société
Les nœuds conflictuels et le traitement médiatique ?
Jacques Derrida, dans ses r?flexions sur la t?l?vision, remarque que ??l?image t?l?vis?e livre, ou donne l?impression de livrer une repr?sentation imm?diate, comme d?subjectivis?, du r?el, c?est-?-dire une preuve, au contraire d?un t?moignage qui demeure inexorablement un discours ? la premi?re personne, ou un ??je?? s?exprime en son nom. Mais le paradoxe, c?est que le d?passement du biais subjectif inh?rent au t?moignage ouvre en m?me temps la possibilit? d?une manipulation encore bien plus grande?? (Echographie de la t?l?vision,1996).
Si les m?dias ne constituent pas, n?cessairement, un pouvoir,? ils exercent des effets certains et poss?dent des moyens, des techniques et des possibilit?s d?influence sur ?les comportements des gens. Leurs discours ?crits,? audiovisuels ou ?lectroniques, produisent? du sens. Par les contenus et par les formes. Les choix ?ditoriaux, les techniques stylistiques et de mise en forme sont d?terminants dans l??laboration des effets et parfois dans le matraquage des esprits. C?est pourquoi la forme dans les m?dias fait partie du contenu. Certains sp?cialistes des m?dias consid?rent que la ??vigilance d?ontologique va concerner ?galement les techniques et choix de forme, au point de s?int?resser non seulement ? l?habillage d?un article, par une titraille par exemple (titre, intertitre ..), mais m?me ? sa mise en page et ? l?impact de celle-ci sur le processus de lecture, ? l?impact suppos? du produit journalistique dans son ensemble, c?est-?-dire avec son contenu, sa forme et son positionnement dans l?espace du m?dia (support ?crit, audiovisuel, ?lectronique)?? (Naji). La forme dans les m?dias est aussi bien significative que le fond. Elle peut tromper, falsifier, et d?former ??la v?rit頻 que le journaliste pr?tend pr?senter au public. Le champ est extr?mement large et glissant dans le monde des m?dias, que ce soit la diversit? des supports ou de genres, dans la presse ?crite, audiovisuel ou ?lectronique, le reportage, le journalisme d?investigation ou l?enqu?te. Seul l?investissement individuel (de la personne du journaliste comme de son entreprise) reste d?terminant dans la pratique m?diatique.
On assiste ? des d?rapages inacceptables dans le traitement de l?actualit?. Ils ont toujours exist? et dans tous les supports. Mais ce que les chaines satellitaires arabes, par exemple, sont en train de commettre ? l??gard des t?l?spectateurs arabes est in?dit. Les pays du golfe, riches et conservateurs, financent des chaines qui se sont transform?es en artillerie lourde dans les ?v?nements que connaissent certains pays arabes. Avec un ?clectisme machiav?lique et des ciblages de pays elles ont compl?tement chamboul? leurs lignes ?ditoriales pour s?engager dans une strat?gie m?diatique guerri?re, appuy?e dans cela? par des moyens financiers abondants dans l?objectif de changer de r?gimes au nom des droits des peuples ? disposer de leurs destins par la d?mocratie, comme si ces pays ?taient ? l?avant-garde de la modernit? politique.
C?est pourquoi, et ? cause de ces d?rapages sur les plans ?thique et professionnel, il est de plus en plus difficile de justifier l?usage des m?dias comme moyens d?instrumentalisation et de d?formation des faits et des ?v?nements, voire l?incitation au meurtre sur la base de ??tout dire, tout se permettre?? et au nom de la libert? de l?expression. Que ce soit un ??code d?ontologique??, un texte de loi, une instance de r?gulation il est important d?instaurer des m?canismes de surveillance qui permettent aux m?dias d?exercer leurs m?tiers en toute libert? mais en garantissant des informations honn?tes et cr?dibles.
