HOMMAGE AU PROFESSEUR TAÏEB CHKILI : L'ETHIQUE DE RESPONSABILITE ET DE CONVICTION - Par Mustapha SEHIMI

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"Si Taïeb" ? C'est au fond une marque. Un label. Discret mais pas effacé, pudique, il prend le temps de 1’écoute des autres, argumente, s’emploie à convaincre. Un esprit dialecticien lié sans doute à son tempérament personnel mais aussi à ses inclinations politiques - celles du PPS. NDLR à ce sujet : A l’hommage qui lui a été rendu, on aura remarqué l’absence de Nabil Benabdellah, SG du PPD (inexcusable quelles que soient les circonstances), des camarades Nezha SKalli, Abdelouahed Souhail et Abd

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L’Académie Hassan II des sciences et des techniques a tenu une journée d’hommage à l’un de ses membres, le 11 mai courant, le professeur Taïeb Chkili. 

Une dizaine d’interventions - académiciens, anciens, ministres, confrères... - ont présenté les multiples pans d'une personnalité de premier rang qui s'est distinguée notamment dans deux domaines : la médecine et son enseignement, l'éducation et la recherche. Le secrétaire perpétuel de cette Académie, le professeur Omar Fassi-Fihri, a ainsi retracé le long parcours et la "personnalité multidimensionnelle de "Si Taïeb". Des engagements. Des convictions aussi. Un militant. Un homme de science également. Une vie, des vies plutôt...

"Mandarin"

Sa carrière professionnelle, après un doctorat de neuropsychiatrie à l'université de Toulouse, commence en 1969 au CHU Ibn Sina de Rabat comme chef de service de neurologie et de neurophysiologie clinique puis se prolonge comme doyen de la faculté de médecine et de pharmacie de Rabat (1981-1988). Il a ensuite pris la direction de l'hôpital des maladies mentales de Salé. Le Roi Hassan II le nomme ministre de l'Education nationale en 1988, fonction qu'il exercera jusqu'en 1993. Il y a laissé sa marque, en particulier pour ce qui de la réhabilitation de l'enseignement technique. De 1993 à 1997, il est vice-chancelier de la nouvelle Université Al Akhawayne d' Ifrane, une institution dont il avait élaboré le modèle pédagogique, l'ancien ministre Mohammed Kabbaj se voyant confier, lui, la conception architecturale. En 2006, il a été nommé par le Roi Mohammed VI membre résident de l'Académie qui lui rend hommage.  Un cursus qui s'est poursuivi avec la fonction de Président de la Fondation Marocaine pour la Promotion de l'Enseignement Préscolaire qu'il occupe aujourd'hui. Un mandarin ? Sans doute, mais un mandarin progressiste. 

La recherche est son autre domaine de prédilection. Le grand public ne sait pas qu'il a été, durant des années, rédacteur en chef de revues médicales spécialisées ; qu'il a aussi publié pas moins de 170 articles dans des publications scientifiques sur la neurologie et la psychiatrie - certaines internationales ; qu'il a également formé des centaines de psychiatres et de neurologues ainsi que des milliers d'étudiants. Enfin, ses activités de conférencier se sont déployées au Maroc et dans de nombreux cercles académiques et autres à l'étranger. Il faut y ajouter une réflexion approfondie dans son livre publié en 2016 : "Renforcer l'école marocaine et renforcer la compétitivité de l'université marocaine, pourquoi et comment".

Un crédo: la réforme

"Si Taïeb" ? C'est au fond une marque. Un label. Discret mais pas effacé, pudique, il prend le temps de 1’écoute des autres, argumente, s’emploie à convaincre. Un esprit dialecticien lié sans doute à son tempérament personnel mais aussi à ses inclinations politiques - celles du PPS. Le cap, une claire vision de ce qu'il faut faire mais sans dirigisme ni dogmatisme. Le cœur à gauche - toujours ! - mais sans le "populisme" des uns ni les postures des autres. La réforme, la réforme toujours : tel est son crédo. 

Il y tant à faire, dans le Maroc des précédentes décennies et plus encore sans doute dans celui de ce début de siècle tellement heurté. Prévaut chez lui l'exigence d'une méthodologie rigoureuse de travail. Elle est à ses yeux nécessaire pour construire une vision d'avenir sur la base d'objectifs précis et cohérente à réaliser. Une gouvernance qu'il a pratiquée et qui s'articule autour de ces préoccupations : ne pas évacuer les "résistances" au changement, la concertation et la délibération puis la décision même en cas de défaut de consensus, la prise en compte de ce qu'il appelle "des situations réelles, des attentes légitimes, des ambitions individuelles et collectives, des ressources humaines..." Sans oublier la redynamisation d'un appareil administratif souvent lourd et complexe (information, sensibilisation, formation, rationalisation des ressources humaines,...). 

Il a réussi un "mix" du double concept des formes d'éthique politique dégagées par le sociologue allemand Max Weber : celle de responsabilité qui se rapporte à une fin, à un but poursuivi, avec la prise en compte des moyens et de leur efficacité ; celle de conviction aussi soucieuse de valeurs, de normes, en cohérence avec des convictions. Chez "Si Taïeb", elles se complètent. La communauté scientifique lui en sait gré - la communauté politique des décennies passées aussi...