Où va la Tunisie ? Le club de Paris à l’horizon ! Par Samir Belahsen

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Ce que l’opposition, les experts et peut être même le FMI reprochent au dictateur c’est l’absence de vision et même d’intérêt pour la question économique

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Le fiasco… par Samir Belahsen

Aux incertitudes politiques et une inflation à deux chiffres, s’ajoute le manque de lait et de café qui inquiète à la veille du Ramadan. La faillite annoncée par certains après la dérobade du FMI et les communiqués alarmants de la banque centrale…

Des arrestations arbitraires des syndicalistes et les procès de civils devant des tribunaux militaires, sont de nouveaux reculs en matière des droits fondamentaux en Tunisie. 

L’enlisement politique

Le président tunisien, avait engagé un bras de fer avec le parti islamiste Ennahda. Il avait fait une interprétation abusive de l'article 80 de la Constitution qui prévoyait des mesures exceptionnelles en cas de "péril imminent" à la sécurité nationale. Il a révoqué les ministres et le chef du gouvernement. Puis, suspendu l'Assemblée et décrèté la levée de l'immunité des députés, formé un nouveau gouvernement et déclaré sa décision de gouverner par décret et d’étendre son pouvoir sur le système judiciaire.

Les militaires les avaient empêchés par la suite de se réunir. Le parti Ennahda, parle dès lors de "coup d'État".

Des milliers de personnes de la Coalition de la dignité manifestent contre ses décisions. Le 29 septembre, soit deux mois après le limogeage du gouvernement, le président charge Najla Bouden , de former un nouveau gouvernement. Le 13 décembre 2021, le président tunisien prolonge, la suspension du Parlement  jusqu'à la tenue de nouvelles élections législatives, en décembre 2022. De facto il annonce la dissolution de l’assemblée élue démocratiquement. Par décret, le 13 février, le président dissoud le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et le remplace par un nouvel organe provisoire enterrant l'indépendance du système judiciaire. Quand 120 députés se réunissent le 30 mars en session virtuelle afin de voter la fin des mesures d'exception en vigueur, le président dissout le Parlement, ce qui était clairement anticonstitutionnel. Le référendum constitutionnel est fixé au 25 juillet 2022, malgré les critiques de l'opposition. Une purge de la justice pour la « purifier », est alors organisée.

Le 30 juin, il propose une nouvelle Constitution censée instaurer un pouvoir exécutif fort. C’est le président de la République qui exerce le pouvoir exécutif, aidé par un gouvernement dirigé par un chef de gouvernement qu'il désigne lui-même sans besoin de la confiance du parlement. Le président s’est octroyé de larges prérogatives. Le texte consacre la présidentialisation du pouvoir et tourne la page du parlementarisme instauré en 2014 alors 70% des Tunisiens ont boudé le scrutin. Cela n’a pas arrêté l’enlisement. 

Sous une nouvelle loi électorale, dont il s’est accaparé la rédaction, les élections législatives sont organisées et boudées par 89% des inscrits.

Je me suis attardé sur les étapes de cet enlisement politique pour expliquer à ceux qui avaient jugé le terme dictateur, que j’avais utilisé dans un précédent papier, excessif. Malheureusement, le président va encore prouver que mon terme n’était que descriptif.

La crise économique

Le gouverneur de la Banque centrale vient d’annoncer que l'année 2023 sera compliquée si la Tunisie n'obtient pas rapidement le feu vert du Fonds monétaire international au prêt annoncé il y a plusieurs mois. 

Le pays avait conclu, en octobre dernier, un accord avec le FMI pour un prêt de 1,7 milliard d’euros. Le FMI avait exigé des réformes structurelles en échange. En décembre, le FMI a préféré en reporter l’examen pour donner plus de temps au gouvernement pour finaliser son programme de réformes. Samedi 04 février, l'agence Moody's a dégradé d'un nouveau cran la note de la dette à long terme tunisienne, jugeant que le risque d'un défaut de paiement était plus élevé. Si un financement important n’est pas assuré, la Tunisie risque un défaut de paiement de sa dette, avertit l’agence.

La crise est sur toutes les lèvres à cause des pénuries de produits de première nécessité, de l'inflation qui a dépassé les 10 % et une croissance anémique, l'année 2023 s’annonce difficile pour les Tunisiens. On doit reconnaitre au dictateur que la situation économique n’était pas florissante avant son élection. Le COVID et le conflit en Ukraine qui a renchéri les prix du pétrole et des céréales, n’ont pas facilité les choses. 

Ce que l’opposition, les experts et peut être même le FMI reprochent au dictateur c’est l’absence de vision et même d’intérêt pour la question économique. Mis à part quelques slogans annoncés, aucune réforme n’a été entamé. L’homme qui accumule tous les pouvoirs manque d’actions économiques concrètes, il semble hésitant et en désaccord avec ses amis comme avec ses adversaires. Il semble seul contre tous. Sur la scène internationale ses prétendus soutiens ne le soutiennent pas vraiment.

L’enlisement politique de la Tunisie accroît la méfiance des bailleurs internationaux, le nouveau bras de fer avec l’UGTT retarde toutes les réformes. Dans ces conditions il ne faut pas  exclure de voir la Tunisie solliciter le club de Paris pour restructurer sa dette.