Il est ?vident de dire que les m?dias sont des moyens d?expression redoutables. Ils sont? des instruments de responsabilisation, des canaux d?implication civique et des armes de d?nonciation de la corruption comme ils peuvent ?tre de v?ritables machines de guerre pour prot?ger des int?r?ts ou d?truire un adversaire. C?est pourquoi le droit et la justice sont plus que n?cessaires, non pas pour limiter la libert? d?expression mais pour r?guler ou inciter les professionnels ? s?autor?guler dans l?exercice des m?tiers de l?information, sans pour autant tomber dans la ??judiciarisation?? qui traque l?activit? des journalistes. Claude-jean Bernard dans son livre ??la d?ontologie des m?dias?? s?interroge?:???comment? amener le journaliste comme tout ?tre humain ? se bien comporter?? On peut envisager que s?exerce sur lui trois types de pression. Sa perversit? entraine que, dans l?int?r?t de ses semblables, il doit ?tre soumis ? une pression physique externe. Sa noblesse fait qu?il est sensible ? la valeur de certains principes et donc ? une pression morale interne. Son ambivalence am?ne ? esp?rer qu?une pression morale externe suffise; c?est-?-dire celle qu?exercent des r?gles d??thique professionnelles, dont la violation par un individu, lui vaut la r?probation de ses pairs et le m?pris des usagers?? (Naji).
Il y a une diversit? d?attitude parmi les journalistes eux m?me. Si personne ne remet en question le droit du journalise ? faire son travail dans la libert? afin de fournir aux publics les informations qu?il estime ?tre int?ressantes pour la communaut?, on trouve, par contre ,des journalistes qui d?fendent l?id?e d?attribuer aux tribunaux ,et aux juges ,une fonction r?gulatrice, voire le pouvoir de surveillance d?ontologique,? allant m?me jusqu?? consid?rer le juge comme??? un alli? et un garant de la d?ontologie des m?dias?? (Naji). En tout cas, ? la lumi?re? des codes, des chartes et des d?clarations que les pays d?mocratiques ou pas ont produit, la majorit? pr?ne l?autor?gulation et la gestion des d?rapages professionnels par les responsables des m?dias eux-m?mes dans le respect de l?honn?tet?, de l?exactitude et du sens de la responsabilit?.
Si les m?dias ont besoin d?autor?gulation et de chartes ?thiques pour pr?venir les diff?rentes formes de transgression des r?gles professionnelles, ?viter la diffamation, l?injure, et l?atteinte ? la dignit? de la personne par l?usage de proc?d?s contraires ? la mission d?informer et aux fonctions p?dagogiques, civiques et politiques des m?dias, la justice, aussi, est un acteur institutionnel majeur dans la r?solutions des conflits par des jugements conformes ? la loi, r?gis par l??galit? et l??quit? en traduisant ces principes g?n?raux et en donnant ? chacun ce qui lui revient. La justice, si elles s?exercent dans les conditions d?ind?pendance et d?impartialit?, est une ??vertu??, li?e, id?alement, ? l?id?e du Bien. Elle a aussi une dimension sociale dans ses efforts pour assurer le vivre ensemble et un r?le politique certain dans la mesure o? tout le monde en d?mocratie, journaliste compris, est appel? ? respecter la loi et le dispositif judiciaire est l? pour apporter des? ajustements ou des r?parations ? toute transgression de loi.
Il n?y a pas de communication en soi, et chaque activit? m?diatique devrait r?pondre ? un mod?le culturel ou les acteurs de l?acte communicationnel peuvent ?changer un langage commun. L?institution judiciaire a ?t? amen?e, elle aussi, ? adapter ses sanctions aux pratiques sp?cifiques des m?dias en int?grant des modes de traitement ad?quats pour r?soudre les conflits ou les manquements que les m?dias peuvent produire.
Les soci?t?s sont construites autour des ??n?uds conflictuels??, comme les diff?rences d?interpr?tation de l?histoire, la question de la langue, de la religion ou le statut de la femme. Ce sont des n?uds r?els dans les soci?t?s en transition, comme la n?tre. Les m?dias audiovisuels et la justice peuvent contribuer ? ??g?rer?? ou ? contourner ces ??n?uds conflictuels?? et contribuer, ainsi, ? la coh?sion sociale, la paix civile, le renforcement de l?identit? collective, l?appartenance citoyenne et ? la consolidation de la d?mocratie.