société
A qui profitent les richesses du Maroc et comment?
Ayant ses propres raisons circonstancielles qui la justifient, la question n?est ici pos?e que par pure co?ncidence juste au lendemain du discours royal (31 ao?t 2014) portant sur la valorisation et la distribution rationnelle des fruits du capital national en g?n?ral, et du capital intangible en particulier. Le texte ne s?inscrit donc pas dans cette tendance devenue classique ? vider syst?matiquement les discours royaux de leur substance en les noyant dans la houle d?un verbalisme ex?g?tique hypocritement flatteur et de consommation m?diatique. Il ne s?agit pas non plus, par ailleurs, d?une attitude intello-politicienne, plus hypocrite encore, et qui consiste ? ce que tout le monde, classes sup?rieures et moyennes en t?te, s?apitoie sur le faible lot des classes d?favoris?es des richesses nationales.
Voici donc les circonstances propres de ce texte, qui en constitue en m?me temps la substance et l?essence. Il s?agit du d?roul? du d?part en vacances annuelles d?un jeune couple, ? moiti? MRE. Deux ing?nieurs, l?un de nationalit? marocaine et l?autre de nationalit? fran?aise, les deux, employ?s en France dans deux firmes diff?rentes. Comme lieu pour passer leurs vacances en famille ?largie, rassembl?e des deux c?t?s, leur choix atterrit sur l?un des r?cents fleurons de la richesse nationale mat?rielle marocaine, la station baln?aire de Sa?dia. Commencent alors, plusieurs mois ? l?avance, de longues et ardues n?gociations avec les employeurs des deux c?t?s de la M?diterran?e pour arriver ? synchroniser 10 jours de vacances en commun pour chacun des membres des deux familles du couple, ainsi qu?avec les agences de location d?appartements ? Sa?dia pour les dates durement n?goci?es par la suite. Une fois toute la logistique de base mise en place, le voyage pour Oujda ? partir de deux villes fran?aises d?une part pour les uns, et d?une ville marocaine d?autre part pour les autres, devrait ?tre lui aussi strictement assur? pour ?viter tout accroc ou contretemps. Afin de garantir cette assurance, mais aussi pour le confort de r?cr?ation, recherch? comme finalit? dans toutes vacances annuelles, le jeune couple, qui a tant voyag?, et qui a toujours eu un faible pour les services de la RAM s?agissant des destinations qu?elle dessert, n?a pas h?sit? un instant ? payer le billet au prix de la haute saison selon cette compagnie (Paris-Oujda-Paris: plus de 500 Euros), alors que des lowcost d?environs 30 ? 40 % en moins chers sont offerts. Mais quelque chose semble s??tre pass?e: une tournure d?aventure commence cette fois-ci ? se dessiner hideusement d?s l?enregistrement des bagages ? Orly. Voici l?arri?re plan qui donne un sens ? cette tournure:
Quelques jours auparavant, en guise d?une conjuration du sort relativement au voyage prochain, un ?change t?l?phonique pr?monitoire entre le p?re, c?t? marocain, et sa fille en France, consistait curieusement ? palabrer ? propos de la mal?diction de la Malaysia Air Lines (deux trag?dies a?riennes provoqu?es en 3 ou 4 mois) dont la fille avait souvent lou? la qualit? de service sur la base de sa propre exp?rience. La cogitation existentielle digresse vers le rapport entre l?aveuglement du sort d?une part, et la pr?caution responsable d?autre part en ?voquant la plus r?cente trag?die de l?avion de la compagnie Swift, affr?t? par Air Alg?rie qui s?est ?cras?e au Nord du Mali. La fille conclut en exprimant sa satisfaction d?avoir choisi le Maroc comme seule destination avec un capital intangible s?r en mati?re de s?curit?, de tol?rance et de stabilit? sociopolitique parmi toutes les destinations classiques, tout en r?affichant sa confiance en la RAM et en expliquant que c??tait l? la justement raison pour laquelle elle a toujours choisi et recommand? la marque de cette compagnie a?rienne pour, et ? partir du Maroc, quitte ? toujours payer la diff?rence pour la qualit? du service.
Premi?re grande surprise, qui prit la forme de panique: lors de l?enregistrement, le couple apprend, atterr?, que c??tait justement un avion de la sinistre compagnie Swift qui allait assurer le vol AT651 Orly-Oujda pour le compte de la RAM. Panique existentielle: on ne pensait plus au prix pay? et ? la qualit? de service pour lequel il a ?t? consenti; on pensait plut?t, et du coup, ? des choses plus s?rieuses, ?tant donn? ce qui venait de se passer avec la flotte de cette malheureuse compagnie. Quoi? Payer, en tant que client fid?le, de ses propres chances de vie ou tout au moins de sa propre tranquillit? d?esprit, pour une politique de gestion d?une compagnie a?rienne qui, pour achever son redressement financier, n?h?site pas (pour le m?me prix de haute saison d?ailleurs) ? tirer partie des effets des d?boires conjoncturels d?une autre compagnie, la compagnie Swift en l?occurrence?!
