A LA RENCONTRE DE MONTAIGNE, ET D’AUTRES – Par Gabriel Banon

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La chair, aujourd’hui, est devenue une chair platonicienne, autrement dit, une chair désincarnée, idéalisée, artificialisée. Elle n'est plus, comme dans Gargantua, la chair qui mange et boit […] elle n'est plus la chair d'un homme qui est un ogre ou d'une femme plantureuse, elle n'est plus sexuée ou sexuelle, avec braguette ou corsage, barbes ou poitrines, elle est une chair artificialisée.

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LES ECOLOGISTES, UNE CATASTROPHE MONDIALE – Par Gabriel Banon

A tout seigneur, tout honneur : Montaigne a libéré la façon de penser, des pesanteurs religieuses.  En clair, il a inventé la laïcité. Dieu existe, Montaigne y croit vraiment, sincèrement, mais il estime : s'il est catholique c’est parce que né en France et que, né en Perse, il aurait été musulman, ou protestant s'il avait vu le jour en Allemagne. 

Il a l’ambition de nettoyer la religion catholique des non-sens accumulés avec le temps. Il nie les miracles, le pouvoir donné aux médailles, à l'idéal ascétique, à la nécessité de convertir les peuples du Nouveau Monde, à la chasse aux sorcières, aux indulgences. Il se veut un Moderne qui va remettre à l’honneur les écoles de sagesses antiques : le scepticisme, stoïcisme et épicurisme. C’est ainsi qu’il révolutionne la pensée en créant le monde moderne et en incarnant le premier, l'esprit français.  

Il invente une forme nouvelle d’écriture : « l’Essai ». Ce nouveau style abolit les formes impossibles, pratiquées par l'université française.  

L’œuvre théologique de saint Thomas d'Aquin est un édifice aussi compliqué que le Talmud des Juifs.  La pensée scolastique, philosophie enseignée au moyen-âge, n’avance plus depuis. Elle permet de prouver tout et son contraire, comme les fantaisies les plus extravagantes. Pour moquer cette façon de faire devenue folle, Montaigne écrit : "Le jambon fait boire, le boire désaltère, par quoi le jambon désaltère" (Essais, livre I, chap. XXVI). On ne peut mieux faire s'effondrer l'édifice vermoulu de la pensée scolastique qu'en montrant avec cet apparent syllogisme que la logique médiévale est à dépasser au profit d'une liberté de ton qui est celle de l'essai, une forme typiquement française. Il est le promoteur de la ligne claire en philosophie.  

Notre époque ne permet plus, hélas, d'être rabelaisien, cartésien, voltairien, de pratiquer le marivaudage et de se réclamer de l'idéal de Victor Hugo. Le modernisme, les droits de l’Homme, la libération des mœurs et l’égalité homme/femme, ont taillé en pièce, jour après jour, tout cela. Ce qui faisait la civilisation judéo-chrétienne n'est plus défendable de nos jours, sauf à passer pour un conservateur, voire un réactionnaire, quand ça n'est pas pis : un vichyste, visant à réactiver l'atmosphère-nauséabonde-des-heures-les-plus-sombres-de l’histoire de France.

 Rabelais, par ses écrits allant jusqu’à la caricature, manifestait le retour du refoulé chrétien. La chair, aujourd’hui, est devenue une chair platonicienne, autrement dit, une chair désincarnée, idéalisée, artificialisée. Elle n'est plus, comme dans Gargantua, la chair qui mange et boit, qui pisse et défèque à grand bruit, qui ripaille et couche, qui rote, pète et rit, elle n'est plus la chair d'un homme qui est un ogre ou d'une femme plantureuse, elle n'est plus sexuée ou sexuelle, avec braguette ou corsage, barbes ou poitrines, elle est une chair artificialisée. 

C’est une cire vierge sur laquelle il suffirait d'apposer un tampon volontariste pour lui donner un sens. C’est ainsi qu’on parvient à nier les évidences.  Il n'existerait donc plus d'hommes ou de femmes naturellement : plus de mâle ou de femelle, plus d'homme avec ses attributs et plus de femme avec ses avantages. La nouvelle religion, la défense de la nature, procède de la méconnaissance des réalités, orchestrée par des gurus urbains et parisiens. Ceux de l'existentialisme ont été la défense des minorités, au détriment des majorités, coupables d’exister. Ils font dire désormais qu'on choisit son sexe et qu'on a beau être né génétiquement, anatomiquement, physiologiquement homme, si l'on décide qu'on est une femme, on en a le droit ; on le veut, donc on l'est.  Par ailleurs, on impose à cette même dame nature, qui leur dénie, « le droit à l’enfant » pour deux hommes ou deux femmes en couple.

Cette indifférenciation sexuelle amène une artificialisation des corps qui mène au commerce dans un univers homogène, transformé en supermarché où tout s'achète et se vend. C’est les signes annonciateurs du transhumanisme pour qui un corps est une machine, qu’on produit désormais comme on produit : des steaks sans viande ou des viandes sans animaux.  

La reproduction, sous prétexte d'égalité entre les hétérosexuels et les homosexuels, devient artificielle.  A la présidente d'une association défendant les principes de la famille traditionnelle, autrement dit, un père et une mère pour un enfant, le président de la République française, Emmanuel Macron, a dit : « Votre problème [sic], c'est que vous croyez qu'un père, c'est forcément un mâle. » Si c'est un problème de souscrire au réel et à l'évidence, alors la raison n'a plus droit de cité dans le monde macronien !  

Le délitement de la civilisation judéo-chrétienne s'est accéléré par le manque d’hommes et de femmes capables de défendre l’intérêt général et non catégoriel. La professionnalisation de toutes les activités humaines, incluant la politique, a tué les idéaux au profit d’un réalisme qui se résume souvent à une simple arithmétique électorale.  

 L’irruption de Descartes laïcise la pensée et demande à la raison, plutôt qu'à Dieu, de rendre compte du monde. La philosophie des Lumières fait un usage abondant de la Raison contre le christianisme et son Dieu. La Raison, poussée jusqu’à l’absurde, aboutit à la philosophie politique du XIXe qui, après la Révolution française, invente le socialisme, le communisme et l'anarchisme,  le droit de choisir son genre, le mariage entre personne du même sexe,  et autres applications du respect des libertés de choix des individus, tout cela a grignoté l'édifice judéo-chrétien comme les termites grignotent la charpente d'une cathédrale.

Sommes-nous à la fin de la civilisation judéo-chrétienne ? Après plus de deux mille ans, le judéo-christianisme a-t-il fait son temps ?

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