L'ANC, un parti-État corrompu au bord du précipice - Par Hamid AQERROUT

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L’ANC, un emblème qui a perdu de son lustre, se fanant sous les effets de la corruption de ses dirigeants

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Par Hamid AQERROUT (Bureau de la MAP à Johannesburg)

Johannesburg - Le Congrès National Africain (ANC), parti au pouvoir en Afrique du Sud, vit ses pires moments depuis la fin de l’ère de l’apartheid.

Corruption, scissions, luttes intestines pour le pouvoir et enrichissement personnel sont, à bien des attendus, un cocktail explosif qui risque d’affaiblir encore plus un parti-Etat qui ne sait plus à quel saint se vouer, surtout à l’approche de sa Conférence élective nationale, prévue en décembre prochain.

Le réquisitoire de Thabo Mbeki

Devant les multiples débâcles de ses dirigeants, dont le président du parti et chef de l’Etat Cyril Ramaphosa est actuellement accusé d’allégations criminelles portant sur la dissimulation du vol de millions de dollars en devises dans sa ferme Phala Phala à Limpopo, l’ANC ne va voir compter pour son salut que sur l’émergence d’une nouvelle génération de dirigeants.

C’est ce que pense l'ancien président sud-africain Thabo Mbeki qui estime que «les Sud-africains doivent avoir le courage d'admettre que l’ANC est dirigé par des criminels".

Dans une allocution d'une franchise brutale prononcée, le week-end dernier, lors de l'Assemblée générale annuelle du Groupe de Dialogue Stratégique (SDG), Mbeki a déclaré que l'ANC devait réfléchir au type de dirigeants qu'il souhaitait élire lors de son Congrès national prévu en décembre prochain à Nasrec.

Tout comme de nombreux autres politiciens, il a jugé nécessaire pour le parti au pouvoir de réfléchir aux sérieuses accusations qui pèsent actuellement sur le Président de la République, d’autant plus qu’une Commission d’enquête désignée par le Parlement a déjà entamé ses travaux. «L'ANC doit décider de ce qui doit se passer si un processus parlementaire conclut que le Président Ramaphosa a un dossier à répondre concernant la saga Phala Phala», affirme d’emblée l’ancien Président.

Plusieurs voix se sont élevées ces derniers temps appelant les principaux dirigeants du Congrès National Africain à se réunir d’urgence pour discuter de la question de savoir si Ramaphosa devrait ou non se retirer si le panel indépendant enquêtant sur la saga Phala Phala conclut qu'il a un cas prima facie à répondre. L'ANC ne pouvait pas éviter l'inévitable débat sur le sort de Ramaphosa et sa direction se doit de se réunir pour examiner l’avenir du parti à la lumière des nombreuses affaires de corruption impliquant plusieurs de ses hauts responsables, notent-elles.

De l’avis des analystes sud-africains, le résultat du panel indépendant aurait un effet sur la perception qu'a le public du parti au pouvoir qui doit réfléchir profondément au type de dirigeants qui émergeront de la conférence de décembre prochain.

La saga Phala Phala

Pour rappel, la présidente de l'Assemblée nationale, Nosiviwe Mapisa-Nqakula, a nommé une Commission d'enquête conformément à l'article 89 de la Constitution, à la suite d'une motion déposée par le chef du parti «ATM», Vuyolwethu Zungula, pour la destitution de Ramaphosa au motif "d'une violation grave de la Constitution, de la loi et d'une «faute grave".

La Commission devra déterminer si Ramaphosa a violé la Constitution en s'exposant au risque d'un conflit entre ses responsabilités officielles et ses intérêts privés.

La saga Phala Phala est devenue un problème brûlant en juin dernier après que l'ancien chef des Services de renseignement, Arthur Fraser, a ouvert une affaire d'enlèvement et de blanchiment d'argent contre Ramaphosa et le chef de l'unité de protection présidentielle, le général de division Wally Rhoode, ainsi que contre des membres du Crime Intelligence pour avoir prétendument dissimulé un cambriolage perpétré en 2020 à la ferme privée du Président.

En raison des nombreuses accusations de corruption portées contre de hauts responsables du parti, dont l’ex-président Jacob Zuma, nombreux sont ceux au sein même de l’ANC qui ont fustigé le type de dirigeants qui cherchaient à être élus lors de la conférence élective de décembre.

"Il y a des camarades du Comité exécutif national (NEC) qui ne sont pas qualifiés pour faire partie dudit Comité et, encore moins, du gouvernement, mais qui veulent être élus», a déclaré Thabo Mbeki, s’interrogeant sur le calibre des dirigeants qui émergeraient de la prochaine conférence élective du parti et si celle-ci produirait des responsables en qui le public pourrait avoir confiance.

Il va sans dire que les déboires des dirigeants actuels du parti au pouvoir, la corruption endémique qui caractérisent toutes les institutions et les crises énergétique, économique et sociale dont s’engouffre aujourd’hui l’Afrique du Sud augurent d’une descente aux enfers de l’ANC, un parti-État qui est à un moment critique de son existence.