La liberté de pensée ou le règne des émotions

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couv-charlie La pens?e, dans son acception interrogative, suppose la distanciation, le doute, l?analyse et l?esprit critique Il est difficile de pr?tendre ?tre libre de penser sans un contexte qui permet la libert? de la pens?e. Ainsi, le matraquage m?diatique, la manipulation politicienne de la communication et les nouvelles techniques de la mise en sc?ne de la violence produisent beaucoup plus d??motions et de r?actions tripales qu?ils n?offrent d??l?ments pour que la pens?e fasse le travail qui est le sien. D?j? en 1981, Foucault avait formul?, ironiquement parait-il, la question?: ? Est-il donc important de penser ? ?. Car, face au r?gne de l??motionnel, la pens?e semble d?savou?e, d?valoris?e voire m?pris?e, m?me dans des soci?t?s qui ont contribu? ? son rayonnement. Alors que dans le cas de notre soci?t? la situation est, certes, tragiquement diff?rente. La pens?e, dans son acception interrogative, suppose la distanciation, le doute, l?analyse et l?esprit critique. Elle est en opposition principielle ? la croyance, la doxa, l'?vidence et au dogme. Chaque domaine de la connaissance produit la pens?e avec des outils diff?rents : la philosophie par la raison dialectique, les math?matiques gr?ce au raisonnement d?monstratif, la physique recourt ? l?exp?rience, alors que le discours religieux fait appel ? la parabole et ? la persuasion rh?torique. Ainsi, la pens?e ne fonctionne pas de la m?me mani?re en raison des modes r?flexifs diff?renci?s des disciplines aussi bien que selon l?historicit? culturelle des pays et la place qu?ils donnent ? l?individu, ? la pens?e et ? la cr?ation. Si les Grecs ont permis des ouvertures immenses au questionnement philosophique et ? une certaine forme de d?mocratie, l?histoire des id?es philosophiques comme celle de la d?mocratie a permis de faire de la pens?e un acte r?flexif ? travers lequel l'homme a pu produire de grands courants philosophiques comme il a fait de la d?mocratie un syst?me politique, malgr? ses d?rapages et ses limites, qui garantit et la libert? d'expression de chacun et la r?gulation des diff?rences de croyance, d?opinions et d?id?es. La pens?e critique est une pens?e. Elle pr?suppose, quel que soient ses r?f?rences, la prise en compte des contextes de l?acte de r?fl?chir, le travail de d?voilement des d?ficits et des handicaps, comme elle montre les facteurs positifs qu?elle emmagasine. La pens?e critique, comme le nomme Mathieu Lipmann, est une pens?e noble, attentionn?e et cr?atrice. Le mode de vie qu?on choisit, qu?on produit et qu?on partage avec les autres, est inh?rent ? la qualit? des id?es et de la conception qu?on a de la vie. C?est pourquoi la philosophie doit, selon Deleuze, cr?er de nouveau mode de pens?e ou proposer de nouvelles conceptions ? l??coute du monde et de la vie. Dans ce sens, la philosophie ne peut-?tre autre qu?une ??critique??. Sauf qu?on se trouve affront? ? deux m?thodes critiques, aux yeux de Deleuze. La premi?re s?engage dans le questionnement des ??fausses pratiques??, comme dans le cas de ??fausses morales??, les ??faux savoirs??, les ??fausses religions??. Il s?agit de la conception ?labor?e par Kant dans sa Critique?; Il y a, par contre, une autre famille de philosophes qui ont opt? pour l??branlement de ce que le sens commun consid?re comme ??vrai??, et se sont engag?s dans la m?l?e de la d?construction des ??vraies morales??, de ??vraies croyances?? puisqu?on ne se contente pas de critiquer ce qui semble erron? tant qu?on ne fait mal ? personne ( la vrai critique c?est celle qui critique les formes et ne se contente pas, seulement, des contenus). Cette famille est compos?e de Lucr?ce, Spinoza, Nietzsche et ce que Paul Ric?ur appelle ??les philosophes du doute et du soup?on??. Ce qu?on cherche dans la philosophie, selon Deleuze, est une nouvelle image de l?acte de r?fl?chir et son mode du penser. (Gilles Deleuze, 2002). On vit, souvent, sur une image quelconque de la pens?e. Il se peut qu?on acqui?re, avant la r?flexion, une id?e floue de ce que veut dire l?acte de r?fl?chir ou de ce qu?elle contient comme moyens et objectifs. Mais le concept, en philosophie, est ce que constitue le son en musique, et la couleur pour le peintre. La finalit? du ??parcours conceptuel?? du philosophe est d?illustrer ce que Deleuze appelle ??les fonctions cr?atrices de la pens?e??. Or, on peut nuancer la pertinence de ces id?es deleuziennes en avan?ant que notre ?poque, au contraire, fragilise la pens?e et marginalise sa port?e critique ? cause de la standardisation des esprits, la mobilisation des affects, la production de nouvelles formes d?ali?nation, mais aussi de la limitation des marges de la libert? de pens?e. M?me dans les pays qui furent pionniers dans l?instauration des conditions de l?exercice de la pens?e libre.

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