Comme un malheur n?arrive jamais seul, par une logique de carambolage, la mauvaise aventure ne s?arr?te pas l? pour autant. Sans s?attarder ni sur les 2 heures de retard ? Orly et sur leur r?percussion sur les mesures logistiques d?accueil nocturne ? l?a?roport d?Oujda et de transfert terrestre vers diff?rentes localit?s r?gionales, ni sur le service ? bord de l?appareil, o? personne ne parlait ni arabe ni fran?ais, ni sur l??tat de l?avion affr?t? lui-m?me, passons plut?t imm?diatement au deuxi?me grand ?pisode rebondissant de l?aventure, ? savoir le suivant:
Une fois ? l?a?roport d?Oujda, ? 23:30 au lieu de 21:40, les vacances semblaient, bon gr? malgr?, avoir commenc?. Au moins, on est arriv? saint et sauf ? bord d?un avion Swift. Cela donne d?j? un sentiment de bonheur passif: le soulagement d?avoir ?chapp? ? un malheur potentiellement effectif ou imaginaire. Mais ? les bagages ne sont pas l?. Ils sont toujours ? Orly, murmurent-on informellement ? l?a?roport d?arriv?e. Aucun interlocuteur officiel de la compagnie a?rienne, aucune information formelle communiqu?e, comme c??tait d?j? le cas lors de l?embarquement ? Orly. Apr?s une autre heure d?attente, debout le long des tapis de bagages, on se r?solve enfin ? chercher refuge pour le reste de la nuit ? Oujda au lieu d?aller directement ? Sa?dia; car on n?avait ni pyjamas ni brosses ? dents ou tout autre accessoire de toilette, interdit, bien s?r, ? bord.
Le lendemain, aucune information possible par t?l?phone de la part des services de l?a?roport. Tous les num?ros "ne savent rien" et raccrochent sur le coup au nez. Il a donc fallu remonter le chemin de l?a?roport, juste pour un service d?information. Une fois sur place, et encore une fois, il n?y avait personne pour donner formellement de l?information, et rien n??tait affich? concernant le vol perturb? AT651. Le couple eut alors l?id?e de t?l?phoner ? la Fondation Mohamed V pour les MRE. Ce n?est que l? o? une personne surgit d?on ne sait o? pour s?adresser aux passagers du vol AT651, attroup?s et laiss?s jusque l? sans interlocuteur, en leur reprochant d?abord le fait que quelqu'un d?entre eux ait contact? la Fondation! Il leur annon?a s?chement ensuite que leurs bagages seraient dans quelques heures en route, mais re-rout?s sur Casablanca, d?o? ils seraient transf?r? ? Oujda vers minuit!
Que faire encore une fois, afin de faire red?marrer des vacances pay?es d?avance en partie et dont un dixi?me de temps s?est d?j? ?coul? dans l?angoisse et l?incommodit? la plus totale? Peut ?tre, continuer le route vers Sa?dia, tout au moins pour honorer le contrat de location en versant, ? temps, le reste du montant du loyer, mais aussi pour faire le shopping de remplacement de toutes les commodit?s de premi?re n?cessit? qui avaient fait un autre voyage dans les bagages (pyjamas, bosses ? dents, maillots de bains, serviettes, etc.) et dont on n??tait pas s?r de quand exactement on les auraient ? etc.
Ceci suffit comme sp?cimen de d?tail mais repr?sentatif de la fa?on dont on b?n?ficie des richesses nationales au Maroc, tant mat?rielles qu?immat?rielles, abstraction faite de la fa?on dont leur distribution sociale est faite.
En sortant de la ville d?Oujda dans la direction de l?a?roport et jusqu?? Sa?dia, on est impressionn? par le volume, ainsi que par la qualit? de ce qui a ?t? r?alis? ces toutes derni?res ann?es comme am?nagement et infrastructures le long de la nouvelle double voie. A Sa?dia elle-m?me, c?est encore plus impressionnant comme capitale et richesses. Mais c?est le comment de la valorisation de ce capital qui demeure la grande question.
D?j? au milieu du 20e si?cle, la discipline classique des sciences ?conomiques avait mis en avant, comme concept novateur, un nouveau secteur de l??conomie, dit secteur des services et promis d?j? ? l??poque pour devenir le nerf de l??conomie globale des ?conomies des ?tats modernes. Le lexique de cette discipline a suivit, et a consentit ? parler de "produits" s?agissant de ce nouveau secteur, au m?me sens que dans les autres secteurs (extraction et p?che, agriculture, industrie). Or, qui dit "produit" dit en m?me temps "valorisation" et "qualit?". Le fait que les standards de la nouvelle ?conomie reconnaissent un statut existentiel au capital intangible n?est donc en fait que l?approfondissement et l??largissement du concept de services potentiels offerts; que le client soit un consommateur ultime tout ? fait ? l?aval ou un nouvel investisseur producteur de biens ou de services. C?est cette derni?re ?quation, qui donne un sens ? la question qui sert de titre ? ce texte et qui porte sur la valorisation, la distribution mais aussi le maintien et l?amortissement de tout capital en richesses.
Il y a parfois ? parler dans ce sens, d?un disfonctionnement ? base culturelle, en ce qui concerne la conception de l?entit? et de la nature d?un capital, qu?il soit mat?riel (une flotte d?avions civiles par ex.) ou immat?riel (une marque commerciale comme RAM par ex.), allant des richesses naturelles jusqu?aux potentialit?s ? offrir des services et ? attirer des clients consommateurs ou ? attirer et rassurer des investisseurs, en passant par le capital en ressources humaines qualifi?es (dont les cadres MRE par ex.). C?est le disfonctionnement qui consiste ? ne jamais penser ? valoriser et fructifier un capital existant ou mis en place, ? en rationnaliser la mise en valeur et la distribution des fruits dans le sens d?une coh?sion sociale ? la fois m?ritocratique, comp?titive et de paix sociale et ? en assurer en m?me temps la p?rennit? par les diff?rents proc?d?s d?amortissement appropri?s ? chaque type de capital. C?est un probl?me de toute une culture de gestion d?un capital au sens large, quel que soit type de gestion: entreprise, administration ou politique.