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Turquie: Erdogan rassemble sa base avant le vote crucial de dimanche
Des partisans du président turc et chef du parti de la justice et du développement (AK), Recep Tayyip Erdogan, au meeting de campagne du président sortant dans le quartier de Sultangazi à Istanbul, le 12 mai 2023. Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est préparé à rencontrer ses plus fervents partisans le 12 mai 2023 pour montrer sa force durable face au défi électoral le plus difficile de ses deux décennies de règne. (Photo OZAN KOSE / AFP)
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a rassemblé vendredi ses sympathisants inconditionnels à deux jours d'une présidentielle qui s'annonce comme la plus ardue pour lui après deux décennies au pouvoir.
C'est dans un quartier historiquement conservateur d'Istanbul que le chef d'Etat, enfant de la ville, s'est d'abord adressé dans l'après-midi à ses électeurs avant d'inaugurer une mosquée, une énième après les milliers déjà érigées pendant son règne.
Lors de ce meeting, il a mis en garde contre "un prix lourd à payer" en cas de victoire de l'opposition, une alliance de six partis "mue par la vengeance", a-t-il accusé.
Les sondages donnent à son principal rival Kemal Kiliçdaroglu, président du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) et chef de l'opposition, une légère avance pour la présidentielle de dimanche.
Le retrait jeudi d'un des quatre candidats, Muharrem Ince, devrait jouer en sa faveur, estiment des observateurs. Si aucun candidat ne recueille plus de 50% des voix, les deux premiers s'affronteront dans un second tour le 28 mai.
Recep Tayyip Erdogan, qui a vu sa popularité entamée par la crise économique qui frappe le pays de 85 millions d'habitants, s'est montré inhabituellement réservé jeudi soir quant aux résultats.
"Les urnes nous le diront dimanche", a-t-il répondu à une journaliste qui l'interrogeait sur son éventuelle victoire.
M. Erdogan, 69 ans, a aussi admis avoir du mal à convaincre les jeunes dont 5,2 millions voteront pour la première fois, et qui n'ont pas connu les années 1990 et, comme il le dit, le chaos et la corruption qui ont marqué les gouvernements de coalition.
"Il y a une génération dans notre pays qui n'a connu aucun des soucis dont nous avons souffert", résumait-il lors d'une intervention cette semaine.
Perte de soutien
"Nous avons du mal à expliquer nos valeurs à cette nouvelle génération. Car nos jeunes ne comparent pas avec l'ancienne Turquie, mais avec des pays qui ont de bien meilleures conditions", a-t-il déclaré vendredi.
Le président turc admettait ainsi qu'il pourrait ne pas ravir les voix d'un électorat jeune qui aspire à une vie meilleure.
Ces dernières années, M. Erdogan a perdu le soutien de segments clés de la population qui s'étaient ralliés à sa cause au début de son mandat en 2003 marqué par une Turquie plus prospère.
Selon les sondages, plus de la moitié des jeunes préfèrent voter pour son rival.
Quant aux Kurdes, qui avaient applaudi ses efforts de démocratisation pendant ses premières années, ils soutiendraient aujourd'hui en majorité Kemal Kiliçdaroglu.
La grave crise économique - la pire qu'ait connue la Turquie en un quart de siècle et attribuée par de nombreux observateurs aux convictions économiques peu orthodoxes de M. Erdogan - a par ailleurs érodé la confiance d'autres groupes en son gouvernement.
Rallier ses partisans nationalistes et religieux les plus inconditionnels pour qu'ils ne manquent pas de se rendre aux urnes est donc aujourd'hui indispensable pour le chef de l'Etat islamo-conservateur.
Lutte pour la démocratie
Selon des observateurs, l'avenir démocratique du plus grand pays de l'Otan à majorité musulmane est en jeu dimanche.
"Soit Erdogan perdra, donnant à la Turquie une chance de restaurer la démocratie, soit il gagnera et restera probablement au pouvoir pour le reste de sa vie", estime Soner Cagaptay, chercheur principal au Washington Institute.
Face au mécontentement d'une partie de la société, Kemal Kiliçdaroglu a construit sa campagne sur des messages positifs, esquivant les attaques personnelles de M. Erdogan pour se concentrer sur les promesses de rétablir l'ordre économique et les libertés.
Il s'est également entouré d'économistes qui ont la confiance des investisseurs occidentaux, ainsi que d'anciens alliés de M. Erdogan pour viser également un électorat nationaliste et conservateur.
M. Kiliçdaroglu a par ailleurs dénoncé jeudi l'ingérence électorale russe - une accusation "fermement" démentie vendredi par le Kremlin.
Retour au système parlementaire
Le chef de file de l'opposition a également présenté comme priorité le retour à un système parlementaire, afin de clore le chapitre d'une présidence devenue omnipotente depuis le changement constitutionnel de 2017.
Cela obligerait l'opposition à remporter les élections législatives organisées également dimanche. Or, sur ce point, les sondages donnent une longueur d'avance à l'alliance conservatrice de M. Erdogan sur le bloc de l'opposition.
Mais l'opposition pourrait tout de même avoir une majorité au parlement grâce au soutien d'une alliance composée du principal parti prokurde et de formations de gauche. (AFP)