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''Le ciel carré'', de Mohamed Serifi, alias Rojo, ou l’art de taire ''la tyrannie ordinaire'' d’Ilal Amam ! – Par Abdelaziz Tribak
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Fin des années 60-début des années 70, les premières générations de jeunes lauréats ou de scolarisés d’après l’indépendance arrivent sur la scène. Pleins de dynamisme, de bonne volonté et d’envie trépignant d’impatience. Autour d’eux, le monde bouillonnait. S’engage une époque peuplée de drames collectifs et individuels
Mohamed Serifi, alias « Rojo » a finalement sorti son livre-témoignage. Il en a le droit comme tout un chacun des gars ayant vécu cette expérience politiquement et humainement traumatisante, de l’organisation gauchiste « Ilal Amam » dans les années 70 du siècle dernier. Il a le droit de se présenter en « Jean-Jacques Guevara » ou en « Ernesto Che Rousseau », c’est son écrit. Mais j’ai, aussi, le droit de le commenter, parce que j’ai partagé de longs pans de cette histoire, et surtout parce que « Rojo » m’a fait « l’honneur » de me citer deux ou trois fois. Une rectification s’impose…
Cela fait un bon moment que j’attends un livre-témoignage d’un ancien camarade de « Ilal-Amam » qui défend « la ligne politique » de cette défunte organisation et sa pratique quotidienne d’antan, notamment en prison. Mais ce n’est pas pour aujourd’hui. Le plus proche de « glorifier » cette ligne est à ce jour le camarade Mohamed Serifi « Rojo », dans son livre paru tout récemment « Le Ciel Carré ».
Je ne ferai pas une analyse littéraire du contenu, il y a des spécialistes pour cette tâche. Même s’il me parait que la narration est inégale, « lyrique » parfois, et très « terre-à-terre » souvent, comme si le livre a été rédigé par deux personnes différentes. De même, la narration ne me parait suivre aucun fil, ni celui du temps, ni celui des faits. Elle a l’air éclatée, confuse... Je dirais qu’elle a été rédigée selon l’impulsion du moment, au petit bonheur. Bref, pour ceux qui l’ont connu, du « Rojo » « hyperactif » dans le texte !
Parlons « politique » et là, il faudrait que quelqu’un m’aide à comprendre ! « Rojo » nous dit qu’il s’était éloigné, en prison, de l’organisation (Ilal Amam) qu’il taxe « d’infantilisme de gauche » (P.182), plus loin il nous dit dans un souffle quasi « mystique », qu’il l’avait quittée sans vraiment la quitter et qu’il partage toujours ses idéaux et ses luttes (P.206), mais lesquelles ? Qui croire, le Kamarade « Rojo » ou Mister Mohamed Serifi ?
Fin des années 60-début des années 70, les premières générations de jeunes lauréats ou de scolarisés d’après l’indépendance arrivent sur la scène. Pleins de dynamisme, de bonne volonté et d’envie de participer à la marche du pays, Cependant le paysage politique est « bloqué » par « l’état d’exception », installé depuis 1965, comme conséquence des luttes pour le Pouvoir qui ont fait perdre des années au Maroc depuis son indépendance. Ces jeunes trépignaient d’impatience et incriminaient (souvent injustement) les partis politiques de gauche, accusés d’immobilisme... Le monde bouillonnait aux alentours, au Vietnam, en Chine par sa « Révolution Culturelle », en Palestine qui voyait l’émergence de forces palestiniennes décidées à prendre leur sort en main… Le clivage Ouest/Est attisait les feux qui couvaient partout…
Des organisations marxistes-léninistes clandestines virent le jour (« Ilal Amam », « 23 Mars » et « Linakhdoum achaab »), prônant rien moins que l’édification d’une « République démocratique populaire », au bout d’une « guerre populaire de libération » dirigée par un « parti prolétarien » à créer « sous le feu de l’Ennemi ». A part s’accaparer du syndicat étudiant l’Union Nationale des Etudiants du Maroc (UNEM), quelques grèves estudiantines ou lycéennes à gauche et à droite, le reste ne dépassa jamais le stade de l’écrit fiévreux. Malgré les lourds sacrifices de ces jeunes, payant de leur liberté, ou de leur vie parfois, leurs écumes théoriques révolutionnaires ».
