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CIBLAGES ET PERSÉCUTIONS DES DEFENSEURS DES PALESTINIENS EN FRANCE – Par MUSTAPHA SAHA
10 janvier 2024, Émilie Gomis, franco-sénégalaise, quarante ans, basketteuse émérite, du haut de sa beauté, comparaît devant le Comité d’organisation des Jeux Olympiques pour être révoquée de son titre d’ambassadrice de Paris 2024. Le comité d’éthique lui reproched’avoir exprimé, sur Instagram, sa compassion pour les Palestiniens
Paris. Lundi, 5 février 2024. Délations. Intimidations. Chantages. Dénonciations. Les sionistes français ne se donnent aucune limite. Le moindre signe d’indignation face au génocide israélien fait l’objet d’une stigmatisation en règle. Des commandos anonymes ratissent les réseaux sociaux, publient les coordonnés personnelles des journalistes, des politiques, des intellectuels soutenant la cause palestinienne, incitent au harcèlement téléphonique, webique.
Ciblage, doxage, trollage, le langage des persécuteurs internétiques s’enrichit régulièrement de nouvelles sémantiques.Les appels comminatoires, les messages délétères submergent les portables des victimes. Les propagandistes sionistes, soutenus par des rhétoriques officielles, mènent les offensives tous azimuts. Des rafales d’appels se déclenchent de l’étranger. Diffusion de photos familiales. Rumeurs malfaisantes. Canulars toxiques. Menaces de mort. Les militants propalestiniens sont fichés, pistés, cafardés. En dehors des attaques ad hominem, des actions coordonnées, dissuasives, contre des avocats, remettent en cause le principe même de la défense pénale.
Les autorités françaises apportent une assistance inconditionnelle au régime génocidaire, arment et financent le pire massacre de l’époque contemporaine. Toute critique des pratiques ségrégationnistes, ethnocidaires, génocidaires du gouvernement israélien est systématiquement censurée sur les médias de masse français, qui diffusent en continu les éléments de langage de l’armée coloniale. Le dessin animé Wardi, racontant la vie d’une fillette de Gaza, est retiré des projets scolaires par le rectorat de Paris. Les recherches universitaires sur la question palestinienne sont administrativement découragées, sinon interdites. L’acharnement étatique et civil prend des proportions hallucinantes. Le 10 novembre 2023, Mariam Abou Daqqa, militante du Front Populaire de Libération, de passage sur le territoire français pour donner une série de conférences, est arrêtée, enfermée dans un centre de rétention administrative, éloignée sans égards, interdite de séjour. La préfecture d’Ille-et-Vilaine annonce l’expulsion d’une famille palestinienne établie depuis plusieurs années à Rennes, avec trois enfants de sept, cinq et trois ans, après le refus de leur demande d’asile. Leurs proches, déportés militairement vers le sud de Gaza, survivent sous les étoiles, sans nourriture, sans eau, sans soins, risquent à chaque instant la mort sous les bombardements incessants. Un seul quotidien breton évoque l’affaire. Se décrit ailleurs, froidement, cyniquement, l’enclave palestinienne comme un champ de ruines, un cimetière à ciel ouvert. Une horrible fascination pour l’enfer.
Mercredi, 10 janvier 2024, Émilie Gomis, franco-sénégalaise, quarante ans, basketteuse émérite, comparaît devant le Comité d’organisation des Jeux Olympiques pour être révoquée de son titre d’ambassadrice de Paris 2024. Le comité d’éthique lui reproche d’avoir exprimé, sur Instagram, sa compassion pour les Palestiniens. La Charte olympique est brandie comme un carton rouge. Le Conseil représentatif des institutions juives de France exige de la ministre des Sports la révocation d’Émilie Gomis. La sportive est accusée d’antisémitisme. Les sionistes s’arrogent le monopole du sémitisme. Les Palestiniens, les arabes, sont également des sémites. Quand le racisme les frappe, ils sont aussi victimes d’antisémitisme. Émilie Gomis, sous pression, a beau s’excuser : « En ces moments difficiles, mes pensées vont à toutes les innocentes victimes touchées par les guerres et actes barbares qui se multiplient dans le monde », elle est dans le collimateur.
L’avis du Comité d’éthique olympique vaut la peine d’être cité. Le parti pris occidental n’admet aucun argument contradictoire. « Madame Émilie Gomis est membre du conseil d’administration de Paris 2024 en qualité de personnalité qualifiée. Elle est également membre du programme Terre des Jeux 2024. Le Comité d’éthique considère que la publication Madame Émilie Gomis, par la justification implicite qu’elle apporte à des actes de terrorisme, constitue un manquement grave de l’intéressée aux obligations éthiques. Pour ces motifs, le comité estime que les stipulations relatives à la résiliation du contrat de Madame Émilie Gomis peuvent être mises en œuvre. Paris le 11 décembre 2023 ». Toute expression propalestinienne, aujourd’hui, sur le territoire français, est présumée potentiellement terroriste.Vendredi, 8 décembre 2023, le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme dépose une plainte contre Émilie Gomis.Vendredi, 2 février 2024, une enquête pour apologie du terrorisme. Le sport n’est jamais neutre. Il s’instrumentalise toujours à des fins politiques. Des politiques, des intellectuels justificateurs du monstrueux génocide sont accueillis avec les honneurs sur les plateaux de télévision. Les Jeux Olympiques 2024 sont une machine de guerre technocratique, liquidatrice de la liberté d’expression, des bouquinistes des quais de Seine, de la culture.
