chroniques
Un homme brillant – Par Khalil Hachimi Idrissi
Et sa relation avec le Maroc que va-t-il en faire ? Même si ce n’est pas l’objet de cet édito, il va falloir dire un mot. Macron a raté son premier mandat avec le Maroc. Il s’est perdu dans des questions mémorielles stériles, qui ne finiront jamais, avec un pouvoir algérien rentier et sénile. Il a perdu son temps et celui du Maghreb.
Macron, le président français, réélu pour un second mandat, est sans conteste un des plus intelligents présidents que la France n’ait jamais eus. Une excellente culture, de bonnes intuitions, une jeunesse créative, une force de travail inépuisable, de la ténacité et surtout une vision de la France un peu plus élevée que celle qu’ont les Français — minés par un déclinisme pathologique — de leur propre pays.
Cela fait-il, pour autant, d’Emmanuel Macron un homme qui a atteint la perfection. Sous nos contrées cet attribut n’appartient qu’à Dieu et à lui seul. Donc Macron ne peut être parfait malgré ses nombreux atouts.
Brillant qu’il est, son mépris de la médiocrité, ou de l’imbécilité, est trop visible malgré, récemment, des efforts méritoires pour rendre moins prégnante cette pulsion. Il est dans une logique d’excellence qu’il a sincèrement transformé en ambition pour la France. Mais le hic — car hic il y a — avec cette démarche, il coupe les ponts avec les trois-quarts de ses concitoyens.
Le peuple des ronds-points, les gilets jaunes, les péri-urbains oubliés, les agriculteurs paupérisés, des classes populaires illettrées, les sous-qualifiés en fin de parcours, les smicards dont le mois se termine le 15, les incultes numériques etc. Toute une France qui a peur du monde, d’elle-même, et qui se sent déclassée, démonétisée, dévalorisée, qui ne pense plus qu’elle a un avenir possible.
Sur cette frustration, bien entendu, prospère tous les populismes, tous les extrémismes, toutes les radicalités. Cette frange de la population française représente les deux-tiers des électeurs votants. Elle rêve d’une potion, ou d’une baguette, magique qui la sortirait de ce cauchemar hexagonal. Jeter les Arabes et autres métèques à la mer, sortir de l’Europe, abandonner l’Euro, rétablir des frontières étanches, promouvoir l’autarcie, relocalisation générale, consommer français, refus de la transition écologique, attachement au diesel, retour à l’âge de pierre etc.
Emmanuel Macron a pris à contrepied tout ce beau monde — et il a réussi — et la raison, cartésienne au demeurant, a fini par prévaloir. Maintenant, n’ayant plus l’épée de Damoclès du second mandat sur la tête, il va falloir que Macron bricole une politique qui puisse donner un petit “chouia” à chacun. Ça ne va pas être du gâteau.
Et sa relation avec le Maroc que va-t-il en faire ? Même si ce n’est pas l’objet de cet édito, il va falloir dire un mot. Macron a raté son premier mandat avec le Maroc. Il s’est perdu dans des questions mémorielles stériles, qui ne finiront jamais, avec un pouvoir algérien rentier et sénile. Il a perdu son temps et celui du Maghreb. La donne géopolitique a changé substantiellement dans la région et au lieu d’en prendre acte, courageusement, ses amis, ou ses obligés, se sont fourvoyés dans des coups tordus de basse police comme, notamment, l’affaire Pegasus pour chahuter la marche du Maroc et son image. Vainement. Le moins que l’on puisse dire, c’est que tout cela manquait d’intelligence et de panache. Nous sommes, cependant, persuadés — loin de toute méthode Coué — que le second mandat d’Emmanuel Macron devrait être celui de la relance, brillante et spectaculaire, de la relation franco-marocaine. Il ne peut pas en être autrement.