Le long processus d'une Britannique pour changer de genre et se sentir ''soi-même''

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Anna Drew (3R), dont le nom de scène est Tranna, fait une pause à l'extérieur d'une boîte de nuit transgenre à Londres, le 23 mars 2023. La question de l'identité transgenre divise et suscite de plus en plus de débats houleux au Royaume-Uni et aux États-Unis. Anna Drew, une Britannique de 22 ans, souhaite simplement une meilleure compréhension, six ans après avoir entamé sa transition de genre. (Photo de Justin TALLIS / AFP)

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"Ce n'était juste pas moi". Il y a six ans, Anna, une Britannique de 22 ans, a débuté une transition de genre. Elle raconte à l'AFP ce bouleversement, son coming out comme femme transgenre, les hormones qu'elle prend et les agressions verbales et physiques.

Selon une étude du Bureau national britannique des statistiques, publiée en janvier 2023, environ 1% des 16-24 ans en Angleterre et au Pays de Galles déclare que leur genre est différent de celui enregistré à leur naissance.

C'est le cas d'Anna. Elle vit chez ses parents au nord de Londres. Elle a un frère jumeau, "un vrai garçon" dit-elle.

"Mon prénom à la naissance était Andrew. Mon nouveau prénom est Anna Drew", raconte-t-elle. "Je connais beaucoup de trans qui disent que cette (ancienne) personne est morte. Mais pour moi, Andrew est toujours là, au fond de moi, mais ce n'est pas moi".

La journée, elle travaille dans la coiffure. Après avoir été coloriste, elle fabrique des perruques. La nuit, deux fois par semaine, elle se produit, comme danseuse, dans des clubs trans.

Elle a accepté d'être photographiée et filmée par l'AFP pour "rendre les choses plus faciles" pour des personnes traversant le même parcours.

"Il y a des gens tout à fait normaux dans le monde qui se trouvent juste être transgenres", dit Anna. "Cela peut être votre prof préféré, votre coiffeur, le gars qui travaille à l'épicerie du coin".

La question de la transidentité est régulièrement au centre de vives polémiques au Royaume-Uni, ou ailleurs comme aux Etats-Unis.

Elle divise. Le Parlement écossais a adopté fin 2022 une loi facilitant la reconnaissance légale du changement de genre, mais elle a été bloquée par le gouvernement conservateur à Londres.

Perruque et maquillage 

A 14 ans, avant sa transition, premier coming out. Elle annonce son homosexualité à ses parents, qui travaillent dans la publicité.

Elle était scolarisée dans une école juive, assez conservatrice.

Pour les soirées, elle se maquillait, s'habillait comme une drag queen. Quand elle rentrait, elle enlevait sa perruque, retirait son maquillage. "Dans le miroir, je ne me reconnaissais plus".

Deuxième coming out à 16 ans, lorsqu'elle choisit le prénom d'Anna, d'abord avec ses amis puis avec ses parents. "Tout à coup, je me suis sentie moi-même".

Ses parents, avec le temps, ont accepté sa transition, mais aucun d'eux n'est venu la voir danser dans les clubs trans, où elle apparait sur scène, avec ses longs cheveux, en talons hauts, robe moulante extra courte, devant un public quasi exclusivement masculin, des hommes plutôt quadragénaires habituellement peu coutumiers des soirées LGBT+.

La journée, Anna porte plutôt jean, crop top et blouson, de quoi se fondre dans la foule. Mais "quasiment tous les jours", elle entend des réflexions dans la rue, "des propos transphobes". Elle essaie de répondre par des sourires. "Je ne les laisserai jamais gâcher ma journée", se promet-elle.

Début 2023, en pleine nuit, un homme lui a arraché sa perruque, l'a frappée au visage et lui a craché dessus. "J'ai eu un oeil au beurre noir. Mon ego aussi a été blessé". Mais elle n'est pas allée voir la police.

"Ces gens là, je les dérange simplement parce que j'existe", constate Anna.

Deuxième puberté 

Elle a commencé à prendre des hormones il y a trois ans, un gel qu'elle applique sur son corps tous les jours. "C'est comme une puberté à 22 ans. (...) Les traits de mon visage se sont adoucis. Mes hanches se sont élargies. La graisse se répartit différemment", décrit-elle.

"Peu à peu, je deviens la femme que je veux être", explique Anna, qui essaie d'économiser pour se faire poser des prothèses mammaires.

Son traitement hormonal est prescrit et financé par une association caritative privée. "J'ai été extrêmement chanceuse", dit-elle. Elle a écrit, en vain, il y a plusieurs années au NHS, le système public de santé. "Si cette association ne m'avait pas répondu, je n'aurais toujours pas commencé à prendre des hormones".

Reste le dossier administratif pour changer son état civil qu'elle n'a pas vraiment commencé. "C'est tellement long à changer. Vous commencez par un document, et vous vous rendez compte qu'il y a sept étapes avant de pouvoir le faire".

"Socialement, ma transition est faite. Tout le monde parle de moi au féminin. Alors parfois, j'oublie l'importance du côté légal", poursuit-elle.

Son passeport porte encore son ancien prénom. Alors quand elle voyage, elle s'appelle à nouveau Andrew, le temps de monter dans l'avion. (AFP)

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