Rima Hassan Mobarak, juriste franco-palestinienne, trente-deux ans, née dans le camp de réfugiés de Neyrab en Syrie, arrivée en France à l’âge de dix ans, subit des campagnes diffamatoires violentes sur les réseaux sociaux. Elle est une cible privilégiée des racistes et des suprémacistes. Les sionistes ont fait annuler une cérémonie du magazine Forbes, prévue en mars 2024, qui la consacre parmi quarante femmes exceptionnelles ayant fait rayonner la société française dans le monde. Rima Hassan Mobarak, fondatrice de l’Observatoire des camps de réfugiés, incarnation de la colère palestinienne, menacée de mort, finit par quitter la France en janvier 2024 pour se réinstaller en Syrie. Elle déclare : « Dans cette période horrible, je ressens le besoin d’être proche de mon peuple. Le génocide de Gaza est une deuxième Nakba. J’en veux aux responsables français de n’avoir pas créé des espaces d’empathie collective à l’égard des victimes des deux camps. Il est moralement inacceptable de se réjouir de la mort de civils ».
Passants parmi des paroles passagères.
Par Mahmoud Darwich.
Vous qui passez parmi les paroles passagères
portez vos noms et partez
Retirez vos heures de notre temps, partez
Extorquez ce que vous voulez
du bleu du ciel et du sable de la mémoire
Prenez les photos que vous voulez, pour savoir
que vous ne saurez pas
comment les pierres de notre terre
bâtissent le toit du ciel
2.
Vous qui passez parmi les paroles passagères
Vous fournissez l’épée, nous fournissons le sang
vous fournissez l’acier et le feu, nous fournissons la chair
vous fournissez un autre char, nous fournissons les pierres
vous fournissez la bombe lacrymogène, nous fournissons la pluie
Mais le ciel et l’air
sont les mêmes pour vous et pour nous
Alors prenez votre lot de notre sang, et partez
allez dîner, festoyer et danser, puis partez
A nous de garder les roses des martyrs
à nous de vivre comme nous le voulons.
3.
Vous qui passez parmi les paroles passagères
comme la poussière amère, passez où vous voulez
mais ne passez pas parmi nous comme les insectes volants
Nous avons à faire dans notre terre
nous avons à cultiver le blé
à l’abreuver de la rosée de nos corps
Nous avons ce qui ne vous agrée pas ici
pierres et perdrix
Alors, portez le passé, si vous le voulez
au marché des antiquités
et restituez le squelette à la huppe
sur un plateau de porcelaine
Nous avons ce qui ne vous agrée pas
nous avons l’avenir
et nous avons à faire dans notre pays
4.
Vous qui passez parmi les paroles passagères
entassez vos illusions dans une fosse abandonnée, et partez
rendez les aiguilles du temps à la légitimité du veau d’or
ou au battement musical du revolver
Nous avons ce qui ne vous agrée pas ici, partez
Nous avons ce qui n’est pas à vous :
une patrie qui saigne, un peuple qui saigne
une patrie utile à l’oubli et au souvenir
5.
Vous qui passez parmi les paroles passagères
il est temps que vous partiez
et que vous vous fixiez où bon vous semble
mais ne vous fixez pas parmi nous
Il est temps que vous partiez
que vous mouriez où bon vous semble
mais ne mourez pas parmi nous
Nous avons à faire dans notre terre
ici, nous avons le passé
la voix inaugurale de la vie
et nous y avons le présent, le présent et l’avenir
nous y avons l’ici-bas et l’au-delà
Alors, sortez de notre terre
de notre terre ferme, de notre mer
de notre blé, de notre sel, de notre blessure
de toute chose, sortez
des souvenirs de la mémoire
Mahmoud Darwich.
Combien de philosophes, de poètes, d’écrivains, d’artistes, de savants palestiniens gisent sous les décombres de Gaza ? Le jeudi 28 avril 1988, quatre mois après le déclenchement de la Révolution des pierres, un premier ministre israélien d’extrême droite, monte à la tribune pour incriminer le poème de Mahmoud Darwich : « L’expression exacte des objectifs recherchés par les bandes d’assassins organisés vient d’être donnée par l’un de leurs poètes, Mahmoud Darwich. J’aurai pu lire ce poème devant le Parlement, mais je ne veux pas lui accorder l’honneur de figurer dans les archives israéliennes »*. Le poème inébranlable, inaltérable, indestructible se dresse pour l’éternité devant les armées assassines. Les palestiniens n’aiment ni la colonisation, ni les colonisateurs. L’amour n’est pas au bout du fusil. Le poème, indompable, insaisissable, inexpugnable, puise sa sève dans la liberté.