« L’Ennemi », lui, qui connaissait une lutte politique implacable à son sommet (deux tentatives de coup d’Etat en une année), a déroulé l’artillerie lourde et une réaction démesurée (arrestations et tortures. Longues peines de prison…), mais qui collait à son contexte historique où la « sérénité » politique n’était pas le bien commun le mieux partagé…
De la dictature gauchiste en prison
En prison, et au lieu de rendre compte, de revoir la ligne politique suicidaire de « Ilal Amam », et de trouver une sortie politique responsable à cette impasse, libérant des centaines de braves jeunes, quelques camarades toujours « engagés » pour ne pas dire « enragés », ont choisi la fuite en avant, encore et toujours. Un « putsch organisationnel » a livré la direction de l’organisation à des seconds couteaux, sans expérience politique ni même humaine, assoiffés de « Pouvoir » et menant une course effrénée vers le « martyre » par des grèves de la faim répétitives, visant à transformer la prison en « citadelle combattante », alors que c’est dehors que la politique réelle se passait…Ils imposèrent une dictature « rouge », intense, sur le reste des troupes. De vraies « années de plomb rouge » qui ont étouffé l’ensemble des détenus jusqu’à l’arrivée du « Printemps de la prison centrale de Kénitra (PCK) », en 1979, qui a réduit « Ilal Amam » en une poignée d’extrémistes, en libérant le reste de la troupe de son emprise.
« Ce dévoiement monstrueux de l’idéal révolutionnaire s’était également développé en un déchaînement inquisitoire à l’encontre de ces deux camarades qui avaient commis le crime d’en appeler à la raison sur ce projet de grève suicidaire. Contrôle de leur panier familial, interdiction d’avoir la radio, campagnes de dénonciation politique et, pour couronner le tout, calomnies sur leur vie privée et celle de leur famille… », nous dit Serfaty dans son livre, comme s’il en avait pâti lui-même (La mémoire de l’Autre, p. 190) …
Faut-il rappeler à « Rojo » ce qu’il s’est permis d’omettre tout « marxiste-humaniste » qu’il se définit, durant ces années de dictature « amamienne » ? (Voir mon livre « Ilal Amam, autopsie d’un calvaire » et le livre de Serfaty cité plus haut livre) ? : Exactions, harcèlement moral, isolement, diffamation…des « opposants » et de leurs familles, fouille de leurs « paniers » et saisie d’objets personnels, interdiction de posséder des transistors ou des journaux aux camarades « dissidents » … Et j’en passe !
Ce fut le délire ‘’ révolutionnaire’’. Une période de terreur noire ajoutée aux propres tracas de la prison. L’un des camarades dira, une fois « calmé » son zèle révolutionnaire après « Le Printemps de la PCK » (1979), que s’ils avaient eu des armes lors de cette période noire, ils auraient exécuté ces « dissidents » !
Et comment « Rojo » nous explique-t-il, presque 50 ans après, cette époque de terreur et de dictature exercée par « Ilal Amam », en prison, sur ceux de ses militants (condamnés aussi à de longues peines) qui osèrent demander une vraie autocritique de la ligne suicidaire de l’Organisation ?
« Rojo » nous dit, en réponse au fait d’avoir été « staliniste » et d’avoir fait preuve de dictature contre les opposants à la ligne suicidaire d’« Ilal Amam », que non. Que s’il avait fait preuve de « sévérité » parfois, c’était juste pour maintenir la flamme militante dans le groupe en vue de lutter fermement contre l’administration, notamment à propos des grandes grèves de la faim (P203 et 207). Il nous informe qu’avec une dizaine d’autres camarades (lesquels et qui les a désignés ?), ils constituaient en quelque sorte un genre « de tour de contrôle » du moral des détenus et qu’ils intervenaient là où cela battait de l’aile (P200). Une sorte de « police politique », en somme, bien dans la ligne stalinienne qui aime à maitriser même l’âme des gens.
Cette fausse explication de la nature du « stalinisme » appliquée en prison sur des camarades, qui avaient sacrifié leurs vies pour « Ilal Amam », n’a qu’un seul sens à mon avis, c’est que ces actes perpétrés en plein délire révolutionnaire intra-muros pèsent encore lourdement de leur poids absurde sur le dos du camarade « Rojo ». « Estoy en paz con los hombres ; y en guerra con mis propias entrañas » (Je suis en paix avec les hommes, et en guerre avec mes propres entrailles), écrit-il à la page 257 reprenant des « versets Bibliques Romains ». La paix avec les hommes je ne sais pas l’ayant perdu de vue depuis longtemps, mais avec ses entrailles « Rojo » en aura des guerres pour toujours à cause de ce « stalinisme ordinaire » …
Les grévistes n’avaient nul besoin de ce genre d’intervention pour obtenir leur adhésion à la grève. Nous étions remontés à cran contre les sentences terribles du procès (des « perpètes », des 30, 20, 10 ans de prison à profusion…). Et puis il régnait une forte envie de « rachat » parmi ces jeunes camarades après la « déconfiture » générale des commissariats. La plupart étaient prêts à aller jusqu’au bout pour donner un sens à leur engagement politique. Sans oublier que pour militer ces temps-là, surtout à gauche et encore plus dans une structure clandestine, il fallait vraiment avoir du courage à en revendre, « los cojones bien puestos » (« Rojo » comprendra). Personne parmi les grévistes n’avait besoin de ces « suppositoires d’enthousiasme » (comme on les nommait à la PCK) dont parle « Rojo ».
