Bon vent, mon prince

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Par Naïm Kamal - Moi, je croyais que c’était fait depuis longtemps, depuis le jour où il a décidé de signer ses articles par Hicham Ben Abdallah Alaoui, qu’il était désormais comme vous et moi, un citoyen lambda. Que de ce fait il avait procédé de lui-même à une auto-déchéance et qu’a priori, désormais, le vouvoyer ne relevait plus d’un acte de révérence due, mais d’une simple politesse entre gens bien éduqués.

Erreur ! Le prince et toujours prince, avec tout ce qui va avec, sur le dos de l’habitant, et qu’à peine il y a deux ou trois ans, dit-il, qu’il a demandé, avec le secours d’un avocat, à être déchu de son titre, et par la même occasion, s’il lui arrivait quelque chose, à Dieu n’en plaise, qu’il soit enterré dans un endroit sans rapport avec la monarchie.

Si sa première sollicitation semble facilement satisfaisable, il suffirait vraisemblablement d’un dahir, la seconde est autrement plus compliquée. Car pour l’enterrer dans un endroit sans relation avec la monarchie, il faudrait le faire à l’étranger et là ce n’est plus du ressort du royaume.

Je plaisante. A peine. Dès le début de l’après-midi du vendredi je reçois sur WhatsApp la bande annonce, l’assommoir : «  Le prince Moulay Hicham va déclarer sur France 24 sa volonté de ne plus faire partie de la famille royale ».

Ma réaction première est de me dire que décidément ce prince vit dans la frayeur d’être oublié. Mais c’est moi qui suis vite pris par une angoisse indéfinissable. Inexplicable aussi. Et maintenant que va-t-il se passer ? Ce n’est pas encore des sueurs froides mais presque. Je regarde ma montre, l’aiguille des secondes suit son bonhomme de chemin tranquillement, régulièrement, bien rythmé. L’horaire réglementaire est toujours GMT +1. Il n’y a donc pas de pendules à remettre à l’heure. Ni d’horloge à régler. Je respire. Pour l’instant, la lune continue de tourner autour de la terre, la terre autour d’elle-même et autour du soleil. Et Moulay Hicham autour de la même équation. Insoluble.

Moi c’est ma tête qui tourne. Je m’installe devant la télévision, sans sentir vraiment le besoin de lester mon pantalon pour garder le sol. Mes jambes flanchent déjà suffisamment comme ça pour que je ressente le besoin de me lever. Pavloviennement je me mis à gamberger.

France 24, ce n’est pas la chaine de la communication extérieure de la diplomatie française ? Si. Et après, ça ne veut rien dire. Pourquoi maintenant, et pas demain, et pas hier ? Après l’interview, un ami m’envoie sur le réseau cette question shakespearienne : « Je ne  vois pas clair dans ce jeu ! Qui peut m’éclairer ? ».

Pas moi, lui répondis-je sèchement. Déjà que je peine à me remettre de cette longue rêverie pendant l’attente qui m’a ramené à ce jour où Moulay Hicham a publié dans Le Monde ce long article où il contestait le principe de la primogéniture dans la constitution. Ça fait tout de même un bail, voire deux ou trois. Il ne se fatigue pas le mec. Un vrai marathonien, en dépit d’une opération au cœur fortement médiatisée.

A l’époque du fameux article, il était tout louange devant le système archaïque de conseil de famille qui décide du pouvoir en Arabie Saoudite. C’est ce que, d’une certaine manière, Mohamed Ben Salman a fait sauter. Moulay Hicham n’est pas content et le fait savoir dans l’exclusivité qu’il accorde à France 24. On l’oublie souvent, mais le prince, le notre, est à cheval sur deux monarchies et trois pays, dont une triarchie marono-sunno-chiite.

Si bien nanti qu’Il ne veut plus de la notre, grand bien lui fasse. Bon vent mon prince.

 

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