La mort de Zawahiri ouvre une succession délicate pour Al-Qaïda

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Montage de deux images de fichier créées le 2 août 2022 montre le chef d'Al-Qaïda Oussama Ben Laden (à gauche) sur une photo de fichier non datée obtenue le 8 août 1998, et son successeur Ayman al-Zawahiri (à droite) sur une image de fichier tirée d'une vidéo publiée le 8 juin 2011 par le bras médiatique d'Al-Qaïda, as-Sahab. Le président Joe Biden a annoncé le 1er août 2022 que les États-Unis avaient tué le chef d'Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri, l'un des terroristes les plus recherchés au monde et

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Du Sahel au Pacifique, la mort d'Ayman al-Zawahiri dans une frappe américaine à Kaboul n'entamera pas les capacités des groupes affiliés à Al-Qaïda, mais ouvre une période de succession cruciale pour le réseau, selon des analystes.

Succédant en 2011 à Oussama ben Laden tué dans un raid américain au Pakistan, il a joué un rôle moteur dans le processus de décentralisation qui a permis à Al-Qaïda de survivre aux épreuves, indique à l'AFP Hans-Jakob Schindler, directeur de l'ONG Counter-Extremism Project (CEP), ancien expert des Nations unies sur le jihadisme.

"Il a intégré au réseau d'importants nouveaux acteurs, comme les Shebab, qui contrôlent maintenant 30% de la Somalie, et a supervisé la formation en 2017 du Jnim (acronyme arabe du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, NDLR), nouvelle coalition d'Al-Qaïda en Afrique de l'Ouest", poursuit-il.

Zawahiri "n'était pas impliqué dans les décisions au quotidien du Jnim, des Shebab ou d'Abou Sayyaf aux Philippines" et sa mort ne changera donc rien à leurs plans, explique M. Schindler, "mais il faut une personnalité dotée d'une certaine prééminence parce que les chefs de chaque franchise devaient lui prêter allégeance".

"Par conséquent, le remplacer sera un défi", prévient-il.

Parmi les successeurs potentiels, les experts citent principalement deux autres Egyptiens, Saïf al-Adel, ancien lieutenant-colonel des Forces spéciales et figure de la vieille garde d'Al-Qaïda, signalé en Iran, et Abou Abdelkarim al-Masri, un dirigeant du groupe Houras al-Din, en Syrie.

"Contrairement à la situation d'après la mort d'Oussama ben Laden, une grande partie des dirigeants d'Al-Qaïda sont partis en Syrie, où beaucoup ont péri", souligne sur Twitter la directrice du centre américain de surveillance des sites jihadistes SITE, Rita Katz.

S'agissant de Saïf al-Adel, "des rumeurs le disent parti pour la Syrie après avoir été libéré de prison en Iran", ajoute-t-elle, reconnaissant la rareté des informations fiables.

- "Effectifs décimés" -

"Bien que les effectifs d'Al-Qaïda aient été décimés au fil des ans, y compris via le débauchage par le groupe Etat islamique de nombre de ses membres dans les différents théâtres où les deux organisations opéraient, Zawahiri a tenu le cap", remarque le Soufan Center, centre de réflexion américain indépendant spécialisé, dans une note publiée mardi.

"Le choix du prochain chef en dira beaucoup sur les futurs plans d'Al-Qaïda", estime-t-il, relevant que "l'élimination ou la capture ces dernières années d'une myriade de lieutenants de la vieille garde laisse à Al-Qaïda un banc de plus en plus étroit de successeurs potentiels".

Les connivences présumées de Saïf al-Adel avec l'Iran, où il est présumé avoir passé la majeure partie des vingt dernières années, pourraient lui aliéner le soutien de la jeune garde d'Al-Qaïda et des tendances les plus violemment antichiites au sein du réseau, au profit de chefs jihadistes implantés en Syrie, comme Abou Abdelkarim al-Masri, selon la note.

Le Soufan Center souligne par ailleurs que la mort de Zawahiri à Kaboul jette un doute sur les assurances des talibans qui s'étaient engagés lors de l'accord de Doha avec les Etats-Unis en 2020 à ne plus tolérer la présence d'Al-Qaïda en Afghanistan : "elle suggère qu'il se sentait plus à l'aise pour se déplacer depuis le retrait militaire américain il y a un an".

Après un long silence médiatique en 2019 en 2020, qui suscitait même des spéculations sur son état de santé, voire son décès, il a subitement recommencé à diffuser des vidéos en septembre 2021, puis en novembre, en février dernier, et en avril, précise Hans-Jakob Schindler.

"Tout d'un coup, l'Afghanistan est retombé aux mains des talibans, et Zawahiri ne peut plus se taire!", ironise l'expert, pour qui la localisation de sa mort "confirme une bonne fois pour toutes que les talibans, comme dans les années 1990, sont prêts à accueillir et protéger Al-Qaïda" (AFP).