En relation avec cette première grève, le Grand Mensonge de ces nouveaux camarades apprentis « dirigeants » fut son objectif : Tout le monde a été embarqué dans cette grève à mort pour un objectif bien clair : Améliorer nos conditions de détention. Mais, les camarades « dirigeants » avaient, sûrement, jugé que « l’intérêt de la Révolution » passait par la mutation de ses objectifs, à l’insu de tous.
Ainsi, le camarade « fifty-fifty » (P.114), Nouda pour ne pas le nommer, qui n’a fait aucune de ces deux grèves sous prétexte qu’il était « malade », a été chargé d’exfiltrer un « communiqué » politique présentant la grève comme étant un acte de solidarité avec la pseudo-Rasd. Ce communiqué, impossible du fait de la participation à la grève des militants du « 23 Mars-Droite » qui étaient pour la marocanité du Sahara, a été conçu et diffusé à l’insu des concernés. Et bien sûr il a eu son « écho » à la radio libyenne, algérienne et sur les ondes octroyées aux séparatistes en Algérie.
Résultat, une grève routinière qui ne devait pas dépasser une quinzaine de jours selon les fausses analyses des camarades « dirigeants », a duré 45 jours, entrainant la mort de Saida Menebhi (décédée après 32 jours de grève) et des complications de santé que certains camarades (passés à deux doigts de la mort) allaient trainer à vie… Ce n’est que bien après cette grève que l’ensemble des camarades ont connu cette supercherie politique, et en plus des autres erreurs dilettantes commises, « Ilal Amam » allait en payer le prix fort lors du « Printemps de la PCK» …
Je dois aussi, rappeler à « Rojo » sa gaffe très stalinienne dont il ne s’est jamais excusé, même après la chute du « mur idéologique » et l’éclatement de « Ilal Amam » … Après la grève des 45 jours, nous avons séjourné à l’hôpital Idrissi,de Kénitra, pour un long moment, ce qui a permis des retrouvailles élargies avec les autres camarades dont nous étions séparés en prison… Amine Mechbal, mon ami de Tétouan, était dans un état critique, quasi moribond, et je lui rendais visite dans sa chambrée, vu qu’il ne pouvait se déplacer … C’est le moment qu’a choisi « Rojo » pour venir le dénigrer. Il me fit un speech enflammé. Il fulminait contre les « éléments de Droite » qui avaient perdu toute « combativité » et qui n’avaient d’autre préoccupation que de mettre des bâtons dans les roues de la « Révolution » et des camarades qui avaient, encore, le souffle pour porter le flambeau de la « Révolution », et il me désigna Amine, un tas d’os qui gisait sur son lit au milieu de la salle ! Cela me fût pour moi un choc électrocutant. Comment pouvait-on dire de quelqu’un quasi mourant, après quarante-cinq jours de grève de la faim, qu’il manquait de « combativité » ? Il voulait me monter contre l’un de mes meilleurs amis dont je connaissais la valeur… Pour un « marxiste-humaniste », c’était raté !
Des grèves de la faim et des mensonges
Nous n’étions pas encore remis physiquement de la première grève, en ce début février 1978, et toujours à l’hôpital quand les « camarades dirigeants » nous annoncèrent que « le Régime » avaient « renié ses engagements ». Il fallait, donc, remettre nos panses à zéro. Mais, cette fois-ci, et comme le « Régime » « était sur les rotules », nous expliquèrent-ils doctement, il fallait ajouter une autre revendication : celle de la promulgation d’un « statut fondamental du détenu politique ». Les camarades du « 23 Mars » (la « Droite ») refusèrent de se joindre à cette grève, c’étaient des militants, pas des kamikazes. En plus, ils étaient échaudés par le « communiqué » traitre de la première grève, les reliant à leur insu au soutien de la RASD, eux qui étaient pour la marocanité du Sahara ! Les autres détenus politiques de la PCK, dont ceux marxistes-léninistes « amamistes », censés être concernés eux-aussi, ne suivirent pas, Serfaty non plus dans son isolement casablancais…
Pour moi, c’était « marche ou crève ! Cette deuxième grève me paraissait absurde, mais je ne pouvais ni le dire, ni la refuser pour ne pas être taxé de « droitier » ou de « dégonflé », ce que je n’étais pas. Je devais subir une intervention chirurgicale le jour même où la grève allait débuter, mais j’ai refusé de la faire et on me fit revenir du bloc opératoire pour rejoindre mes autres camarades grévistes. Par solidarité. Ce n’est pas « la combativité » qui nous manquait !
