Zefzafi

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Nasser Zefzafi, qui apparait comme le principal meneur de l’escalade et de la tension qui prévalent à Al Hoceima depuis le décès malheureux mais accidentel de Mouhcine Fikri, a été arrêté. Quarante autres personnes ont connu le même sort suite aux heurts de lundi.

Serait-il cynique et politiquement incorrecte de dire qu’il était temps ?

Pas plus que quand le même Zefzafi qualifie la présence multiséculaire des Arabes au Maroc « d’occupation », pour peu que l’on puisse encore dans notre pays parler de pureté de l’ADN amazigh ou arabe après tant de siècles de brassage. Mais l’arabo (par mon père)-berbère (par ma mère) que je suis sait que le sentiment d’appartenance est culturel.

Pas plus encore que quand, toujours le même Zefzafi, déclare « que l’occupation espagnole était plus supportable que l’occupation arabe. » Oubliant dans son délire que c’est l’alliance franco-espagnole qui a écrasé et exilé Ben Abdelkrim El Khattabi et que c’est l’armée de Madrid qui, pour la première fois dans l’histoire des guerres, a aspergé le Rif  de gaz toxique.*

Ce qui induit ce constat : Ou Zefzafi est inculte ou il a la mémoire sélective. Ce qui ferait de lui un vulgaire manipulateur et un fieffé mystificateur.

Les besoins en infrastructures, les carences en éducation, les manques en médication et en soins, les insuffisances en tous genres ne sont pas le propre de cette région. C’est même le bien le mieux partagé du Maroc.

Tant bien que mal, avec les moyens qui sont ceux du Royaume, l’Etat essaye de pallier les problèmes, avec des succès et des ratés. Mais aussi, malheureusement, avec ce que ce genre d’entreprise entraine dans son sillage comme corruption, détournements, irresponsabilité, incivisme et souvent incompétence.

Dans un pays qui se veut en construction démocratique, il est sain que les populations réagissent dans ce cas avec l’énergie nécessaire pour faire évoluer les choses vers le mieux. Dans la région d’Al Hoceima comme ailleurs.

Il est donc tout-à-fait légitime que les populations de cette paisible ville, dont j’ai eu plusieurs fois l’occasion d’apprécier la simplicité et les charmes, ruent dans les brancards chaque fois que le besoin s’en fait sentir.

Encore faudrait-il qu’aucun facteur exogène à la revendication sociale ne vienne se greffer sur le mouvement pour le détourner de ses objectifs et en faire un autre usage.

C’est ce qu’ont fait de la protestation des populations, Zefzafi et ceux qui l’encadrent. Car personne ne me fera croire que ce personnage est un solitaire sorti de nulle part. Ils a bien un dessein. Pour s’en convaincre il suffit de voir comment « ses » exigences et celles de ses amis ressemblent à une interminable poupée russe : chaque fois que vous en ouvrez une vous en trouver une autre.

Rien que dans le choix des interlocuteurs qu’on leur propose, leur tactique transpire la mauvaise foi : On ne veut pas les élus, on veut le gouverneur. Non, le gouverneur c’est peu pour nous, on veut le wali. Non, finalement le wali ne fait pas l’affaire, on veut son ministre. Le ministre ? Insuffisant, on veut le gouvernement. Le gouvernement ? C’est quoi ça, on veut le Roi. Et puis quoi encore…

Il faut le dire, tout au long de ces longues semaines de cache-cache et de provocations, le pouvoir a fait preuve de patience et de retenue. Jusqu’au jour où Zefzafi, ne sentant plus, comme on dit chez nous, ses aisselles, il a commis le faux pas en allant porter ce qu’il pensait être l’estocade, dans l’enceinte de la mosquée par un jour de vendredi sain. Est-ce un hasard si ce lieu de recueillement et de prière porte le nom de Mohammed V ?

Reste une question : Qui est-ce donc ce Zefzafi ? Un agitateur en mal d’exposition et de reconnaissance ? Un islamiste de souche adliste qui tente, en même temps de récupérer les mécontents du PJD ? A ce titre, un partisan de Abdeslam Yassine dont il tente de réaliser le rêve de la « kawma » ratée ? Un Rifain, comme il y en a quelques uns, mu par une fibre séparatiste qui transparait clairement, en dépit de ses efforts, dans ses discours ?  Un patriote qui, malgré tout, n’arrive pas à franchir le Rubicon ?

Dans ses divagations, Zefzafi est tout cela en même temps. Ce qui en fait un personnage non pas bipolaire, mais multipolaire dans le sens psychanalytique du terme, simple et complexe à la fois.

*Je reviendrai dans un prochain article sur la guerre du Rif et la guerre de pacification dans les montagnes de l’Atlas, notamment le Haut Atlas