Déconfinement : Pour ou contre ?

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Puis survint la mauvaise surprise. Le discours du chef de gouvernement était  important  par la teneur  du message qu’il annonçait. Nous restons confinés trois semaines de plus. Pris à chaud la réaction rebelle s’éveille en moi mais elle est vite calmée par le bon côté de l’âge qu’est la maturité.  Il est vrai que dès que le pouvoir décide, il lui est toujours reproché d’en faire trop ou pas assez

  Si le confinement est devenu, selon mon fils Ghali, « une seconde réalité », je suis pour ma part persuadé que l’attente fébrile du déconfinement à créer en lui un désir profond de retrouver le réel, en fait d’échapper à son double qui a dû inventer une façon d’être heureux entre quatre murs. En guise de consolation, je m’essore les méninges, prends sur moi et fais « contre mauvaise fortune bon cœur » pour reprendre une formule chère à mon ami Naim Kamal mais aussi pour lui rendre la politesse. 

La santé comme idéologie 

Certes beaucoup ont parlé de  progrès moral de l’humanité : Que plus de la moitié de l’humanité accepte de se confiner pour sauver un petit nombre de vies, cela nous réconcilie incontestablement  avec notre altérité. On ne peut cependant s’empêcher de tendre l’oreille. Une décision aussi forte est ipso facto imposée par la force de la science. Essayons de déchiffrer : Si la tendance lourde de notre temps a révélé une idéologie qui fait de la santé une valeur suprême, on peut comprendre du coup que l’on puisse tout soumettre à la médecine tant la médication pour soigner nos maux que la gestion de nos vies et l’organisation de nos sociétés. Ainsi décliné, je me délecte de  cette boutade de Voltaire : « J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé. ».

 Trêve de plaisanterie, si la politique est l’art de diriger pour le bien de la majorité en dépit d’opinions minoritaires, essayons d’en  comprendre les soubassements. Convenons que la gouvernance a fait l’arbitrage de la santé sur l’économique et sur les libertés. Évidemment, nous sommes bien d’accord qu’aucune équation marchande ne pourra exprimer le prix de la vie, même si certains contradicteurs adeptes de la marchandisation de tout ont même cru bon de retorquer qu’aucune morale ne pouvait faire reculer la misère.

 Dépassons les émotions et laissons la raison disposer de ses lettres de noblesse.

Si   la gouvernance a décidé de se serrer la ceinture d’un cran en prorogeant le confinement de trois semaines c’est pour éviter un embrasement des contaminations qui pourrait être diffèrent des autres sociétés pétries dans   d’autres cultures plus disciplinées que la nôtre. En effet, cette pandémie n’a rien d’une péripétie et  le plus à craindre serait un engorgement des capacités de réanimation des hôpitaux. La preuve en est : la Chine, après la découverte de 34 nouveaux cas, vient de décréter un re-confinement de 108 millions d’habitants dans la province de Jilin.  Il devient évident que le principe de précaution s’est dès lors  imposé de tout son poids. Comme le dicte la sagesse :  « En cas de doute, envisage le pire ». Et si d’autres pays sont déjà passé au déconfinement, acceptons philosophiquement que « eux c’est eux et nous c’est nous » 

Sociologie et gouvernance 

Il faut toujours écouter le camp d’en face car son opinion permet soit de réajuster soit de valider nos choix. Si les adeptes du déconfinement basent leurs analyses sur un benchmarking de ce que fait la France, les Etats unis ou accessoirement l’Espagne, on se doit de comparer toute décision politique en fonction de la sociologie consubstantielle à la mentalité du même groupe.

En effet, aussi surprenant que cela puisse paraître, les Suédois par exemple suivent à la lettre les recommandations de leurs gouvernants car ils ont une confiance complète dans leurs dirigeants et leurs élites. On constate que s’ils  sont obéissants, leur obéissance ne vient pas de la crainte d’une punition ni de l’exercice d’une contrainte directe. Ils obéissent par confiance en des règles de vie communément partagées.  

Pour les pays asiatiques qui n’ont pas eu besoin de confinement ou pour la Chine qui l’a levé relativement rapidement, l’unité du groupe est plus importante que leur individualité. Ce sentiment fort d’appartenance au groupe les enclins à se fondre dans le groupe et à en respecter les règles car ils situent leur intérêt individuel comme partie intégrante de l’intérêt général.

Mais est-ce bien le cas pour notre pays ? Peut-on affirmer sans risque d’être démenti par les faits  qu’une simple recommandation puisse faire loi et  devenir une règle unanimement respectée ? L’histoire est là pour démontrer le contraire. Nous avons besoin de l’autorité qui nous protège des autres, nous guide, nous récompense et nous sanctionne. En somme une autorité qui nous contraint, n’ayons pas peur des mots, au partage des objectifs et des idéaux collectifs au-delà de ce que nous pourrions faire individuellement. 

Et comme cela a été démontré par un brillant conférencier invité à un débat du R.N.I, nous sommes une société polarisée avec deux modes de vie totalement distinctes tant au niveau de notre éducation, notre santé, notre transport ou notre mode de pensé. Cependant, à cause de la pandémie, nous vivons dans une interdépendance. Tout ce qui peut arriver aux uns peut contaminer les autres. Autant dire que des recommandations ou même certaines formes d’obligations légères ne seraient pas suffisantes car elles ne sont pas portées par la qualité essentielle qui est la responsabilisation de l’individu dans sa mission de protection de la collectivité. 

Comment l’occulter ? Lorsque l’on voit certaines vidéos qui circulent sur les réseaux, on se rend bien compte que beaucoup pensent que l’homme n’a aucun impact sur le déroulement des événements, aussi petits soient-ils, qu’il s’en remet à une fatalité perçue comme incontournable. Tout espoir d’échapper à son destin serait donc vain. Autrement dit :  sa responsabilité individuelle est nulle. Avec cette forme de pensée, il est dur de le rendre comptable de ses actes et de considérer que son manque de conscience puisse être le seul grief que l’on puisse lui reprocher. Pour conclure j’en suis tenu à paraphraser la célèbre maxime : « toute société n’a que le gouvernement qu’elle mérite ».