Sur cette grève folle et inutile, sauf dans l’optique « infantile-de-gauche », qui s’est terminée en eau de boudin, « Rojo » (l’un de ses promoteurs et dirigeants avec Fakihani, Benzekri et Haissane)), se montre fuyant dans son ouvrage et évite de dire qu’elle a été un échec total sanctionné par un arrêt brutal suite à des remontrances du camarade Serfaty (La mémoire de l’autre, P.190). Le « Régime », qui en avait marre, a eu la bonne idée d’emmener les quatre « meneurs » se faire remonter les bretelles chez Serfaty à la prison Ghbila de Casablanca (L’unique bonne décision politique que je connaisse à Serfaty en prison). Ce qui sauva la vie, sans aucun doute, à quelques camarades…
Malheureusement, le camarade « Rojo » n’avait pas à l’époque la lucidité de dire ce qu’il met dans son livre presqu’un quart de siècle plus tard, après avoir « quitté Ilal-Amam sans la quitter » (?) :
« La politique est un vernis qui craque avec ce fichu temps qui passe. Les analyses politiques sur les compradores, sur la finance internationale, la théorie… Tu oublies un peu tout cela. Nous n’étions plus alimentés par l’actualité du dehors. L’engagement politique est une réaction contre les évènements du réel. Être politique, c’est se positionner face à des circonstances particulières. Mais en prison, malgré tous nos efforts pour obtenir des informations venant de l’extérieur, nous étions presque complètement déconnectés de la vie. Nous n’étions plus que dans le présent… mais nous n’étions plus acteurs » … (P.141 de son livre)
Il était très occupé lui aussi par cette fièvre de course au « Pouvoir » … D’autres camarades ont eu la lucidité de le dire d’une autre façon, mais ont été combattus par « Rojo » et ses camarades « enragés » dont il « partage toujours les idéaux » ...
Mais, en racontant cette histoire plus de 50 ans après, « Rojo » se met, aussi, d’emblée sur un piédestal pour distribuer des notes de « combativité » (la fameuse "النضالية") à gauche et à droite. Il pique ainsi au passage (P-116) Ali Afker, ce « berger devenu communiste » (« fondateur de la « Voie Démocratique » par la suite, dans les années 90), qui s’était rendu à la police lors des arrestations de 1972 (Groupe Balafrej et cie) n’ayant pas supporté le « poids de la clandestinité », est un acte gratuit !
Il raille, aussi, ce groupe des détenus marxistes-léninistes précurseurs de 1972 au quartier « Gim » de la prison centrale de Kenitra, qu’il taxe de peu solidaires parce qu’ils n’auraient pas subi les mêmes tortures que notre groupe (Arrestations de 1974-75-76). Ce qui est inexact et insultant (P.201) …
Serfaty, lui (P.109), est mis par « Rojo », dans une zone « floue » quand il laisse entendre une éventuelle « alliance » avec Oufikir, partant d’une entrevue avec journal de Hassan Benaddi, qui n’écarte cette hypothèse. Serfaty en « allié » d’Oufkir, c’est juste du « délire » politique. Le pauvre était incapable de vraiment s’allier même au « 23 Mars », organisation clandestine de la même tendance, ni aux guérilleros de Fqih Basri, alors Oufkir ! De quoi paraphraser le grand Jules César et dire : « Toi aussi mon fils, Rojo » !
Pour finir ces petits « règlements de comptes « Rojo » ne rate pas Mouchtari (l’un des principaux dirigeants de « Ilal Amam » qui l’aurait poussé à lire la théorie de Joseph Konrad sur le poussin » (P.172). Nous savions tous, dans notre groupe, que les gardiens avaient oublié Mouchtari, un jour au dispensaire de Bab Bouiba de Rabat, arrivés à Bou Knadel, les gardiens se sont rendu compte de leur oubli et sont revenus au dispensaire où Mouchtari les attendait patiemment. Et c’est là que « Rojo » nous pond son poussin docile qui revient à sa cage.
