morte en détention le 16 septembre 2022, trois jours après son arrestation par la célèbre police des mœurs à Téhéran. (Photo : Pau BARRENA / AFP)

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Même si le chanteur pop iranien Shervin Hajipour a été réduit au silence, sa chanson passionnée en soutien aux protestations après la mort de Mahsa Amini demeure un hymne officieux pour le mouvement.

La chanson "Baraye" a atteint près de 40 millions de vues sur Instagram avant d'être supprimée quand Shervin Hajipour a été arrêté récemment dans le nord de l'Iran. Mais il a depuis été libéré sous caution et a pris ses distances avec la vie politique, vraisemblablement une condition pour sa libération.

"Baraye", qui signifie "Pour" ou "A cause de" en persan, compile des tweets sur les protestations et dépeint les mobilisations quotidiennes des citoyens, qui leur ont valu des poursuites de la part des autorités iraniennes.

Elle souligne aussi les préoccupations de la population face aux pénuries causées par les sanctions économiques infligées à l'Iran et à leur gestion par les autorités du pays.

"Pour la danse dans la rue, A cause de la peur ressentie en s'embrassant, Pour ma sœur, ta sœur, vos sœurs", dit la chanson.

"A cause de la gêne de la poche vide, Parce que nous aspirons à une vie normale… A cause de cet air pollué."

"Baraye" résonne la nuit dans des immeubles à travers l'Iran, en soutien aux protestations déclenchées par la mort en détention de Mahsa Amini le 16 septembre, après son arrestation à Téhéran par la police des mœurs qui lui reprochait d'avoir enfreint le code vestimentaire strict obligeant notamment les femmes à porter le voile.

Ce week-end, la chanson a aussi été reprise en choeur par les Iraniens de la diaspora lors de rassemblements dans plus de 150 villes à travers le monde.

Dans une vidéo partagée par le Center for Human Rights in Iran, basé à New York, on peut apercevoir un groupe d'écolières sans foulard chanter "Baraye" en classe, dos à la caméra.

La chanson a été retirée du compte Instagram de Shervin Hajipour peu de temps après son arrestation mais est toujours largement disponible sur les réseaux sociaux, y compris Twitter et YouTube.

"Baraye" a inspiré de nombreuses reprises, notamment celle de l'éditorialiste du Jerusalem Post Emily Schrader, qui a déclaré avoir appris la chanson en persan et s'est filmée sur Instagram en train de l'interpréter, rassemblant plus de 650.000 vues.

- "Stories Instagram forcées" -

L'avocat du chanteur, Majid Kaveh, a indiqué qu'il avait été libéré mardi midi.

Sa famille avait été informée samedi de son arrestation à Sari, dans le nord du pays, a précisé le journal réformiste Shargh dans des articles citant sa soeur, Kamand Hajipour.

Dans un post sur Instagram, cette dernière a déclaré que ses parents avaient été informés de son arrestation par téléphone par les services du ministère du Renseignement de la ville.

Peu de temps après sa libération, Shervin Hajipour était de retour sur Instagram, mais cette fois pour présenter des excuses et prendre ses distances avec la vie politique.

"Je suis ici pour rester, je vais bien", a-t-il annoncé à ses 1,9 million d'abonnés.

"Mais je suis désolé que certains mouvements particuliers basés en dehors d'Iran, avec lesquels je n'ai aucun lien, aient fait un usage politique détourné de la chanson."

"Je n'échangerais mon pays contre aucun autre et je resterai pour ma patrie, mon drapeau, mon peuple, et je chanterai", a-t-il ajouté.

En réponse à cette publication, de nombreux internautes sur Twitter ont proposé d'ajouter "A cause de stories Instagram forcées" aux paroles de la chanson.

Des organisations de défense des droits humains, notamment Article 19, ont à plusieurs reprises appelé l'Iran à cesser de recourir aux aveux forcés, obtenus selon elles sous la contrainte, voire la torture.

Récemment, une jeune Iranienne, Sepideh Rashno, a disparu à Téhéran après avoir été impliquée dans une dispute avec une autre femme qui l'accusait d'avoir retiré son voile à bord d'un bus.

Elle a été détenue par le puissant Corps des Gardiens de la révolution islamique et a fait une apparition à la télévision, que les activistes ont qualifiée de confession forcée. Elle a ensuite été libérée sous caution fin août.

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