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L'ANC, un Parti-État en conclave pour choisir ses nouveaux dirigeants - Par Hamid AQERROUT
Une Parti-Etat gangréné par l’usure et la corruption
Par Hamid AQERROUT (MAP)
Johannesburg - Qui sera le prochain président du Congrès National Africain (ANC)? Tous les regards se tournent vers la Conférence élective nationale du parti, qui se tient du 16 au 20 décembre à Johannesburg, pour choisir la haute direction d’un Parti-Etat qui règne en Afrique du Sud depuis la fin du régime ségrégationniste de l’apartheid en 1994.
Le sort de l’actuel président du parti et chef de l’Etat, Cyril Ramaphosa, est entre les mains d'environ 4.500 délégués qui auront le droit de vote lors de cette 55ème conférence élective nationale de l’ANC, connue sous le nom de conférence des sections. Ces délégués représentent les ligues, les différents comités exécutifs provinciaux (CEP) et le Comité exécutif national (NEC) du parti au pouvoir.
Leur tâche est de voter pour le prochain président de l'ANC, ainsi que les hauts responsables et 80 membres supplémentaires qui composeront le Comité exécutif national, la plus haute instance décisionnelle du parti entre les conférences.
Ramaphosa sur la corde raide
Les élections aux postes des six principaux responsables du Conseil Exécutif du parti se font au scrutin secret, le vainqueur étant déterminé à la majorité simple, ce qui signifie que celui qui a le plus de voix remporte l'élection. Alors que l'ANC a déjà publié la liste des candidats nommés pour les six premiers postes, les délégués auront le dernier mot le jour J de choisir leurs représentants au sein du NEC.
Mais au regard des derniers développements politiques survenus dans le pays, cette Conférence élective bouillonne dangereusement sous toutes les variables. Les conclusions du rapport d’une Commission parlementaire indépendante enquêtant sur le scandale Phala Phala selon lesquelles le président Cyril Ramaphosa aurait pu commettre de graves violations de la loi et de la Constitution par sa possession inexpliquée d’une importante somme d’argent en devise ont chamboulé la donne politique et crée du suspens.
Avant la publication de ce rapport accablant, qui a recommandé d’entamer la procédure de destitution du chef de l’Etat, les différentes branches de l'ANC s'étaient réunies et plus de 2 000 délégués avaient désigné Ramaphosa au poste de leader du parti.
Sauf que la plus grande inconnue de ces élections est que les délégués de branche pourraient faire pression, puisqu’ils sont autorisés à voter lors de la conférence élective en secret. Cela signifie que la vraie question à laquelle sont confrontés les Sud-africains, et surtout le parti au pouvoir, est de savoir ce que feront ces délégués.
L'argument le plus communément admis est qu'il serait beaucoup plus simple et moins dangereux de permettre à Ramaphosa de se battre lors de la conférence, d'une manière ou d'une autre… puis de rester ou de démissionner, suite à ce résultat.
Mais tout cela est basé sur la présomption que les alliés de Ramaphosa pensent qu'il pourrait encore l'emporter lors de la conférence élective et que les branches du parti le soutiennent toujours, malgré les conclusions du panel indépendant.
L’ANC en danger
Néanmoins, les opposants de Ramaphosa pourraient affirmer avec véhémence que plus longtemps il restera au pouvoir, pire ce sera pour l'ANC et qu'il ne devrait pas être autorisé à utiliser le pouvoir du titulaire pour tenter d'influencer les délégués.
Il est bien sûr vrai que d'autres dirigeants pourraient être élus lors de la conférence pour prendre la relève de Ramaphosa. Mais qui ?
Les partisans de Zweli Mkhize, ancien ministre de la Santé déchu, affirment que sa démission du gouvernement montre son engagement envers l'ANC et le pays. Mais Mkhize n'a démissionné que lorsqu'il est devenu clair qu'il était sur le point d'être renvoyé à quelques heures avant un remaniement ministériel.
Bien sûr, cela laisse une troisième option, l'actuel trésorier de l'ANC et Secrétaire général par intérim, Paul Mashatile, qui a le plus à gagner de cette situation. Reste à savoir si cela est facile à vendre pour l'ANC sur la piste électorale.
S'il est vrai que la prise de décision est difficile pour l'ANC en ce moment à cause de toutes ces inconnues, il faudra peut-être un certain temps pour que la situation devienne plus claire. De plus, comme cela se produit en politique, l'équilibre des pouvoirs deviendra plus clair à la froide lumière du jour.
Une chose est pourtant sûre, l'affaire «Farmgate» menace de faire dérailler les chances de Ramaphosa de remporter un second mandat à la présidence du Congrès national africain puis de redevenir chef de l’Etat lors des élections générales de 2024.
Pire encore, ce scandale n'est pas seulement une menace pour Cyril Ramaphosa, mais pourrait sérieusement nuire aux perspectives de son parti à la veille de ces élections. En effet, le soutien au parti, qui a dominé la scène politique sud-africaine depuis trois décennies, n'a cessé de baisser au cours des 20 dernières années.