Les portes de prison s’entrouvrent
Ce que « Rojo » ne dit pas, c’est que lui-même aurait évité d’être « ce poussin » s’il l’avait voulu, et surtout éviter de tomber, éventuellement, sous les décombres d’un tunnel creusé inutilement pendant 2 ans.
J’en viens à cette histoire de « tunnel » (P.160) creusé en compagnie de Zaazaa, pour retrouver la « Liberté ». Fallait-il vraiment creuser ce tunnel pour s’enfuir, dans « les années 80 de notre détention », ou bien n’était-ce (avec tout le respect que je dois à un militant solide et fier comme Zaazaa) qu’une façon de « passer la prison », comme on disait à l’époque (كلها وكي كيدوز حبسو) ? Avec les papiers « permis » par Benomar (Libéré en 1983, et vivant à Londres, puis aux Usa, à l’époque), selon ce que nous dit « Rojo » (P.167), il aurait été plus facile de fausser compagnie aux gardiens, amicalement, lors d’une visite médicale au dispensaire de Bab Bouiba (à Rabat) ou à l’hôpital Ayachi de Salé. A partir du début des années 80, il suffisait d’avoir des rendez-vous avec des médecins, pour une consultation ou un contrôle, et une fois sur place on quittait les lieux de commun accord avec les gardiens, habillés en civil, pour revenir à l’heure du retour à la PCK, cela pouvait être midi ou 17h, selon le planning médical. Des camarades habitant Rabat allaient voir les leurs, d’autres prendre un pot, fureter dans les librairies ou faire des achats à Souika… Moi-même, j’en ai profité 2 ou 3 fois pour me baigner à la « Blaya » de Salé et même jouer un peu au foot sur le sable avec des inconnus (J’ai des photos de cela avec des camarades) … Nul besoin de « papilloniser » donc… mais, chez « Rojo » cela est faussement mis au service d’une « quête » quasi « mystique » de la « Liberté » !
A partir du début des années 80, personne n’a essayé de prendre la tangente, Pour la simple raison qu’on était démobilisés, sans infrastructure d’accueil en cas de fuite (au moins « Rojo » avait les « papiers de Benomar »), et que par conséquent on voulait éviter des problèmes gratuits à nos familles. Mais « Rojo » ne vise que Mouchtari l’un des premiers « dissidents », comme par hasard… !
Plusieurs opportunités politiques se présentèrent devant les camarades pour se ressaisir et corriger leur cécité idéologique, notamment en 1980 qui a vu débarquer à la PCK, une commission parlementaire mixte venant s’enquérir des « souhaits » de ses détenus politiques. Une large amnistie s’ensuivit, touchant des « Basristes », quelques « marxistes-léninistes » de Alif et Gim, et des exilés politiques, dont des camarades du « 23 Mars » qui ont pu lancer leur journal légal « Anoual » et créer une organisation politique légale, l’OADP. Mais les excités de « Ilal Amam » ne voulaient rien savoir et opposaient un « barrage » à toute tentative de « compromis ».
Finalement, et en l’absence d’une solution collective du groupe, « Rojo » a choisi l’option individuelle et s’est rabattu sur ces « réformistes » tant décriés, dans le passé, en leur écrivant sur la situation des détenus politiques, ce qui a fini par lui ouvrir les portes de la prison, selon son analyse (P227) !
Je rappelle, à l’occasion, à « Rojo » que mon livre n’est pas un cri de douleur, c’est un constat politique de la dureté du régime à l’époque, mais, aussi, une radioscopie, sans concession, de la folie politique de « Ilal amam » qu’il a suavement taxée « d’infantilisme de gauche ». La douleur, il fallait la voir à temps, « Rojo », chez vos militants chargés de haine « bolchévique » comme le doux Miloud Achdini, et chez le magnifique Hassan El Bou que les « Chefaillons » ont laissé dépérir quand il avait besoin de soin au 5ème étage de l’hôpital Avicennes, monopolisé par des camarades « importants » … Mais, dans leur « transe » stalinienne, ces camarades avaient-ils seulement un brin d’humanité ?
Bref, « Rojo » se raconte à son « public », mais il reste dans le « politiquement correct » chez la famille gauchiste dont il ne fait plus partie, et qui avait fini par l’éjecter en prison même. Et c’est dommage pour ceux qui s’intéresseraient à cette histoire des organisations gauchistes des années 70.
L’occasion, ici, de rendre hommage à ces nombreux jeunes camarades « anonymes », braves et sympathiques, qui ont supporté cette longue traversée du désert avec beaucoup de courage. Certains y ont laissé leur vie, d’autres leur raison, et tous, inutilement, les plus belles années d’une vie. Mon affection éternelle !
Le 09/02/2025