société
En Allemagne, les Cannabis Social Clubs fébriles avant la légalisation des joints
Heinrich Wieker, directeur du Cannabis Social Club de Hanovre, dans le nord de l'Allemagne, le 23 août 2023. Le club de cannabis de Hanovre fait depuis longtemps campagne pour obtenir le droit d'allumer légalement des joints. Aujourd'hui, le groupe, et d'autres comme lui, prospèrent alors que l'Allemagne s'apprête à légaliser la marijuana. (Photo de Céline LE PRIOUX / AFP)
A sa fondation en 2016, le Cannabis Social Club de Hanovre rêvait de voir les joints autorisés en Allemagne. Ses neuf membres manifestaient, militaient sur les marchés de Noël et festivals et...fumaient en cachette.
Or, la légalisation du cannabis attendue pour l'an prochain, suite à l'adoption d'un projet de loi par le gouvernement, devrait chambouler la vie de la petite association: ses adhérents, dont le nombre a déjà bondi, pourront cultiver ensemble leur herbe et la consommer, sous certaines conditions et en petite quantité.
Les Cannabis Social Clubs sont en effet au coeur du projet.
Les membres (au maximum 500) de ces associations à but non lucratif pourront faire pousser du cannabis, uniquement pour leur propre consommation, à raison de trois plants par personne, sous la surveillance des pouvoirs publics.
Ils n'auront cependant pas le droit de fumer à l'intérieur du club et à moins de 200 mètres de celui-ci.
25 grammes par jour
Chaque adhérent pourra s'approvisionner auprès de l'association à raison de 25 grammes par jour et au maximum 50 grammes par mois. Pour les jeunes âgés de 18 à 21 ans, ce sera un peu moins: 30 grammes par mois.
Cette perspective a fait grimper en flèche le nombre de Cannabis Social Clubs, qui sont désormais une centaine en Allemagne, et les demandes d'adhésion de celui de Hanovre, l'un des plus vieux du pays, ont explosé.
"Au cours de ces derniers mois, près de 800 personnes nous ont contacté" raconte son fondateur, Heinrich Wieker, un ancien ingénieur électricien de 58 ans. Pour l'instant, il n'en a accepté que 57.
"Je veux les connaître. Je dois les intégrer à l'équipe et leurs attribuer une tâche", explique-t-il à l'AFP, avant d'ouvrir en fin d'après-midi l'une des deux réunions hebdomadaires du club, dans un espace de coworking, loué à l'heure à une maison de quartier.
Sept personnes y participent ce jour-là. Aucune effluve de joints n'émane de la pièce qui ressemble davantage à un lieu ordinaire de travail avec ses bureaux, ses ordinateurs et son tableau blanc qu'à un endroit de détente. Si ce n'est la présence d'un canapé.
Endroit où cultiver
Ce jour-là, il est notamment question d'agriculture et de prévention des cas d'addiction. "Dimanche, nous sommes allés voir à Hanovre un endroit où nous pourrions éventuellement cultiver", raconte Oliver W., électricien de 48 ans à la retraite.
"Soit nous cultivons sous des lumières artificielles des plants dans de petites cabines", souvent déjà utilisées en cachette, explique Heinrich Wieker.
Autre option: "avoir une grande plantation à l'extérieur, ce que personnellement je préfère car c'est la méthode la plus durable", ajoute-t-il.
Style hippie, chemise batik et sandales oranges assorties, Heinrich Wieker qui a travaillé auparavant dans l'industrie pharmaceutique, chimique et automobile, a fondé au même moment que le club sa propre entreprise de fabrication de machines pour récolter les fleurs de cannabis.
Prévention
Pour l'instant, l'adhésion au club coûte à chaque nouveau membre 20 euros, auxquels s'ajoute une cotisation mensuelle de 5 euros. Ce prix, qui couvre essentiellement la location du local, devrait forcément augmenter s'il inclut la fourniture de la drogue.
Selon M. Wieker, la solution la plus simple serait de vendre au gramme le cannabis aux adhérents: "Celui qui utilise beaucoup le club devrait davantage payer que celui qui en fait rarement usage", résume-t-il.
Selon lui, le prix devrait osciller entre 5 à 15 euros le gramme, afin de couvrir les coûts de production, soit en gros ce qu'un consommateur débourse en pharmacie ou dans la rue. Oliver W. l'imagine à 8 euros.
Dans le projet de loi est également prévu que chaque club ait un membre chargé de la prévention de tout comportement addictif.
Dans celui de M. Wieker, s'est déjà formé un groupe d'entre-aides parmi des membres auparavant dépendants à différentes substances dont l'alcool ou l'héroïne.
"Nous sommes attentifs à toute consommation problématique", affirme-t-il, précisant que le club est en contact avec une association d'aide aux drogués.
Alors que le cannabis restera interdit aux moins de 18, M. Wieker dit en outre vouloir proposer des conseils aux parents confrontés à l'addiction de leurs enfants. (AFP)