chroniques
Tous les chemins mènent à Pékin - Par Samir Belahsen
De l’Afrique à l’Amérique latine en passant par l’Europe, les visites à Pékin sont devenues un pèlerinage obligé.
Tous les chemins mènent à Rome. Selon les dictionnaires modernes, c'est une expression qui veut dire qu'il n'existe pas une seule façon d'atteindre le même but mais plusieurs.
Si l’expression proverbiale latine s’entendait en termes géopolitique et religieux, l’interrogation n’est que géopolitique.
Dans le contexte géopolitique de l'Antiquité, l’expression évoquait le réseau routier de l'Empire romain, jalonné de bornes milliaires, et surtout le Milliaire d'or mis en place à Rome par Auguste pour marquer le fameux point zéro des routes impériales avec les noms et les distances vers les principales villes de l'Empire.
En réalité, la phrase a été écrite au XIIème siècle en latin dans une acception chrétienne, Rome étant la cité du Pape : Tous les chemins menaient donc à Dieu.
Avril 2023, l’empire du milieu se retrouve. Fermant la parenthèse COVID, la Chine est à l’offensive sur le plan diplomatique et signe quelques coups d’éclat.
Le ballet des chefs d’État étrangers à Pékin en est la preuve: de l’Afrique à l’Amérique latine en passant par l’Europe, les représentants multiplient les visites à un rythme inhabituel.
Xi Jinping est au boulot. Après avoir confirmé son hégémonie sur l’État et le parti, la séquence tend à confirmer la montée en puissance de son pays sur l’échiquier international pour reléguer les États-Unis au second plan même dans les sphères où ils étaient habituellement les seuls influents.
L’annonce le 10 mars du rétablissement des relations entre les rivaux iranien et saoudien n’en sera pas la dernière réalisation.
Mettre fin à la guerre entre l’Ukraine et la Russie sera certainement un défi plus grand. Le document en 12 points, publié le jour du premier anniversaire est reçu avec prudence et scepticisme par la communauté internationale.
Intitulé « Position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne », il appelle d’abord au respect de « la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de tous les pays » et invite les parties impliquées à « soutenir la Russie et l’Ukraine pour travailler dans la même direction et reprendre le dialogue direct aussi vite que possible ».
Le document insiste « la prolifération nucléaire doit être empêchée et la crise nucléaire évitée ». La Chine s’oppose également « à la recherche, au développement et à l’utilisation d’armes chimiques et biologiques par n’importe quel pays, quelles que soient les circonstances », et demande à la Russie et à l’Ukraine de se conformer strictement au droit humanitaire international et d’éviter d’attaquer des civils ou des bâtiments civils.
Multipolaire ou multiprédateurs
Le document réclame que la sécurité d’une région ne devrait pas être obtenue en renforçant ou en élargissant des blocs militaires et que les intérêts et inquiétudes légitimes de tous les pays en matière de sécurité doivent être pris au sérieux.
La Chine précise que pour se rapprocher de la paix, les Occidentaux, la Russie et l’Ukraine doivent chercher à maintenir la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement.
Elle s’oppose à l’utilisation de l’économie mondiale comme outil ou arme à des fins politiques. C’est un rejet catégorique de la politique des sanctions.
Si la presse occidentale s’est précipité à rejeter le document, les officiels occidentaux étaient plus prudents.
Volodymyr Zelensky vient d’appeler (mercredi 26 avril) le président chinois Xi Jinping qui lui aurait déclaré que la "position fondamentale" de la Chine était de promouvoir un dialogue de paix.
Il a promis d'envoyer une délégation en Ukraine et dans d'autres pays afin de trouver une solution politique au conflit.
L'entretien téléphonique Xi-Zelensky est, selon moi, un grand pas positif, mais cela reste un premier pas.
Ce qui me parait établi, c’est que du Moyen Orient à l’Europe, le géant asiatique se positionne de plus en plus comme médiateur crédible, sinon indispensable, dans la résolution de conflits.
Le monde multipolaire approche ; sauf qu’un monde multipolaire est aussi un monde multi-prédateurs.