Sénégal : l'éligibilité de l'opposant Sonko menacée après sa condamnation en appel

5437685854_d630fceaff_b-

Cette peine, dont l’annulation ou la réduction dépens désormais de la Cour de cassation, ressemble pour l’instant à une éviction de l’opposant Sanko de la course à la présidence du Sénégal.

1
Partager :

Dakar - L'opposant sénégalais, Ousmane Sonko, a été condamné, lundi à six mois de prison avec sursis par la Cour d'appel de Dakar pour "diffamation" et "injures", contre le ministre du Tourisme et des Loisirs, Mame Mbaye Niang, membre de l'APR, le parti politique du président de la République, Macky Sall.

Cette peine, qui n'est pas définitive, menace l'éligibilité de Sonko à l'élection présidentielle prévue le 25 février 2024 et à laquelle l'opposant sénégalais, un des leaders de la coalition de l'opposition Yewwi Askan Wi (libérer le peuple en Wolof), a été déclaré candidat.

Le juge de la cour d'appel de Dakar, Mamadou Cissé, a, d'autre part, condamné M. Sonko en son absence, à verser 200 millions de francs CFA (300.000 euros) de dommages et intérêts au plaignant, le ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang, avec contrainte par corps en cas de refus.

Avec cette condamnation, les chances de voir Sonko participer à l'élection présidentielle sont compromises. Le code prévoit une radiation des listes électorales avec une peine supérieure ou égale à six mois avec sursis. Il reste donc à Sonko l'espoir de la Cour de Cassation pour annuler ce verdict.

Des avocats de la défense dont Me Ciré Clédor dans la salle, mais en l'absence de leur client, n'ont pas eu droit à la parole. L'opposant et ses avocats ont ainsi un délai de six jours pour introduire un pourvoi en cassation contre le verdict.

Me Baboucar Cissé, un avocat du plaignant, le ministre du Tourisme, a déclaré aux journalistes que cette peine rend M. Sonko inéligible si elle est maintenue.

"Il a six jours pour se pourvoir. La conséquence de cette décision, si elle est définitive, c'est de l'exclure" des élections, a-t-il affirmé.

En prévision de ce procès, tenu en l'absence des leaders de la coalition de l'opposition Yewwi Askan Wi (libérer le peuple en Wolof, opposition), et en présence de certains avocats de l'opposant, les abords du Palais de justice de Dakar ont été quadrillés par les agents de police. Les différentes voies menant au Palais de justice de Dakar étaient sous forte surveillance policière.

A l'occasion de cette audience, le Gouverneur de Dakar avait publié deux arrêtés interdisant la circulation des motos et la vente de carburant en détail, ce lundi.

Le ministère public a requis lors de cette audience de lundi une peine de deux ans dont un ferme à l’encontre d’Ousmane Sonko pour "faux, usage de faux, diffamation et injures". Le procureur général Ibrahima Bakhoum a également demandé au juge d’ordonner l’arrestation immédiate de l’opposant absent de l’audience et la publication de l'arrêt dans cinq journaux.

M. Sonko avait annoncé dimanche soir sur les réseaux sociaux sa décision de "ne plus collaborer avec la justice" et a dit qu'il ne répondrait plus aux convocations des juges sans garantie pour sa sécurité.

Sonko, candidat déclaré pour la présidentielle de 2024, a invoqué les incidents auxquels ont donné lieu ses déplacements au tribunal de Dakar à l'occasion de ses deux procès.

Il a rappelé plusieurs incidents survenus au cours des audiences du procès en diffamation que lui a intenté le ministre du Tourisme qui reproche à Ousmane Sonko d'avoir déclaré en décembre 2022 que sa gestion avait été "épinglée" dans un rapport d'une institution de contrôle sur le Programme de développement des domaines agricoles communautaires (Prodac), ce que le ministre nie.

Mame Mbaye Niang était de 2014 à 2019 à la tête du ministère de la Jeunesse et de l'Emploi et avait sous sa tutelle le Prodac mis en place par le président Sall pour favoriser l'emploi des jeunes en milieu rural.

Mame Mbaye Niang a réclamé 29 milliards à Ousmane Sonko à titre de dommages et intérêts, ce lundi, à la Cour d’appel de Dakar. "En tant que citoyen sénégalais, je me suis senti diffamé, injurié, et traîné dans la boue, a-t-il dit. "Face à cette injustice, j'ai compris que le seul endroit où je peux laver mon honneur est le tribunal. C'est pourquoi je suis devant vous. En première instance, j'ai suivi à la lettre la procédure mais à la fin, j'ai compris que les torts qui me sont causés se chiffrent à la somme de 29 milliards qu'on m'accuse d'avoir détourné sans jamais présenter la moindre preuve", a-t-il souligné.

L’opposant Sonko avait été condamné en première instance le 30 mars à deux mois de prison avec sursis et à 200 millions de francs CFA de dommages et intérêts, le 30 mars dernier.

"Ce n'est plus de la justice, c'est pourquoi j'ai pris la décision, toujours dans le cadre de ma campagne de désobéissance civile, de ne plus collaborer avec cette justice", avait déclaré dimanche soir Sonko sur sa page Facebook.

"Si la justice, si l'Etat ne peuvent pas garantir le minimum de sécurité (...), je ne me présenterai plus devant cette justice pour répondre à quoi que ce soit", a déclaré le maire actuel de Ziguinchor (sud), poursuivi depuis 2021 dans une autre affaire de "viols présumés" et "menace de morts" contre une employée d'un salon de beauté.

L'audience de cette affaire est fixée le 16 mai courant. M. Sonko, membre de la coalition de l'opposition, Yewwi Askan Wi (libérer le peuple en Wolof) , qui est placé sous contrôle judiciaire depuis plus de deux ans, dans le cadre de l’instruction de cette affaire, nie les accusations de la plaignante Adji Sarr.

En 2021, rappelle-t-on, son interpellation alors qu'il se rendait au tribunal dans l'affaire de "viols présumés", avait contribué à déclencher plusieurs jours d'émeutes qui avaient fait des victimes.