Les mots inutiles - Par Naïm Kamal

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Khalil Hachimi Idrissi

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Dis un peu Khalil*, qu’est-ce qui t’as pris de nous fausser compagnie comme ça ? Non pas sans prévenir, tu es trop poli pour ça, mais tu l’as fait tout de même. 

A qui vais-je désormais soumettre mes articles sensibles pour appréciation ? Parfois tu me suggérais une tournure à modifier, une formulation à modérer, chaque fois je t’écoutais, parce que tu étais d’un avis sûr et désintéressé.

Le lecteur me passera le ton personnel de ces mots inutiles, mais je n’ai pas d’autres vocables pour t’atteindre là où tu es, certainement enfin en paix, parce que hypersensible ici-bas, tu réagissais sans avoir l’air d’y toucher à tout ce qui ne t’indifférait pas. Ça ne veut pas dire que tu ne pouvais pas être carnassier. Oh ! que Si.

Deux nuits avant que tu ne te livres âme et bagages à ton Seigneur, je te regardais dans la solitude de tes souffrances, lutter silencieusement contre la douleur. Ne sachant quoi dire, j’ai osé un ‘’ça va passer Khalil’’. Lentement, tu as tourné vers moi ton regard fané par le combat contre la maladie et de ta voie faible et cassée tu m’as envoyé ton ultime vanne : ‘’tu penses…’’. 

Il n’y avait pas dans tes yeux fatigués la brillance habituelle à ce genre de réplique, mais je la devinais, bouffée par le crabe. J’ai encaissé, et effrontément j’ai répondu : ‘’Oui, je pense’’, parce que comme toi j’ai la foi, et comme toi quelques jours auparavant, je voulais croire au miracle.

Tout au long, finalement de ta courte maladie, tu étais entouré de tes amis et de tes connaissances, ceux qui t’aimaient, t’appréciaient ou t’admiraient, et même ceux qui… enfin, tu vois ce que je veux dire. Mais pour tes derniers instants, la Toute Puissance n’a voulu à tes cotés pour recevoir ton ultime souffle que les êtres qui te sont les plus chers, ton épouse Najat et ta fille Rhita. 

A Dieu nous sommes et à Lui nous retournons

Je pourrais épiloguer longtemps sur ton professionnalisme, ton humour à la fois subtile et féroce, sur ce que tu as apporté à la presse, sur ton apport à Maroc Hebdo et ta création Aujourd’hui Le Maroc, sur ton œuvre sans équivalent à la tête de la MAP que tu as mené sans que les attaques, les calomnies ou les tentatives de te soumettre n’érodent ta détermination ou ramollissent ta ténacité.

Je pourrais également m’étendre sur notre amitié qui n’est pas fille d’un coup de foudre, mais l’enfant d’une patiente couveuse et la progéniture d’un affrontement qui a su rester feutré et courtois autour de l’alternance consensuelle en gestation tout au long des années quatre-vingt-dix, avant que Nourreddine Saïl, de retour de France pour prendre la direction de 2M, et l’ère nouvelle de Mohammed VI surviennent pour la cimenter définitivement. 

Rien de ce que je pourrais dire ne te rendrait justice. 

Sauf, sauf sans doute le Roi qui a reçu avec une ‘’vive émotion la nouvelle du décès de l'illustre écrivain-journaliste’’, qualifiant de lourde ta perte, se remémorant ‘’avec beaucoup d'estime’’, [tes] ‘’grandes qualités humaines’’, ta ‘’compétence professionnelle avérée, [ton] intégrité, [ton] engagement et [ton] abnégation dans l'exercice de [tes] fonctions en tant qu'écrivain, responsable médiatique et directeur général de l'Agence Maghreb Arabe Presse, outre [ton] dévouement et [ta] sincérité dans la défense des constantes et des valeurs sacrées de la Nation’’.  

Voilà KHI, tes détracteurs de toujours en sont pour leurs frais.

Tu vois Khalil, j’ai presque tenu ton pari, toi, le chantre de la concision, qui avait établi la règle qui veut qu’une chronique ne doit pas dépasser 500 mots. Celle-ci en comporte 597. Quatre-vingt-dix-sept de plus, c’est peu, très peu pour l’immense personnage et ami que tu as été. 

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*Khalil Hachimi Idrissi est décédé le samedi 8 avril 2023

Lire aussi : Khalil Hachimi Idrissi, Le Gargantua du verbe – Par Driss Ajbali

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