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Législatives en France: Que restera-t-il de cette image dimanche soir
Des manifestants en tenue de Marianne participent à un rassemblement contre l'extrême droite place de la République à Paris, le 3 juillet 2024, avant le second tour des élections législatives en France. (Photo OLYMPIA DE MAISMONT / AFP)
La France a bouclé vendredi une campagne sous très haute tension, pour des législatives historiques qui verront le pays soit basculer à l'extrême droite, soit s'enfoncer dans une instabilité politique inédite.
La campagne officielle a pris fin à minuit (22H00 GMT) et aura révélé la grande fragmentation d'un des piliers de l'Union européenne, après sept années de présidence d'Emmanuel Macron.
Vendredi, son Premier ministre Gabriel Attal a évoqué la possibilité d'un blocage, affirmant que son gouvernement pourrait assurer la continuité de l'Etat "aussi longtemps que nécessaire" si les urnes ne désignaient pas de majorité claire.
Car le pays pourrait de facto s'endormir dimanche sans la moindre idée de qui le gouvernerait, à un mois des Jeux olympiques de Paris (26 juillet - 11 août).
Depuis la décision surprise du président de dissoudre l'Assemblée après sa débâcle aux européennes du 9 juin, la recomposition politique express du pays a confirmé la montée en puissance du Rassemblement national (RN, extrême droite), qui espère accéder au pouvoir la semaine prochaine.
La crainte d'un gouvernement dirigé par l'extrême droite, qui serait une première en France depuis la Seconde Guerre mondiale, a toutefois conduit à la formation, dans la douleur, d'un nouveau "front républicain" avec le désistement de quelque 200 candidats de droite, centre-droit et gauche pour contrer les candidats RN au second tour.
La cheffe de file de l'extrême droite Marine Le Pen y voit la mise en place d'un "parti unique" réunissant "ceux qui veulent conserver le pouvoir contre la volonté du peuple".
L'inconnue des abstentions
Parmi les inconnues du scrutin figure le nombre d'abstentionnistes. "Avec les désistements, celui ou celle pour qui les électeurs avaient l'intention de voter est passé à la trappe", explique à l'AFP Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherche émérite au Centre de recherche politique de Sciences Po (Cevipof).
Certains "vont se dire: +non, dans ces conditions, c'est pas possible+".
Selon un sondage Ifop paru jeudi, le RN et ses alliés obtiendraient entre 210 et 240 sièges, loin de la majorité absolue (289). L'alliance du Nouveau front populaire arriverait en seconde position, devant le camp macroniste et la droite républicaine, mais sans majorité claire.
"Soit le Rassemblement national obtient une majorité absolue et je peux, dès dimanche engager le projet de redressement que je porte (...). Ou alors le pays est bloqué", a asséné jeudi soir le président du RN Jordan Bardella, 28 ans, qui aspire à devenir Premier ministre.
Le front du refus brasse large et réunit une grande part du monde politique mais aussi des soignants, des syndicats ou des sportifs.
Sans nommer explicitement le RN, le capitaine de l'équipe de France de foot Kylian Mbappé a exhorté jeudi ses compatriotes à aller voter et à choisir "le bon côté" après un premier tour "catastrophique".
"Il y a vraiment urgence. On ne peut pas mettre le pays entre les mains de ces gens-là", a affirmé l'attaquant, dont l'équipe dispute l'Euro en Allemagne.
51 agressions physiques
Mais ces appels seront-ils suivis ? Louise, 23 ans, refuse de choisir entre le parti centriste Horizons et le RN dans sa circonscription de la Manche (nord-ouest), après avoir voté Lutte ouvrière (extrême gauche) au premier tour.
Elle a "beaucoup regretté" son vote barrage en faveur d'Emmanuel Macron face à Marine Le Pen à la présidentielle en 2022. "Je ne sais pas si je connais quelqu'un qui voterait pour la majorité", avoue-t-elle.
Cette fracture fondamentale a donné lieu à une campagne violente, avec agressions physiques de militants, menaces verbales, règlements de comptes politiques et libération de la parole raciste. "51 candidats, suppléants ou militants" ont été "agressés physiquement" ces derniers jours, selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
Dernier incident en date, le maire LR (droite) d'une commune de l'Est du pays a déposé plainte après avoir été insulté par des colleurs d'affiches, a annoncé son cabinet.
"Ils lui ont notamment signifié qu'il devait se préparer parce qu'il faisait partie +des collabos+ et qu'ils allaient revenir pour +le tondre+", a-t-il ajouté, en référence aux femmes françaises tondues après la Libération en 1945 pour avoir eu des relations avec des soldats allemands.
Malgré sa longue stratégie de normalisation, le RN a été rattrapé par des dérapages racistes et antisémites de plusieurs de ses candidats, que le parti a tenté de minimiser en parlant de quelques "brebis galeuses" ou de "maladresses".
"Quand c'est un candidat sur trois (...), ce n'est pas quelques brebis galeuses, c'est tout le troupeau qui est malade", a raillé Gabriel Attal.
Signe du climat tendu, le gouvernement a annoncé que "30.000 policiers et gendarmes dont 5.000 à Paris et sa banlieue" seraient mobilisés dimanche pour la soirée du second tour. (AFP)